Initio (LIVE), opéra chorégraphique, conception de Tatiana Julien et Pedro Garcia-Velasquez

 

Initio (Live), opéra chorégraphique, conception de Tatiana Julien et Pedro Garcia-Velasquez, du livret d’ Alexandre Salcède

©Jean Couturier

©Jean Couturier

Réunir dans un même espace cinq danseurs, deux chanteurs, un chef d’orchestre, six instrumentistes et un chœur de plusieurs dizaines d’interprètes : un pari audacieux et ambitieux, tout comme sa dramaturgie. Et raconter une humanité en perte de sens, symbolisée par une petite communauté en fuite et cherchant un lieu de réconciliation avec le monde: le thème de cet « opéra de chambre chorégraphique » a quelque chose d’inhabituel pour les codes de la danse contemporaine.

 Au premier acte, sur le plateau nu, les musiciens jouent dans une alcôve centrale surélevée, avec, au-dessus  un balcon où la  soprano Léa Trommenschlager et la danseuse Tatiana Julien jouent toutes les deux la Sybille, un des personnages, et le contre-ténor Rodrigo Ferreira, déjà présent sur le plateau, un ermite. «Les cinq danseurs, dit Tatiana Julien, sont des personnages mais leur langage n’est pas théâtral. C’est la danse, et la musique qu’ils incarnent».

 Mais nous avons eu du mal à être captivé par cette première partie peu dansée, le chanteur et les quatre interprètes se déplacent lentement, au rythme de la musique de Pedro Garcia-Velasquez. Puis une farandole anarchique mêle chanteurs, danseurs et choristes dans une lumière en contre-jour.  Dans la deuxième partie, plus vivante, grâce au changement d’espace de jeu, le chef d’orchestre Maxime Pascal, très inspiré comme l’ensemble des trente-trois artistes, dirige ses musiciens qui ont rejoint la scène. Tatiana Julien se livre à une danse libre parmi ses partenaires, et il y a quelques beaux moments de vie suspendue qui donnent une respiration, avec notamment des interactions entre danseurs, musiciens et choristes.

Une rampe lumineuse descend lentement des cintres, des ombres se dessinent, pendant qu’au lointain sont projetées des phrases comme: «Mais l’âme affamée/les premières femmes se levèrent et dansèrent/les premiers hommes regardèrent le feu grandir en eux/ Et se prosternèrent devant lui …» Mais cette œuvre mystique nous a laissé un peu orphelin de sens !

Jean Couturier

Théâtre National de la danse de Chaillot, 1 Place du Trocadéro Paris XVIème  jusqu’au 2 décembre.

   


Archive pour novembre, 2017

Professeur Bernhardi d’Arthur Schnitzler, mise en scène de Thomas Ostermeier

 

Professeur Bernhardi d’Arthur Schnitzler, adaptation de Thomas Ostermeier et Florian Borchmeyer, mise en scène de Thomas Ostermeier, (en allemand, surtitré en français)

photo Arno Declair

photo Arno Declair

Le grand auteur viennois (1862-1931) a écrit une trentaine de pièces, mais est surtout connu chez nous avec La Ronde que Georges Pitoeff fit découvrir en 1932 aux Français. Depuis les écoles de théâtre l’affectionnent pour les nombreux rôles qu’elle offre. Et nous avions pu voir aussi en Terre étrangère remarquablement montée par Luc Bondy en 1984 mais Le Professeur Bernhardi (1912) n’a jamais semble-t-il, été jouée  chez nous, alors que Luca Ronconi l’avait mise en scène au Piccolo Teatro à Milan, il y a douze ans. Sans doute à cause de ses nombreux personnages et de sa longueur: même dans l’adaptation de Thomas Ostermeier, directeur de la Schaubühne de Berlin, elle dure deux heures quarante-cinq, avec seize acteurs.

Un médecin et professeur, Bernhardi, de confession juive, est directeur de l’Institut Elisabeth, une clinique privée où a été admise une jeune femme atteinte d’une grave septicémie à la suite d’un avortement bien entendu clandestin. Elle se croit guérie mais toute l’équipe médicale sait qu’elle n’en a plus pour longtemps, et le professeur Bernhardi veut qu’elle s’endorme doucement en gardant ses illusions. Et quand un prêtre arrive pour lui donner l’extrême onction, il lui interdit d’entrer dans sa chambre.  Mais la jeune femme  mourra entre temps.

Toute son équipe se divise alors quant à sa responsabilité; les uns le soutiennent, les autres par conviction personnelle ou par intérêt bien placé considèrent qu’il a fait une grave faute déontologique, et veulent qu’il quitte la direction de la clinique. Et tout  le conseil d’administration menace de démissionner. La situation est donc critique, puisque l’établissement pourrait être fermé mais le professeur Bernhardi estime qu’il n’a fait que son devoir d’homme et de médecin: il refuse donc de quitter son poste. L’affaire va s’envenimer et il y aura même une interpellation au Parlement, puis l’ouverture d’une enquête.

