Times are changing , soirée dédiée à Bob Dylan, mise en scène de Jean-Claude Gallotta

© Giovanni CITTADINI CESI

© Giovanni CITTADINI CESI

 

Times are changing, soirée dédiée à Bob Dylan,  conception et mise en scène de Jean-Claude Gallotta

Tout en dansant, rendre hommage à Bob Dylan, annonce Jean-Claude Gallotta, en costume noir et chapeau à larges bords. L’ADAMI lui a confié la conception de cette soirée; cette société de gestion collective des droits de propriété intellectuelle avec près de 80.000 artistes-interprètes, a ainsi souhaité «mettre en valeur leur métier. ( …) Vingt-neuf musiciens, comédiens et danseurs ont donc été réunis pour une interprétation singulière et pluridisciplinaire. »

Fin connaisseur de la musique pop, Jean-Claude Gallotta lui a consacré une pièce, My Rock, il y a dix ans, qui a souvent été reprise en tournée (voir Le Théâtre du blog) et il en prépare une suite: My Ladies Rock. Les chansons de Bob Dylan figuraient déjà dans la liste des musiques de My Rock et nous avons eu le plaisir d’entendre, en ouverture, un rock and roll enfiévré Obviously five Believers, tiré de l’album Blonde on Blonde (1966) : « (…) Fifteen jugglers/Fifteen jugglers/Five believers/Five believers/All dressed like men/Tell yo’ mama not to worry because/They’re just my friends.(…) ». Un deuxième extrait du ballet clôture la soirée sur une musique de Gloria de Patti Smith qui avait fait le voyage en Suède pour recevoir le prix Nobel de littérature, en décembre 2016, au nom du poète absent.

Entre ces deux brillantes chorégraphies habitées par l’énergie électrique des danseurs exultant de grâce et de liberté, le spectacle d’une heure trente suit un fil dramatique ténu, inspiré de Chroniques, autobiographie du musicien. Jean-Pierre Kalfon  en lit un passage avec humour, en hommage à Harry Bellafonte que Bob Dylan eut le privilège d’accompagner à l’harmonica en studio. Suivront des numéros dont une très jolie prestation de Sandrine Juglair au mât chinois. Le groupe franco-américain Moriarty accompagne les différentes séquences et nous donne un mini-concert, inspiré du folklore irlandais et du blues rural  aux Etats-Unis…

Malgré un texte de transition un peu besogneux, les interprètes s’engagent avec générosité dans cet hommage,   répété en deux jours pour deux représentations… Un voyage dans l’univers de Bob Dylan, chaleureusement salué  par le public.

Mireille Davidovici

spectacle vu le 21 octobre au Théâtre du Rond Point Paris 8 eme


Archive pour 25 octobre, 2017

Un Album de et avec Laetitia Dosch, co-mise en scène et aide à l’écriture d’Yuval Rozman

 

Un Album de Laetitia Dosch, co-mise en scène et aide à l’écriture d’Yuval Rozman

 

©Giovanni Cittadini Cesi

©Giovanni Cittadini Cesi

Laetitia Dosch, une actrice éclectique : le rôle principal de Jeune Femme de Léonor Serraille, caméra d’or au dernier festival de Cannes, mais aussi actrice de théâtre dans Mesure pour mesure de Shakespeare, elle joue aussi avec la compagnie des Chiens de Navarre ou avec Mélanie Leray. Performeuse, elle aime s’investir dans des partitions chorégraphiques et vocales, comme Laetitia fait péter

Elle joue aujourd’hui ce solo  inspiré par l’humoriste suisse Zouc bien connue dans les années 70 qui imitait et donc aimait bien les gens et ne les méprisait en rien. Sur une moquette rose bonbon, joli carré acidulé de chambre de petite fille, et un espace nu pour parents bourgeois attendris par leurs bambins, avec pour unique accessoire, un fauteuil Louis XIV dos à la salle, elle interprète quelque quatre-vingt personnages,  après avoir scruté fixement le public.

