Tristesse animal noir, de Anja Hilling

Tristesse animal noir, de Anja Hilling, mise en scène de Grégory Fernandes

 

(C)Julien Dubuc

©Julien Dubuc

Une belle soirée : on ira en forêt, on fera un bon barbecue, et puis on dormira à la belle étoile, régénérés par la Nature. Les trois couples jouissent de la douceur du soir, autour du feu, l’enfant dort dans le combi. Ils boivent un peu, les paroles tournent à l’aigre ou au vide, et finalement ils s’enroule dans leurs sacs de couchages. Cela, c’est le premier acte: la fête. Le second: l’incendie, et le troisième, ses conséquences. Une charpente solide et classique pour cette  « comédie dramatique », au récit halluciné et littéralement flamboyant de l’incendie et du désastre à la reconstruction, petit à petit, de ce qui peut être reconstruit.
Anja Hilling n’a pas peur de la psychologie, mais surtout elle trouve dans l’horreur et la délicatesse de son regard une extraordinaire poésie du désastre. L’incendie révèle une autre nature, des animaux morts, blanchis de cendre, prennent un caractère sacré, le bébé carbonisé hante quelques uns des survivants et des sauveteurs. Un monde rural, inconnu, dur et poétique et touché lui aussi par la mort des bêtes, s’ouvre à l’homme des villes… Les amours bouleversées, se recomposent, quelque chose de nouveau entre en force dans la vie des personnages et il y aura eu des moments d’une beauté unique.

Anja Hilling pose la question de la responsabilité et de la culpabilité : nos “bobos“ n’avouent pas qu’ils ont allumé un feu. Victimes de l’incendie, peuvent-ils être coupables ? Mais elle le fait en moraliste, non en moralisatrice. Elle sonde avec humanité ces cœurs humains,comme elle effleure les corps brûlés.  On avait pu voir la pièce au Théâtre National de la Colline et au théâtre de l’Aquarium. Pour sa première mise en scène, Grégory Fernandes, avec le groupe M7, en donne une très belle version. Les comédiens portent le texte à sa place exacte, tantôt incarnant un personnage, tantôt eux-mêmes aux prises avec le récit, tantôt puisant à une troisième source difficile à définir, et s’adressant directement au public quand il le faut. Nous sommes aussi ces “bobos“ à la morale moyenne. La scénographie, juste assez présente sans être pauvre, distingue les différents lieux de l’action ou du récit, suivant les cassures ou les retrouvailles des personnages. Bref, un travail intelligent et très beau dans sa simplicité. Et plus que cela : la pièce, qu’Anja Hilling voit comme un « tragédie moderne », nous émeut profondément. À voir d’urgence.

 Christine Friedel

Théâtre de l’Atalante, jusqu’au 2 octobre. T. : 01 46 06 11 90

 

 

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