Tout cela, sur fond d’antisémitisme et de fanatisme religieux que l’on n’aurait pas soupçonné chez des  médecins, de campagnes de presse haineuses mais aussi de concurrence professionnelle-petites et grandes lâchetés, voire trahisons au sein même de la clinique. Sans compter des ambitions politiques avouées : Flint, un médecin, vieil ami de fac du professeur et devenu ministre de la Santé qui tient par dessus tout à son poste, ne veut trop pas s’impliquer dans cette affaire et le défendra… sans le défendre, tout en l’assurant de son amitié! Le professeur qui n’a pas que des amis,  doit subir les agressions des politiques les plus conservateurs et de certains praticiens ;  et les milieux populistes et catholiques qui trouvent son attitude inadmissible. Un procès aura lieu où le professeur sera sévèrement condamné : deux mois de prison ferme pour entrave à la liberté de culte ! Bernhardi bénéficiera soudain du soutien de l’extrême gauche mais lucide, il sent le piège d’une  possible instrumentalisation à des fins politiques et  renoncera à lutter pour sa réhabilitation…

Arthur Schnitzler, de confession juive, médecin avant d’être écrivain, connaissait bien le milieu hospitalier, puisque son père, ami de Sigmund Freud, était  lui aussi médecin. A l’époque,  Professeur Bernhardi avait une odeur de soufre en Autriche et fut interdit de représentation par la censure. Thomas Ostermeier a eu raison de monter cette  pièce  souvent passionnante mais trop longue, en en coupant des scènes. La scénographie de Jan Pappelbaum, fidèle collaborateur du metteur en scène,  est comme toujours,  d’une qualité exceptionnelle et ne manque pas d’humour: sur un grand mur blanc, une jeune femme viendra ainsi écrire à la craie sur le grand mur blanc quelques indications en français du lieu où se situe l’action… Il y a, à jardin, une double porte à deux battants et, à cour, une porte étroite, chacune donnant sur une pièce. De grandes tables montées sur roulettes, quelques chaises et canapés pour figurer le bureau du médecin, une grande salle de réunion, ou un appartement. Tous ces meubles apportés par les acteurs eux-mêmes. Il y a aussi au début quelques images vidéo en très gros plan de la jeune femme agonisante sur son lit puis morte.

Le texte d’une grande acuité-mais parfois, malgré les coupes encore un peu bavard- est servi avec une rigueur absolue par Jörg Hartmann, Sebastian Schwarz, Thomas Bading, Robert Beyer, Konrad Singer, Johannes Flaschberger, Lukas Turtur, David Ruland, Eva Meckbach, Damir Avdic, Veronika Bachfischer, Moritz Gottwald, Hans-Jochen Wagner, Christoph Gawenda, Laurenz Laufenberg-tous acteurs exceptionnels de la Schaubühne. Et très crédibles à l’instant même où ils entrent sur le plateau. Concentration, excellente diction, aucune criaillerie, gestuelle impeccable, unité de jeu : un travail d’orfèvre et une grande leçon de théâtre. Jörg Hartmann, (à gauche sur la photo ci-dessus) joue le professeur Bernhardi;  presque toujours en scène, il est discret, presque réservé mais impressionnant de vérité.

Sans doute la pièce surtout vers la fin piétine un peu mais Thomas Ostermeier a réussi une fois de plus une mise en scène exemplaire. En montrant bien, avec cette pièce injustement méconnue, comment un  monde d’un grand professionnalisme, celui d’un hôpital, n’est pas non plus exempt de luttes de pouvoir quand il y a eu une erreur de diagnostic, ou de traitement. (Il suffit d’avoir fréquenté un peu les salles de garde !). Et dans ce cas, la vérité en prend un coup et les résultats sur le plan humain ne sont pas très beaux à voir.

Une piqûre de rappel toujours actuelle-pas très agréable sans doute-mais qui n’est jamais un luxe. Si vous le pouvez, allez voir ce spectacle (le sous titrage est remarquable) : dans une rentrée théâtrale un peu morne, cela fait du bien : même s’il faut faire un petit effort pour vous rendre au Théâtre des Gémeaux (tout proche de la station du RER).

Philippe du Vignal

Théâtre des Gémeaux, Scène nationale de Sceaux  (Hauts de Seine) jusqu’au 3 décembre.

La pièce, traduction d’Henri Christophe, est publiée chez Actes Sud-Papiers.

