Opération Roméo Tchécoslovaquie, 1984
Opération Roméo Tchécoslovaquie, 1984 d’après Komunizmus, une comédie de normalisation de Viliam Klimacek, mise en scène d’Eric Cénat
“Si vous aimez les romans d’espionnage, dit la note d’intention, ce spectacle est pour vous! Une galerie de personnages se voit entraînée dans des péripéties et histoires à rebondissements (…) Par référence au livre de George Orwell, 1984, l’auteur slovaque nous interroge: en obéissant à un régime totalitaire, l’être humain trahit-il ou protège-t-il ceux qu’il aime.”
C’est l’histoire de Michal, un ancien directeur des Films Tchécoslovaques qui, viré, a été reclassé dans un service d’archives et qui s’isole souvent sur le toit-terrasse de son immeuble. Avec leur fils Viktor, un jeune étudiant en médecine, il va fêter l’anniversaire de son épouse dont le père, un écrivain surveillé de très près par le régime, ne peut même plus publier de livres. La famille est bien entendu aussi surveillée et sur écoute permanente dans leur appartement.
Michal sera interrogé par la police secrète mais on apprendra…qu’il en a aussi fait partie, pour avoir l’argent nécessaire à l’achat de médicaments destinés à soigner son père atteint d’une grave leucémie contractée. Il avait été en effet envoyé à titre punitif dans les mines d’uranium dont l’URSS avait le plus grand besoin. Il mourra car ces médicaments avaient probablement été détournés pour guérir un personnage important qui avait lui, l’argent pour les acheter.
Mais la vérité va éclater et briser cette famille! La police montrera à Michal des photos de son épouse très très près d’un beau jeune homme! Et quand elle apprendra qu’elle a vécu la plus grande partie de sa vie avec un mari espion, elle décidera de le quitter aussitôt; et leur fils ne voudra jamais revoir son père… avant de devenir lui aussi agent de renseignements. Au bout du rouleau, seul et épuisé, Michal se suicidera en s’électrocutant à l’enseigne lumineuse représentant une étoile rouge avec les fameux marteau et faucille!
Bref, Viliam Klimacek, dramaturge et comédien, montre ici comment le pouvoir totalitaire peut avoir vite raison d’un individu et de sa famille. L’auteur, très connu en Slovaquie, connaît bien et pour cause, cette “normalisation” comme on disait, d’intellectuels et artistes qui, dans les années 70, furent pour des motifs souvent très légers, surveillés de près et obligés d’interrompre leur activité, sans même pouvoir s’enfuir de leur pays.
Sur scène, un cube adroitement conçu qui s’ouvre sur un intérieur d’apppartement ou un bureau de police; au-dessus un petit toit terrasse, trop petit et sans garde-fou, où les comédiens oblige de monter par une échelle sur le côté ne semblent pas très à l’aise pour jouer. Distribution franco-slovaque inégale même la direction d’acteurs dans l’ensemble tient la route. La mise en scène d’Eric Cénat, elle, va cahin-caha avec de beaux moments comme cet interrogatoire très anxiogène et oppressant: Michal voit ainsi défiler les photos projetées de sa jeune femme avec son jeune amant, accompagnées du commentaire du policier. Mais Eric Cénat plonge souvent le plateau dans une pénombre, ce qui ne favorise pas l’écoute d’un texte estouffadou, avec nombre de scènes un peu mélo, comme entre autres, un règlement de compte entre les deux époux qui frise le boulevard.
L’auteur surligne souvent des situations déjà un peu téléphonées et le metteur en scène aurait dû resserrer des dialogues pas toujours convaincants qui surtout, s’éternisent: cette heure et demi de plongée dans le passé communiste nous a paru longuette.
Un spectacle qui se laisse voir mais qui n’a rien d’incontournable! Enfin, une occasion de découvrir un auteur slovaque. A vous de choisir.
Philippe du Vignal
Théâtre 13-Seine, 30 rue du Chevaleret, Paris XIIème jusqu’au 4 octobre.