Souriante, mains dans les poches arrière de son jean, elle vagabonde sur le plateau, attendant sans impatience que les spectateurs s’installent jusqu’au dernier, et guette le top de départ d’une prestation comique singulière. Avec des personnages comme d’abord, une voyante désagréable et suffisante, les lèvres tombantes de contentement, vertigineusement émerveillée par elle-même. Elle prétend avoir prédit les dernières catastrophes enregistrées par l’Histoire, comme l’explosion des Tours jumelles à New York, et les attentats en France.

Tout va mal, et elle le sait : l’ambiance est à la tristesse, mais les occasions de rire ne manquent pas, avec des expressions qui nous libèrent de l’angoisse prégnante. Un psychanalyste s’installe sur son fauteuil, dos tourné comme il se doit, et, avec une voix de stentor, accuse son ou sa patient(e), un éternel enfant, de s’en référer toujours à la puissance maternelle. Et au téléphone, il réclame avec gourmandise à son boucher, les meilleurs morceaux.

Une femme se lève du fauteuil; sa mère, nonagénaire et mal en point à l’hôpital, a un sourire aux lèvres persistant et un rire furtif. Elle lui donne à manger à la petite cuillère : un exercice périlleux ! Elle l’imite avec la bouche crispée et les mains tendues et figées. Puis une bourgeoise épanouie fait visiter son grand appartement. Et un enfant d’un an s’essaie à la marche, jambes écartées, avec les cris afférents. Laetitia Dosch incarne successivement tous ces personnages qu’elle croque d’un geste sûr : son lycéen de fils vient lui dire qu’il va être père ! Une directrice de casting croit tout savoir sur les sentiments, la sincérité et la fausseté des émotions. Et il y a aussi une scène très crue, où un acteur porno est en pleine action, comme en passant. Une mère de famille, coincée dans un siège de TGV, répond au téléphone à son mari qui lui demande ce qu’il pourrait préparer aux enfants pour le dîner. Comme elle ne veut pas déranger ses voisins, elle répète : spaghettis puis flageolets et se lève pour prendre sa valise, le téléphone toujours à l’oreille. Existence urbaine stressante, conciliation entre vies familiale et professionnelle ardue : les personnages en difficulté s’en sortent pourtant.

 La comédienne se tord le visage, tendue à l’extrême puis ensuite apaisée, marche, danse, s’allonge, chute puis se contorsionne et jouant même au basket… A chaque personnage, des gestes ou une posture significatifs ; puis elle passe à un autre, comme dans l’écoute analytique, par association et glissement d’idées ou de mots. Le traitement scénique de cette galerie de figures cocasses est parfois un peu léger. Dommage ! D’autant plus que les portraits imaginés par la jeune actrice sont subtils. Mais plus approfondis, ils feraient davantage mouche sur le public…

 Véronique Hotte

 Théâtre du Rond-Point, 2 avenue Franklin-Roosevlet Paris VIIIème, jusqu’au 5 novembre. T: 01 44 95 98 21

Criminel, texte et mise en scène de Yann Reuzeau

 

Criminel, texte et mise en scène de Yann Reuzeau

DSC_8128Le crime, un des thèmes majeurs de la littérature occidentale, continue à nous fasciner, depuis les tragédies grecques de l’Antiquité avec notamment l’histoire sanglante des Atrides et d’Œdipe, jusqu’aux grands romans du XIX ème siècle et aux polars actuels. Les procès d’assises sont suivis par un large public, proportionnel à l’horreur du crime. «Quand un individu a réussi à satisfaire un désir refoulé, écrivait Sigmund Freud dans Totem et tabou, tous les autres membres de la collectivité doivent éprouver la tentation d’en faire autant : pour la réprimer, il faut punir l’audace de celui dont on envie la satisfaction et il arrive souvent que le châtiment fournit à ceux qui l’exécutent, l’occasion de commettre à leur tour, sou couvert d’expiation, le même acte impur. C’est là un des principes fondamentaux du système pénal humain, qui découle naturellement de l’identité des désirs refoulés chez le criminel et chez ceux qui sont chargés de venger la société outragée. »