 

Maîtres anciens, de Thomas Bernhard, un projet de et avec Nicolas Bouchaud mise en scène d’Eric Didry

 

Maîtres anciens de Thomas Bernhard, traduit de l’allemand par Gilberte Lambrichs, un projet de et avec Nicolas Bouchaud, mise en scène d’Eric Didry

© Jean-Louis Fernandez

© Jean-Louis Fernandez

Chantal Thomas dans Thomas Bernhard, le Briseur de silence prend pour exemple la logorrhée ici particulièrement infernale de l’écriture du romancier et dramaturge autrichien, une phrase extraite de Watten, dans Amras et autres récits : «Oui, dis-je au voiturier, une antenne sur le toit pour pouvoir capter le diable. » Ici, la scénographie ludique des Maîtres anciens laisse apparaître boîtes à magie et mèches allumées par l’interprète qui laisse courir l’étincelle jusqu’à son cheminement ultime : une explosion pétaradante. Manquer d’air, c’est une manière de tutoyer les espaces infernaux, terre et ciel. Et quand le souffle revient : parler, parler, sinon chuter et disparaître.

 A l’excès d’angoisse, correspond un excès de paroles : le critique musical Reger met en scène sa logorrhée musicologique, torrentielle et désespérée, tournant à vide. Une parole de discours intérieur rapportée par l’auditeur-narrateur Atzbacher, arrivé une heure en avance à son rendez-vous avec Reger, précisément pour  l’observer  dans la salle Bordone, face à L’Homme à la barbe blanche du Tintoret qu’il contemple depuis quelques décennies, tous les après-midi, à la même heure.

 Sa narration est une longue suite de citations de Reger, vieux musicologue, que ses articles dans le Times ont rendu célèbre en Europe, sauf en Autriche. A onze heures et demi précises, arrive Reger : «Le manque de ponctualité est une maladie qui entraîne la mort de celui qui n’est pas ponctuel.» Le locuteur s’assied près de lui. Une diatribe furieuse et allègre charrie  selon un art de la fugue, « mode continu de l’art de Thomas Bernhardt » des thèmes comme le mauvais goût des Habsbourg, l’institution des musées, l’autorité des maîtres anciens, l’étatisme, l’enfance, Ludwig van Beethoven, le ridicule kitsch du pape ou de Martin Heidegger…

 Nulle image, mais des mots à n’en plus finir pour déverser sa haine sur tous les académismes. Beethoven, Goethe, Shakespeare, Voltaire et même Marguerite Duras…  Un texte actualisé par Nicolas Bouchaud, Eric Didry et Véronique Timsit. Nicolas Bouchaud incarne cette voix solitaire, à la fois sombre et jubilatoire, d’un homme qui ne supporte nulle réplique, asociale et discordante, avec d’un côté, le discoureur, et de l’autre, sa victime : l’interlocuteur, l’auditeur, le lecteur et le public. L’interprète se lève, s’assoit, sautille, laissant s’égrainer la brutalité des à-coups, soubresauts et heurts. Il consomme avec gourmandise, et fait exulter une langue libératrice, avec l’énergie qu’il faut quand on veut porter l’espace du monde en soi.

 Sur le plateau, la salle de musée destinée au regard n’a pas  la moindre image,  cer qui serait du « kitch sentimental » à la manière de la peinture de Stifter (1805-1868) que le critique démolit : «Stifter n’est autre qu’un fermier littéraire d’occasion, dont la plume sans art fige la nature, et par conséquent le lecteur. » Cette diatribe contre Stifter pourrait être, selon Chantal Thomas encore, une attaque contre Peter Handke et La Leçon de Sainte-Victoire (1980). La leçon des maîtres enseigne la sagesse, ce savoir muet entre silence et regard. L’hommage de Peter Handke à Cézanne est dédié au « silence des tableaux ».

 Mais voilà! Thomas Bernhard ressent la mort dans ce silence pictural. Nicolas Bouchaud n’en porte pas moins « le manteau des manteaux », une grande feuille de papier, métaphore de la toile vierge du peintre, sans boutons ni coutures, une métaphore d’un récit qui doit glisser sans rupture. Il pourrait être, malgré lui, un Joseph au large et long manteau or brun des Nativités, les fresques de Fra Angelico du couvent San Marco à Florence. Reger est veuf depuis peu : «Tout à coup, vous savez ce que c’est, le vide, lorsque vous êtes là, parmi des milliers et des milliers de livres et d’écrits… voilà ce qu’a dit Reger.  Et vous reconnaissez que ce ne sont pas ces grands esprits et pas ces maîtres anciens qui vous ont maintenu en vie pendant des décennies, mais que ce n’a été que ce seul être que vous avez aimé plus que tout autre… »

 Une performance fascinante d’un acteur habité par ce que parler veut dire : un art en soi…

 Véronique Hotte

 Théâtre de La Bastille, 76 rue de la Roquette,  Paris XIème, jusqu’au 22 décembre. T. : 01 43 57 42 14.

 Le texte est publié chez Gallimard.

 

Afectos, musique de Rosario La Tremendita et Pablo Martin Caminero,chorégraphie de de Rocío Molina

 

Afectos, sur une idée originale de de Rocío Molina et Rosario La Tremendita, musique de Rosario La Tremendita et  Pablo Martin Caminero, chorégraphie de de Rocío Molina, direction musicale de Rosario La Tremendita

© Tamaro Pinco

© Tamaro Pinco

Le flamenco peut exister dans le silence total, la lenteur et la pénombre, contrairement à certaines idées reçues. Afectos (sentiments, émotions), et commence en effet ainsi quand Rosario La Tremendita (chant et guitare), de Pablo Martin Caminero (contrebasse et loops) et de Rocío Molina pénètrent sur le grand plateau.

