Les Héros de Josse De Pauw
Les Francophonies en Limousin 2017:
Les Héros, texte, mise en scène et jeu de Josse De Pauw, composition et installation de Dominique Pauwels
Un beau moment de Théâtre, venu de Belgique, clôt de ce festival. Un étrange décor occupe le plateau: des magnétophones reliés par des filins tendus sur des poulies en travers de la scène; une extravagante trompette mobile, juchée sur des amplis et, au milieu, un grand carré blanc. Complainte, oratorio ou litanie, une voix off mixée avec des morceaux de musique accompagne l’entrée en scène de Josse De Pauw : «Sur le chemin de halage / près du canal »(…). Elle aurait dû être à l’école ». On imagine alors ce lieu désert, dans un paysage typique du plat pays. La musique « samplée » renforce par son caractère répétitif, le ressassement de ce monologue. L’ambiance est au drame.
Le comédien poursuit son récit, impassible:«Une sylphide au bord de l’eau. » (…). « Il fallait que je saute à l’eau. Mais je ne sais pas nager./Comment fait-on ça, sortir quelqu’un de l’eau ? Quand on ne sait pas nager ? Je la voyais se débattre, mordre, happer l’air…/ Je happais l’air moi aussi…/ Je me débattais aussi… /Je me suis mordu les lèvres jusqu’au sang. Mais je ne sais pas nager./ Personne ne me l’a appris. »
Rongé par la culpabilité de ne pas avoir sauvé la jeune fille qui se noyait, l’homme explore les limites de l’héroïsme. Existe-t-il encore des êtres capables de se sacrifier? Pour leur pays, par amour, pour des convictions ? se demande-t-il. Et qu’entend-on par héroïsme aujourd’hui ?
Josse de Pauw entre dans la peau de son personnage, confronté à une telle situation et nous entraîne imperceptiblement dans ces problématiques existentielles et philosophiques et cite Schopenhauer au passage. L’incontournable comédien, auteur et metteur en scène belge, né en 1952, a fait ses débuts en 1976 avec Radeis International, une troupe qui se produisit jusqu’en 1984, en Europe et sur d’autres continents.
Devenu indépendant, il a roulé sa bosse sur les planches comme au cinéma et s’est aussi tourné vers l’écriture*. Ici, il opère en parfait dialogue avec la musique et l’installation plastique et sonore de Dominique Pauwels (pilotées en fond de scène par Brecht Beuselinck). Ce compositeur réputé qui se sert des technologies informatiques, combine ici, selon son habitude, des sons dits nouveaux et des lignes mélodiques plus classiques, comme il a pu le faire pour le metteur en scène Guy Cassiers ou la trilogie Ghost Road, qu’il a créé avec Fabrice Murgia…
Ces artistes conjuguent leur talent pour un spectacle-joué pour la première fois en France-d’une rare densité, complexe dans sa sobriété,et émouvant dans sa prise de distance.
Mireille Davidovici
Spectacle vu à Limoges, le 30 septembre, aux Francophonies en Limousin.
Le 11 octobre, Le Manège, Maubeuge ; 10 février Theater Malpertuis Tielt (Belgique).
Du 13 au 15 février, Le Rose des Vents, Villeneuve-d’Asq (Nord) ; 23 février CCTer Vesten Beveren ( Belgique)
Le 1er mars C.C. de Ploter Ternat; 10 mars CC De Factorij Zaventem (Belgique).
Et le 6 avril, Le Granit, Belfort
*Ses pièces, nouvelles, réflexions, notes et récits de voyage ont été réunis dans Werk, et Nog, publiés aux éditions Houtekiet.