Quelques petits spectacles à Audincourt:
Programmés par le Théâtre de l’Unité pour célébrer leurs dix-sept ans d’activité théâtrale à Audincourt, ces six petits spectacles ont été joués par des compagnies le plus souvent régionales, qu’Hervée de Lafond et Jacques Livchine ont accompagné dans leur parcours et/ou leur création.
Les Cancoyote Girls
Clotilde Moulin, La Lue et Maguy Bolle, ces jeunes femmes, complices depuis quelque cinq ans du Théâtre de l’Unité s’accompagnent de leur instrument : harpe, guitare et accordéon. Volontiers provocatrices, elles nous ont régalé de leurs savoureuses chansons franc-comtoises à l’humour souvent des plus décapants. Trois filles arrivent en voiture, elles installent un piano avec difficulté, se disputent pour la méthode. Elles représentent une association de défense de la vraie famille. Laurence présente Véronique et Marie-Paule qui s’occupe de la lumière : « La jeunesse est en détresse, les enfant vont mal à Louvigner ». Peu à peu tout se déglingue, on apprend que finalement, elle défendent la famille parfaite, mais que leurs familles à elles sont un vrai désastre. Des disputes incessantes entre Lili Douard, Inès Lopez et Sigrid Metatal font éclater de rire le public. Elles chantent des cantiques catholiques assez joliment, on rit énormément mais c’est un rire intelligent qui écorche en finesse les partisans de la famille pour tous. Ouardi Bessadet, un ancien élève du lycée Cuvier de Montbéliard assume la mise en scène. On note au passage le formidable potentiel comique d’Inès Lopez formée à l’Ecole du Samovar à Montreuil. Un beau moment musical que le public a beaucoup apprécié.
Re-belle de Latifa Djerbi
Nous avions pu voir une première ébauche de ce solo, l’an dernier au festival d’Avignon. Latifa Djerbi pétrissait son pain dans les rues. Elle dit qu’elle a décidé de ne pas remettre en chantier un nouveau solo, et s’enduit de harissa, puis déclare qu’elle a fait un stage d’écriture en Suisse: » En dehors de moi, je ne connais que moi ! Je suis enceinte de moi-même (…) La dévalo, c’est quand tu te sens indigne d’être aimée. Le toi du moi, c’est le moi autour de toi, j’ai décidé de me donner. »
Elle se met à hurler : «J’ai entendu dire quand j’étais petite, que, nous les Arabes, on volait le pain des Français. J’ai décidé de me donner, de pardonner. Je vais faire un acte psycho-magique, en faisant du pain. Comme disait mon père, la farine est au pain, ce que le ciment est au parpaing! » Elle mélange donc la farine de blé à la farine de sarrasin, et pétrit la pâte furieusement. Puis elle met cette pâte à cuire, et il n’y a plus qu’à attendre. «Il suffit d’un peu d’amour, dit-elle, je suis comme tout le monde, j’ai peur des Arabes. Tout s’achète en Suisse, il faut être validée par un Suisse ! » Elle offre du pain à un spectateur-un complice-et chante: «J’avais dit que je ne ferai pas de monologue, mais je n’ai pas pu me retenir ! ». Toujours aussi ébouriffante, toujours aussi drôle, Latifa Djerbi…
La Méchanceté de et par Catherine Fornal
Déjà vu l’an passé, le solo de cette autre complice du Théâtre de l’Unité, dont elle avait suivi les cours dans un lycée de Montbéliard, s’avère encore aussi décoiffant. Elle se présente avec un fort accent germanique :«Moi, Hilda Berg, je cumule plusieurs maladies dont le syndrome d’Alice au pays des merveilles. La deuxième, c’est la synesthésie multimodale, la musique qui évoque des formes et des couleurs ».
Après une danse ridicule, elle évoque la maladie de Paso, une hyper-activité de la glande thyroïde, et bouscule son Céline, son assistante qui ne lui a pas trouvé de médicament. «La bonté n’existe pas. Il y a une graduation dans la méchanceté. Le racisme se situe à différents niveaux. Quelqu’un peut-il me donner une définition de la bonté ? La tentation du bien n’est-elle pas plus destructrice que celle du mal ? Si tu veux aider quelqu’un, ne lui donne pas un poisson, apprends-lui à pêcher ! Nous sommes tous méchants ! »
Happy Together par la compagnie Non Négociable de Besançon
Trois filles arrivent en voiture et installent un piano avec difficulté mais se disputent sur la méthode à suivre. Laurence présente Véronique, et Marie-Paule qui s’occupe de la lumière : « La jeunesse est en détresse, les enfants vont mal à Louvigner». Des disputes incessantes qui font éclater de rire le public. Lili Douard, Inès Lopez et Sigrid Metatal veulent initier les enfants à la musique mais leurs disputes ridicules semblent plutôt désespérées…
Jean-Pierre, lui et moi de et par Thierry Combes par le Pocket Théâtre
©Helene Dodet Photography
Ce solo avait été accueilli en résidence par le Théâtre de l’Unité. Un joli dispositif circulaire en bois a été construit; nous sommes assis sur de petits tabourets triangulaires plutôt inconfortables, mais avec une bonne visibilité. Thierry Combes évoque son enfance avec son frère Jean-Pierre, handicapé. Il se sert des notes épinglées au-dessus du bureau. et dit qu’il s’agit pour lui de prendre la parole sur le handicap «avec des chaussures orthopédiques».
Il nous raconte son histoire aux côtés de cet homme qu’il interprète avec un naturel étonnant : « À quoi ça sert un frère handicapé, pourquoi ça m’amuse dans le fond ? (…) Mon frère ne regarde jamais la télé, il n’en a pas besoin pour être handicapé mental ! Il est handicapé, il n’est pas un petit peu autiste. On se demande s’il est pareil au foyer et à la maison. Juste au moment où j’ai allumé la télé, il a mis sa musique ! (…) Pour l’anniversaire d’Anthony, handicapé, on lui a servi du biscuit salé à la confiture de fraise». Nous somme fascinés par ce dédoublement comique et spectaculaire du drame vécu par cette famille.
Petites Pièces d’urgence
Un joli mélange de professionnels et d’amateurs de toute la Franche-Comté: Fabien, Stanislas, Pauline, Chantal, Vincent, Michèle,etc. «Qu’est-ce qui te fait sortir de ton trou, faire un pas de côté ? Je me suis faite agresser, quatre mecs me sont tombés dessus, c’était des rebeus. Mon voisin Mustapha, il est bien, j’aurais dû intervenir, chaque acte est important. L’étranger d’aujourd’hui est l’autochtone de demain; pour les demandes d’accueil, il y en a trop. L’oubli n’est-il pas confortable? Il faut prendre le temps de perdre son temps. Choisir, c’est renoncer, mais il faut choisir pour avancer. Pour se déplacer dans les soixante-douze communes du Pays de Montbéliard, il faut chercher la simplicité…»
Edith Rappoport
Six petits spectacles vus à Audincourt, les 7 et 8 octobre, pour les dix-sept ans du Théâtre de l’Unité.