Rocío Molina allume un plafonnier et on distingue alors un grand fauteuil de cuir, un rocking-chair, un perroquet où sont pendus quelques costumes, un siège, une contrebasse et deux guitares.

Elle se love dans le siège en fond de scène, puis saisit une de ses guitares, se recueille et dans le silence, le contrebassiste commence à faire résonner sur son instrument,  comme si c’était un oud,  avec une mélodie très douce. Elle, toujours assise, les yeux fermés, semble s’éveiller et ses bras dessinent en un «braceo» subtil, de lentes ondulations; puis ses jambes entrent dans cette danse silencieuse et, peu à peu, bras et jambes, comme démultipliés, effleurent, puis enlacent la guitare. Rocío Molina ne joue pas vraiment de cet instrument, emblème du flamenco, mais danse avec lui, inventant attitudes en suspens et attitudes, dans une sorte de pas de deux sensuel, amoureux…

La Tremendita joue alors avec douceur sur sa propre guitare, comme sur une guitare baroque. Rocío Molina se lève et danse lentement, puis jaillit le chant de la Tremendita, puissant, profond, non comme un accompagnement mais comme un partage. Tel est le début du spectacle, qui se finira presque comme il avait commencé à la tombée de la nuit, avec un long dialogue dansé entre Rocío Molina et la lune, mélancolique et empreint de nostalgie, poétique comme un rêve d’enfant.

Au fil des séquences qui structurent le spectacle, les trois artistes vivront et nous feront vivre toute une gamme de sentiments et d’émotions: de la rêverie à la joie débordante, de la souffrance au grotesque et à la dérision. Entre eux, une complicité parfaite. A un moment, Rocío Molina et la Tremendita, presque enlacées, battent la mesure sur leur poitrine avec leurs mains, comme si leurs cœurs battaient à l’unisson : une minute de grâce bouleversante…

Parfois, Rocío Molina chuchote à l’oreille de la Tremendita, ou à l’oreille de Pablo Martin Caminero, des confidences qu’eux seuls peuvent vraiment entendre. Il utilise tout ce grand plateau pour une danse fougueuse, enjouée presque frénétique  qui peut aussi se concentrer sur un espace réduit au minimum, presque de la taille d’un mouchoir… Qu’il soit petit ou immense, l’espace scénique représente pour elle un lieu de liberté  où elle peut exprimer sans contraintes les différentes facettes de sa personnalité.

La danseuse-corps de femme et visage d’enfant-fait preuve d’une maturité et d’une maîtrise surprenantes: puissance, énergie, raffinement, subtilité, sensualité, gravité d’une femme mais aussi goût du jeu, humour, espièglerie et insolence d’une enfant. Audacieuse et rebelle, elle ne se soumet à aucune norme, à aucun dictat. Elle entrelace toutes les formes de danse : le flamenco,  où elle a baigné tout enfant et dont elle connaît parfaitement les codes et les règles, mais aussi les danses moderne, contemporaine, la danse indienne traditionnelle et le  butō japonais. Tout, chez elle, est source d’inspiration, à condition qu’elle puisse tout bousculer pour créer un autre langage: le sien. Une démarche sans  rien de complaisant ni de cérébral. Une nécessité essentielle, presque organique de sa personnalité. Elle revendiquait, dans un entretien déjà ancien, le fait d’être «impure».

Une déclaration jugée iconoclaste et paradoxale par la plupart des chantres de l’orthodoxie flamenca qui  jugent la «pureté» comme qualité essentielle. C’est méconnaître ou vouloir ignorer ce que signifie «impure» pour elle qui est ouverte à toutes les aventures et qui revendique contradictions et audaces … Elle peut aller dans une prison et y improviser, ou danser à sept heures du matin sur les quais de la Seine, dans une quête irrépressible de liberté. Elle est en effet absolument libre, peut tout se permettre… et ne s’en prive pas. Rocío Molina n’a pas fini d’en déranger certains mais aussi d’en étonner et d’en émerveiller beaucoup d’autres…

 Chantal Maria Albertini

 Spectacle vu le 11 novembre, au Théâtre National de la Danse 1 Place du Trocadéro, Paris XVIème.

 

La face cachée de la lune, conception et mise en scène Robert Lepage

 

La face cachée de la lune, conception et mise en scène Robert Lepage La Face cachée de la lune, conception et mise en scène de Robert Lepage

 

On cherche encore à marcher sur la lune mais c’est fait, il n’y a rien à y voir, sinon les cicatrices de sa face mutilée par des accidents de météorites. Les petits hommes verts et la planète rouge, les satellites inédits lui ont pris la vedette.
L’astre des nuits n’a pourtant rien perdu  de sa force d’attraction un peu mélancolique. La reprise de La Face cachée de la lune est un événement “historique“  et  sacré “culte“ à sa création, en 2000. Or, après Jules Verne et les années cinquante au vingtième siècle qui y ont tant fait rêver et craindre à la fois, c’est précisément l’an 2000, clôturant le millénaire, qui a mis fin aux rêves et aux illusions.

