M.A.M.A.E. et autres textes de Nadège Prugnard

 

M.A.M.A.E. et autres textes de Nadège Prugnard

 

©Stéphanie Ruffier

©Stéphanie Ruffier

Arrrggghhh ! Cri de guerre. Honni soit qui hystérie, y lit. La voix singulière de Nadège Prugnard est un hymne à la féminité libérée de ses chaînes, celles de la bienséance-pudeur-docilité et de cette bêtasse douceur dont les clichés revêtent sans cesse un éternel féminin qui n’a jamais existé. Alors oui, ça déborde, ça crache, ça vitupère avec pléthore de putain ! , de lettres en gras ou en majuscules, d’allitérations violentes, et des sauts brutaux à la ligne.

M.A.M.A.E., le texte d’ouverture de ce recueil de six pièces, habilement publié par les éditions Al Dante en des temps qui cherchent à revivifier la lutte, est un manifeste à la fois politique et esthétique. Et rien moins qu’un Meurtre Artistique avec Munitions Action Explosion : un gueuloir d’amour fou servi par un chœur de femmes qui, à gros jets d’espérances et de désespoirs, balance ses cocktails Molotov verbaux. « Nous ne plaisantons pas, nous ne jouerons pas, je répète, il n’y a pas de spectacle. » nous prévient-on, c’est « une attaque suicide ». Et on y croit, vraiment.

Démultipliant les figures du féminin, cette prodigieuse hydre convoque violemment son auditoire : elle nous cerne et nous encercle de façon de plus en plus intime. L’écriture, quasi-automatique, cette « chiasse verbale » terriblement travaillée, nous met sa « langue dans la bouche ». Impossible de rester passif ou voyeur face à ces signaux de détresse adressés aux hommes, ces humains trop connards d’humains. Ils crient le désir dément et la solitude existentielle. Ils ne cessent d’appeler au secours, ohé du bateau, tout en sabotant le fond de cale.

Dans Monoï, une « Indescriptible Notre-Dame des outrages » ose dire la sexualité et la jouissance féminines : « Je me regarde moi ». Et nous aussi, nous la regardons, interloqués, touchés au cœur et au cul par cette langue bâtarde, sale, quasi du slam, derrière laquelle se devinent des riffs de guitare et des détonations de grosse caisse. Le prince charmant peut aller se rhabiller. Il faut absolument plonger dans cette typographie et cette voix remuantes comme dans un grand bain de boue existentielle : on en ressort décapé.

 Comment ne pas se laisser transporter par cette écriture qui tient de la mania et du délire des Bacchantes ? Quelle sauvagerie ! Cette langue, comme possédée, semble suivre Dionysos sur la montagne, dresser tous les phallus, chanter les illusions comme les jouissances de l’ivresse et du théâtre. Elle foule aux pieds les répliques et les postures ennuyeuses d’un théâtre assis, bien trop sage. Elle entraîne le lecteur dans sa transe. Car cette écriture-musique, traversée par le rock le plus dur comme par le lyrisme de l’oratio, est bien une écriture-danse.

 Cet ouvrage est aussi l’occasion de (re)découvrir des paroles rares, récoltées en Auvergne. Témoignages explosifs, là encore, de résistant-e-s, militant-e-s, gens de la campagne et mémés rouges, ces femme clermontoises qui évoquent mai 68… En filigrane, nous y retrouvons toujours le soulèvement, cette force qui nous aide à ne pas plier l’échine, à nous relever et à lever le poing, comme la fière mariée casquée sur la première de couverture. A l’occasion du lancement de son livre, elle sera en région parisienne, ne la ratez pas !

 Nadège Prugnard défend avec un engagement total No Border, magnifique texte-monde sur la perte et la perdition, nourri de ses séjours dans les camps de Calais. Jamais elle ne louvoie avec la périlleuse posture de l’artiste qui vient voir et dire la détresse, elle se met à nu, littéralement : «Je viens en foule avec mon corps», dit-elle. Et là encore, on la suit dans une autre boue, celle des chiffres triviaux, des prénoms glorieux porteurs de destins, des étoiles et des fleurs de rhétorique.

Après avoir écouté une deuxième lecture très aboutie à la Chartreuse en juillet dernier et vu de nombreux spectateurs submergés par l’émotion, nous avons envie de dire et redire que cet épique poème de combat doit absolument être expulsé sur un plateau : nous attendons avec impatience que fleurisse la mise en scène de Guy Alloucherie qui mettra des images et des corps sur ces paroles récoltées sur les immondices de notre civilisation.

Nadège Prugnard dépose à nos pieds des voix minées par l’angoisse, le voyage harassant et les rêves déçus d’une Europe accueillante. Des voix-mines aussi, armes poétiques de combat, obstacles devant nos yeux et sous nos pieds, pour nous rappeler notre responsabilité et notre devoir d’humanité. Ne manquez pas d’aller voir, dans la même énergie militante, des images de l’installation Pas pieds in Montluçon. Criantes de sincérité et d’urgence, voilà des œuvres essentielles où sont pesés nos maux.

  Stéphanie Ruffier

 M.A.M.A.E. et autres textes est sorti en librairie le 14 octobre.

 Lecture-rencontre à la librairie Les Volcans à 11h, lecture de No Border le 21 octobre  et à 18h30, à la Cave de la Damocha, à Clermont-Ferrand. Et à la librairie La Java des Paluches à 19h, le 23 Octobre à Aurillac, et à 19h, le 27 octobre au Carladès, à Saint-Etienne-de-Carlat (15).

 Alcool, un petit coin de paradis, de et par Nadège Prugnard à 20h30 pour les Automnales, salle des fêtes d’Arlanc, le 10 novembre à 20h 30 à Ambert (63).

 Alcool, un petit coin de paradis, de et par Nadège Prugnard, accompagnées de Cartes blanches aux écritures indociles, en complicité avec les éditions Al Dante au Théâtre de l’Echangeur  à Bagnolet (92). du 20 au 25 novembre  à 20h30,

 Soirée de lancement du livre avec les représentations de M.A.M.A.E  à 19h et d’Alcool, un petit coin de paradis le 20 novembre à 20h30, au Théâtre de l’Echangeur à Bagnolet (92), en présence de l’éditeur Laurent Cauwet.

 

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