 Le Mal dans la vie collective et le cœur humain, comme la souffrance physique et/ou morale qui s’ensuit, confrontent un être humain, à l’injuste, au déséquilibre et à la disproportion. La souffrance de l’homme juste et la félicité du criminel provoquent l’expérience d’une rencontre avec le Mal : une expérience éprouvée comme le tragique paradoxe de vouloir que ce qui est, ne soit pas et de penser que ce qui est, ne devrait pas être, et finalement  de n’y rien pouvoir.

Criminel, un texte politico-social est mis en scène par l’auteur lui-même dont on a déjà apprécié, entre autres, Chute d’une nation. Ce spectacle inspiré par des faits-divers récents, met en lumière Boris, un criminel qui apprend sa libération, après avoir été incarcéré quinze ans pour avoir grièvement blessé sa sœur Camille, un accident ou peut-être pas, et avoir tué leur père violent. La nouvelle plonge les protagonistes dans les faits sordides du passé mais Camille s’est reconstruite et a tout oublié de l’horreur vécue  et elle  a pardonné. Mais  son compagnon, jadis un ami du criminel, lui jamais et n’admet pas qu’il soit libéré.

La pièce, un jeu de boules magiques miroitante aux facettes multiples, déconstruit à l’infini les postures de chacun, les éclats de voix surpris ici et là. Le couple initial est accompagné par le criminel, lui-même sorti de prison, ou vu à l’intérieur du parloir durant le temps de sa peine, et par l’ex-compagne de ce dernier. Les confrontations à deux, un calcul de probabilités de possibles rencontres, préméditées ou dues au hasard, aboutissent à une crise intense chez les personnages: le ton et l’émotion montent, puis la parole se tait, impuissante et les cris reviennent. Le plateau, un grand disque de bois,  fonctionne à la façon d’une ronde et des paravents ouvrent l’espace à de nouveaux affrontements individuels, ceux du passé comme ceux du présent, recomposant à l’infini une histoire qui se cherche et qui varie selon le regard des êtres concernés. La scène du crime elle-même, est rejouée plusieurs fois, avec des variantes: au public de traduire, selon son intime conviction, ce qui a pu se passer réellement. Il se voit ainsi offrir un patchwork de scènes-clés qui échappent à l’entendement, très rapides tels des flashes comme dans le suspense d’une série-télé.

 Ce choix esthétique de scènes «cut» ne fait pas la part belle au second plan qui laisse surgir émotions fugitives et bouleversements. Il n’existe pas de réalité d’un monde commun où chacun se retrouverait et se reconnaîtrait : cœurs et intérêts ont peine à exister dans un équilibre paisible et juste. Frédéric Andrau, Morgan Perez, Blanche Veisberg et Sophie Vonlanthen, admirables, font jaillir une émotion contenue ou brutalement libérée… 

 Véronique Hotte

Manufacture des Abbesses, 7 rue Véron, (Paris XVII ème) jusqu’au 20 décembre. T. : 01 42 33 42 03.

Le texte de la pièce est publié chez Actes Sud-Papiers.

 

Cassandre,d’après un texte de Crista Wolf,mise en scène d’Hervé Loichemol


Cassandre,d’après un texte de Crista Wolf, traduction d’Alain Lance et Renate Lance-Otterbein, musique de Michael Jarrel, direction musicale de Jean Deroyer, avec le Lemanic Modern Ensemble, mise en scène d’Hervé Loichemol

 

© Marc Vanappelghem

© Marc Vanappelghem

Troie a fini par tomber après un long siège. Cassandre, fille de Priam et d’Hécube, qui a été enlevée par  le roi de Mycènes, Agamemnon, et attend la mort. Elle se souvient de cette longue guerre  de dix ans, et essaye de comprendre quel a été son destin de femme et quels sont les mécanismes du pouvoir et les moteurs qui poussent des pays à entrer en guerre. Un écho lointain au dialogue d’Hector et d’Achille dans La Guerre de Troie n’aura pas lieu de Jean Giraudoux. Ce récit est à la base des cinq conférences de poétique données par Christa Wolf en 1982 à l’Université de Francort-sur-le-Main.