La Face cachée de la lune évoque la lutte titanesque entre les Etats-Unis et l’URSS pour la conquête spatiale : une période décisive pour l’équilibre du monde. Mais voilà, Robert Lepage regarde la géopolitique avec le prisme des souvenirs d’enfance et les yeux d’un personnage lunaire, qui nous emmène dans la légende. Donc, il était une fois deux frères. L’un, éternel thésard en philosophie des sciences, éternel malchanceux et inadapté, part en quête des savants soviétiques et des anciens cosmonautes qui avaient lancé les premiers programmes et les premiers animaux dans l’espace. Non sans quelques dégâts, mais enfin cela permit à Youri Gagarine de faire le grand saut. Et il n’oublie pas les missions Apollo et le «grand pas pour l’humanité» gagné par les Etats-Unis.

Son frère,  à des années-lumière des tourments de son aîné, présente la météo à la télé, à l’aise dans son costume croisé. Ils ont en commun notre planète bleue… et la mort de leur mère. D’où les soucis, partages, rangements, réveil de vieilles rancunes mais tout cela n’est que la poussière du deuil.
En vérité,  un volcan d’où naissent, pour le philosophe, toutes les interrogations métaphysiques, et pour l’homme mal dans sa peau, les tentatives pour reprendre sa vie en main. Le hublot de la machine à laver devient la matrice du monde, le sas par où le cosmonaute se jette dans l’infini comme le bébé est jeté en ce monde, le tourbillon du big-bang et celui des pensées dans la tête, l’appel du gouffre… La planche à repasser se démantibule en machine à musculation, ou en essai de remettre à plat une vie et une sensibilité froissées.

Yves Jacques, prodigieux interprète unique des deux frères, n’est pas seul sur la scène de la Grande Halle : les objets, et même un être vivant, un litigieux poisson rouge dans son bocal, l’accompagnent, lui donnent la réplique et le relancent. Avec un bazar magique en perpétuelle transformation :jeux de miroirs, bouts de documentaires nostalgiques en noir et blanc, apparitions et disparitions d’objet,  le comédien imprègne le spectacle de son humour et de sa tendresse, jusqu’à s’envoler lui-même en apesanteur. On aurait envie de tout raconter et l’on aurait tort: le spectacle sait à la fois nous fasciner et nous surprendre.

En hommage aux exploits des cosmonautes et astronautes, ceux qui croient, les uns à l’ordre de l’univers et les autres,  à son expansion infinie et aux savants d’un XX ème siècle qui a déjà basculé du côté des mythes, voilà un spectacle généreux, bienveillant et qui ne craint pas de voir grand.

Christine Friedel

Grande Halle de la Villette jusqu’au 2 décembre, (programmation hors les murs du Théâtre de la Ville et du festival Le Québec à la Villette : du 24 novembre au 31 décembre). T. : 01 40 03 75 75.

 

 

Tous des oiseaux, texte et mise en scène de Wajdi Mouawad

 

Tous des oiseaux, texte et mise en scène de Wajdi Mouawad

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© Simon Gosselin

Dans Le Sang des Promesses,  Wajdi Mouawad  nous avait déjà parlé de la guerre civile libanaise. Mais ici, on sent que son écriture vient de loin et qu’il a dû mûrir cela au plus profond de lui-même pendant de longues années. Wajdi Mouawad aura réussi ici quelque chose dont rêve tout auteur ou scénariste : ancrer un scénario dans un cadre géographique précis et familial, et en même temps,  lui donner une dimension universelle capable de toucher des publics très divers. Avec des dialogues dans une langue qui nous a semblé plus précise, plus nette et loin d’être bavarde comme dans certaines de ses précédentes réalisations… Avec en trame, la question lancinante de l’identité et une fin étonnante grâce à un coup de théâtre digne des mélos de la fin du XIX ème siècle comme on n’ose plus en faire.  Et avec, selon les personnages, des dialogues en anglais, allemand, hébreu et arabe, très habilement sous-titrés en français non sur un écran mais sur les murs.  Le texte, à la fois par son écriture poétique et dramatique à la fois  fait penser aux tragiques grecs.Un vrai petit miracle. Wajdi Mouawad avait rencontré l’historienne juive Natalie Zemon Davis,  auteure d’un  livre sur la vie d’Hassan Ibn Muhamed el Wazzân, un diplomate et historien  du XVème siècle, capturé par des pirates puis livré au pape Léon X qui le libéra de prison mais à la condition qu’il se convertisse au christianisme. Cet homme qui prit le nom de Léon l’Africain,  écrivit aussi sur des légendes comme celle de l’oiseau amphibie. Choc des cultures, choc des religions, et pourtant obligation de vivre ensemble autour de la Méditerranée commune… Il y a quelque chose qui rapproche l’auteur libano-québécois-français des dramaturges grecs de l’Antiquité mais surtout d’Eschyle qui, dans Les Perses, met en scène dans leur propre pays, des Perses battus par leurs ennemis les Grecs. De même Wouajdi Mouawad situe l’action en Israël. Ce qui lui permet de parler d’identité et de territoires, notions transmises de génération pour le meilleur mais aussi et le plus souvent, pour le pire, avec des joies et des douleurs intenses. Comme dans cette famille d’origine israélienne où on sent un non-dit très lourd à porter. Dans le genre faux secret. Tout cela sur fond de conflit israélo-palestinien. Il y a là, Eitan,  un jeune  berlinois dont les grands-parents israéliens se sont séparés: David, le père d’Eitan avait alors quinze ans et Leah, sa grand-mère est restée seule en Israël mais indifférente au sort d’Etgar, son ex-mari parti pour  Berlin avec son fils David qui y vit avec sa femme Norah. A New York, Eitan, un jeune chercheur féru de génétique, devient amoureux d’une très belle jeune fille, Wahida qui écrit une thèse sur Hassan Ibn Muhamed el Wazzân. Il va la présenter à toute sa famille. Seul petit/gros problème :  Wahida est arabe ! Et cela ne plait pas du tout à David, qui  reproche à son fils de mettre en danger l’identité juive. Eitan va partir avec elle en Israël mais il y sera victime d’un attentat…Et les choses vont se compliquer avec la confession/ coup de théâtre du grand-père que nous ne vous dévoilerons pas. Wajdi Mouawad-cela s’est déjà fait mais pas de façon aussi systématique-a eu la grande intelligence de faire jouer dans la langue de leurs personnages (hébreu, anglais, arabe et allemand). Jérémie Galiana (Eitan), Souheila Yacoub (Wahida), Leora Rivlin (Leah), Judith Rosmair (Norah), Raphael Weinstock (David), Rafael Tabor (Etgar), Darya Sheizaf (Eden), Jalal Altawil et Victor de Oliveira. Tous issus de pays et de langues maternelles différents et absolument impeccables. Dans un univers théâtral par définition des plus conventionnels, tout ici est crédible: relations entre Eitan et Wahida, grave conflit entre Eitan et son père, affrontements familiaux, introduction de journaux  télévisés israéliens… Tout ici sonne juste, malgré peut-être sur la fin,  quelques facilités.  Il  faut aussi souligner l’apport considérable de la scénographie imaginée par Emmanuel Clolus qui,  avec des châssis sur roulettes et de belles projections arrive à dire à la fois l’intime et l’universel. Et  en ces temps de spectacles  interminables,  paradoxalement ici, les quatre heures passent très vite malgré une petite baisse de régime avant l’entracte. Une vraie et belle réussite après tant de soirées ennuyeuses avec un signe qui ne trompe jamais : dans le public,  les nombreux jeunes gens devant ce théâtre empreint d’une belle intelligence et qui leur parle, se sont levés spontanément pour applaudir très longuement les acteurs. Pas si fréquent et Wajdi Mouawad aura vraiment réussi un beau coup. Allez-y sans aucune hésitation. C’est sans contestation possible, un grand moment de théâtre.

Philippe du Vignal

Théâtre national de La Colline, 1 rue Malte-Brun, Paris XX ème.  T : 01 44 62 52 52), du 17 novembre au 17 décembre.

Puis du 28 février au 10 mars,  au Théâtre National Populaire à Villeurbanne.

 

Je suis un pays et Voilà ce que jamais je ne te dirai, écriture et mise en scène de Vincent Macaigne.

©Mathilda Olmi

©Mathilda Olmi

Je suis un pays et Voilà ce que jamais je ne te dirai, écriture et mise en scène de Vincent Macaigne.

 Pour cette création- trop longue-quatre heures, entracte compris !-Vincent Macaigne nous fait revivre une pièce qu’il avait écrite au sortir de son adolescence Friche 22.66, du nom de sa compagnie. Comme souvent dans  les premières pièces, l’auteur, ambitieux, nous parle de la destinée de l’humain dans une société en crise. La fracture de la société contemporaine s’est poursuivie et aggravée depuis : autisme des dirigeants , montée des individualismes et perte de nombre de valeurs. Un des personnages, candidat à la présidence de la République déclare devant les effigies des responsables du monde entier : «Nous avons tous fait les mêmes écoles,  ici, nous sommes au fond de l’abîme et du désastre».

Entre le pessimisme d’Anton Tchekhov et la poésie épique de William Shakespeare,  son écriture fuse de façon anarchique et se perd dans une trop riche scénographie.  Comme il y a des risques de traumatismes sonores, on nous offre des bouchons d’oreille protecteurs. Mais fortes explosions et bruits en tout genre sur ce plateau représentant la Société des Nations, empêchent d’entendre correctement le texte.