Le livre eut un grand succès dans les deux Allemagne quand il fut édité en 1983. Les prophètes, et maintenant comme on dit, les lanceurs d’alerte ont toujours été très mal vus par la société, la grande industrie et la classe politique qui, en général, pratiquent la politique de l’autruche et les laissent à une solitude totale avec de redoutables conséquences financières et morales pour leurs proches. Autrement dit: ce n’était vraiment pas le moment de parler, et vous allez le payer cher!

Crista Wolf (1929-2011), romancière et grande militante féministe, est très impressionnée par les héroïnes de la mythologie grecque dont Médée: « Ce qui m’a beaucoup intéressée et fascinée, c’est la théorie du bouc émissaire« . Mais aussi de la chasse aux sorcières qui frappe ces femmes et les gens qui osent dire une ou des  vérités qui dérange. Le compositeur Michael Jarrel  s’est inspiré de l’œuvre de Christa Wolf et en a tiré un « monodrame pour comédienne et orchestre » : “Cassandre sait l’avenir,dit-il mais n’empêchera rien. Ce qui fait écho à notre propre situation. À notre sentiment d’impuissance face à un monde dont nous devinons qu’il court à la catastrophe. À nos “plus jamais ça” que nous ressassons indéfiniment.” Sur un plateau nu avec au début un grand rideau rouge, et sur un praticable au-dessus et en fond de scène pour les dix-huit musiciens du Lemanic Modern Ensemble qui accompagner le texte que Fanny Ardant va dire un heure durant.

La comédienne en robe noire à l’impeccable diction et à la voix reconnaissable entre toutes,  a été elle aussi toujours fascinée par les personnages féminins de l’antiquité grecque; elle joua autrefois Deux Phèdre, mise en scène par Antoine Bourseiller, et Médée un opéra de Luigi Cherubini, et ici, cette jeune et malheureuse Cassandre qui sait  prédire l’avenir et le malheur même si jamais personne ne la croit. Cassandre  a aussi été enlevée et violée par Ajax, comme Perséphone par Hadès, Daphné par Apollon, ou Polyxène par Achille.“Il faut que chacun de nous soit éveillé, pour ne pas  laisser embarquer par des faux prophètes », dit Fanny Ardant, et dans les tragédies grecques, tout a été dit d’une manière magnifique. Il n’y a pas de perdants et de gagnants, pas de bons et de méchants.  Chez Crista Wolf, c’est la guerre de Troie vue du côté des perdants et en même temps,  elle dit aussi l’impuissance des vainqueurs ».

 Et cela donne quoi? Une sorte d’oratorio à une voix, mis en scène par Hervé Loichemol où la comédienne, debout en longue robe noire, dit une heure durant, le texte magnifique de Crista Wolf. Avec cette diction et cette voix rauque et chaude, immédiatement reconnaissable… Oui, mais voilà, la plupart du temps la musique de Michael Jarrel souligne trop les intentions du texte, sature l’espace et on a bien du mal à entendre le texte, même si la comédienne est équipée d’un micro HF, ce qui n’arrange pas non plus les choses, puisque cela uniformise sa voix. D’autant plus que Fanny Ardant a tendance à faire… du Fanny Ardant; on commence alors à s’ennuyer et on décroche assez vite! Dommage!

Le fan-club-très bobo et plus très jeune-de Fanny Ardant applaudit fort, le reste du public beaucoup moins!

Philippe du Vignal

 Le spectacle s’est joué au Théâtre de l’Athénée-Louis Jouvet, Paris VIIIème du 18 au 22 octobre.

 

 

 

 

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