On  arrive quand même  à retenir parfois  quelques phrases prononcées comme des cris de douleur par Sharif Andoura, Thomas Blanchard, Candice Bouchet, Thibaut Evrard, Pauline Lorillard, Blandine Madec, Rodolphe Poulain et Hedi Zada, tous excellents, et traduisant la crise de notre société mondialisée. Le vrai problème est posé : «Il est extrêmement important, écrit Vincent Macaigne, de savoir quand vous pensez à la liberté, si vous pensez à la vôtre, ou à celle des autres».

Nous retrouvons son écriture avec les effets  habituels chez lui-scénographie de Julien Peissel-mousse envahissant la plateau, objets tombant des cintres, images-vidéo des acteurs en coulisses, fumée envahissant scène et salle, interprètes maculés de sang ou de terre, etc. Mais Vincent Macaigne dirige parfaitement tous ces éléments, très bien aidé par les techniciens à la superbe maîtrise du Théâtre des Amandiers.
Pour alléger ce propos d’une grande noirceur, il y a des publicités vidéo et un jeu de télé-réalité…

Un groupe d’autres spectateurs, en tenue de protection blanche et munis d’une lampe frontale, arrive au cours du spectacle, et assistera depuis un gradin sur le plateau, au final de la pièce.

Voilà ce que jamais je ne te dirai,  deuxième partie de cette soirée, initiée par l’artiste Ulrich von Sidon, est intégrée à ce voyage artistique. Pour Eric Vautrin, dramaturge du Théâtre Vidy-Lausanne qui est  producteur du spectacle, Vincent Macaigne, «ne cherche pas la solution mais la vitalité. Il ne cherche pas l’absolution ou la conviction, mais cherche à rester en vie et à dépasser l’idée par l’action, à transformer l’analyse en expérience vécue. Il ne s’agit pas de convaincre, mais de mettre en mouvement ».

Une manière de faire du théâtre qui ne surprend pas ceux qui connaissent ses adaptations antérieures de William Shakespeare ou de Dostoïevski,(voir Le Théâtre du blog), qui étaient un peu plus lisibles. Et un moment de théâtre unique à découvrir qui marque l’esprit du spectateur. Le théâtre  pour Vincent Macaigne est une communauté de vie intense hors des codes et douleurs de la vie réelle, et pour lui ce moment doit se poursuivre, une fois la représentation terminée : il invite donc ainsi à la fin, tous les spectateurs,  sur scène à venir  boire un verre sur scène et à danser au milieu de cette zone de guerre fictive entre mannequins humains calcinés et trophées d’animaux naturalisés.

 Jean Couturier

Festival d’Automne à Paris, à Nanterre-Amandiers, Centre Dramatique national  jusqu’au 8 décembre.

Du 9 au 11 janvier, TANDEM scène nationale, Hippodrome de Douai. Le 16 février à la Filature,  Mulhouse.
Du 31 au 17 juin, La Colline-Théâtre national, Paris. 

 

 

La Fuite de Mikhaïl Boulgakov, mise en scène de Macha Makeïeff

 

La Fuite de Mikhaïl Boulgakov, mise en scène de Macha Makeïeff

10635456lpw-10635451-jpg_4620490 La pièce ne fut jouée qu’une seule fois en France, il y a quelque quarante ans. La metteuse en scène évoque avec une sensibilité personnelle la tragédie des Russes blancs qu’elle a connue par ses grands-parents. Par ce lien direct avec un passé russe, une âme russe, une beauté russe, une dignité russe qui ont habité son enfance, Macha Makeïeff entre dans l’univers de Mikhaïl Boulgakov (1891-1940), par une petite porte, celle d’une relation intime avec un monde voué à l’oubli. C’est un acte de mémoire, de fidélité charnelle à un monde qui ne pouvait plus s’identifier à un avenir ou à un présent, et voué à se replier sur lui-même: celui d’étrangers contraints dans leur solitude  à accepter l’accueil d’un pays qui ne serait jamais le leur.
La metteuse en scène a fait de cette pièce, un chant d’amour et de deuil pour une Russie condamnée par la révolution bolchevique  et par l’irruption de la modernité. Cette parenté avec l’auteur a donné à Macha Makeïeff des moyens inédits pour transmettre au public, l’air, l’odeur, et la couleur d’une réalité irréelle, celle des huit songes qui composent  cette Fuite.

 La grande force de ce spectacle ? L’empathie !  Macha Makeïeff  s’identifie au langage qu’elle doit traduire, celui des songes, la vérité artistique étant à la fois la condition et le prix de cette tentative résurrectionnelle. Il faut voir La Fuite qui a trait à la vie de Macha Makeïeff mais la pièce en ces temps de commémoration, nous fait aussi entrer dans les arcanes de la guerre civile qui suivit la Révolution d’Octobre.

Mikhaïl Boulgakov a, en effet, occupé une place stratégique dans la politique culturelle, après la prise du pouvoir par Staline mais il n’a jamais caché ses convictions monarchistes et son opposition au régime soviétique.  Adulé du public mais persécuté par la critique et bête noire de la gauche révolutionnaire, il a pourtant été ouvertement protégé par Staline qui a pris maintes fois position en sa faveur. La Grande Terreur avait causé la mort de plusieurs centaines d’écrivains et non des moindres, mais la Culture était un rouage important du système. Et on possède de nombreux témoignages de l’estime de Staline pour Mikhaïl Boulgakov, maître incontesté de la dramaturgie théâtrale  et  de la prose romanesque.

La place de La Fuite dans son œuvre et dans l’histoire du théâtre russe, a été occultée par ces Les Jours de Turbine, une pièce qu’il avait tirée de son roman, La Garde Blanche. La Fuite ,jamais représentée de son vivant fut créée en 1956 seulement  mais Les Jours de Tourbine ont apporté son plus grand succès au Théâtre d’art de Stanislavski et Némirovitch-Dantchenko et a fait salle comble depuis sa création en 1926 jusqu’en 1941,  sauf de 1929 à 1932, quand elle fut interdite sous la pression d’une violente campagne de presse dirigée contre son auteur, accusé d’y faire l’apologie de la Russie blanche! Et, en 1929 l’interdiction des Jours de Tourbine  s’étendit à toute son œuvre passée, présente et future ! Mikhaïl Boulgakov se trouva alors confronté au dilemme  des Russes blancs après leur défaite,  qu’il expose dans La Fuite.  

  Il écrit le 28 mars 1930 une lettre au gouvernement pour demander qu’on lui permette de quitter un pays où il n’a plus sa place. Ebranlé par la suicide de Maïakovski le 14 avril,  Staline lui  téléphone  quatre jours après et lui promet d’intervenir en sa faveur auprès du Mkhat, le Théâtre d’art, où l’auteur avait demandé une place de metteur en scène qui lui avait été refusée. Et grâce à lui, il obtint satisfaction  et, en 1932, le Mkhat reprit Les Jours de Tourbine qui ne quittera plus l’affiche jusqu’en 1941…  Sans jamais renier ses convictions monarchistes, Mikhaïl Bolulgakov aura pour Staline une immense reconnaissance. Mais… il attendra en vain un nouveau signe de complicité comme celle qui exista entre Louis XIV et Molière, ou entre Nicolas Ier et Pouchkine. Pour le prier d’être son seul juge, son unique censeur, il écrira inlassablement à Staline qui  prit la défense des Jours de Tourbine qu’il verra… vingt-deux fois mais maintiendra l’interdiction de La Fuite, malgré les remaniements auxquels avait consenti par quatre fois, l’écrivain pour entrer dans le moule.

 Il s’est inspiré pour écrire La Fuite, des souvenirs de sa femme, Loubov Bielozerskaia, qui, après avoir émigré,  était rentrée en Russie et lui avait déconseillé fortement de suivre l’exemple de ceux qui, comme Zamiatine, avaient préféré l’exil au silence, et avaient récolté… l’un et l’autre. Et quand Staline lui demanda s’il souhaitait vraiment partir, il répondit qu’un écrivain russe ne pouvait pas vivre loin de sa patrie!

Dilemme posé dans La Fuite et auquel les personnages répondent différemment selon les versions. Mais en  dépit de son échec, la pièce occupa une place névralgique, dans son œuvre mais aussi dans les relations entre les écrivains et le pouvoir. Ecrite en 1926, programmée au Théâtre d’art, elle fit l’objet d’une intense polémique au sein même des organes  de contrôle, et  en 1929, le Politburo créa une commission  avec Vorochilov, Kaganovitch et Smirnov pour décider de son sort. Malgré un avis défavorable, Staline fit valoir pour retarder, voire empêcher l’interdiction,  que les notions de droite ou de gauche étaient inadéquates pour cataloguer une pièce de théâtre. Et il opposa la qualité artistique de La Fuite, à la médiocrité de la littérature prolétarienne.

 La réalité rattrapa la fiction : le général Slachtchov, qui survécut à la perte de la Russie blanche  puis intégra l’Armée rouge à un rang prestigieux fut quand même assassiné ; il était le prototype du général Khloudov qui dans La Fuite, se suicida pour éviter un choix impossible. Une leçon amère se dégage de la pièce: celle d’une course de cafards piégés dont aucun ne sortira indemne. La Fuite participe en effet d’une histoire condensée qui se définit par l’énergie de l’erreur, chère à Léon Tolstoï : l’erreur, en russe, c’est aussi l’errance, celle des émigrés condamnés à vivre leur vie comme un songe…

 Gérard Conio

 Le spectacle a été créé du 7 au 20 octobre au Théâtre de la Criée  à Marseille.
Du 29 novembre au  16 décembre, Théâtre Gérard Philipe–Centre Dramatique National de Saint-Denis.
Les 21 et 22 décembre, Théâtre Liberté à Toulon.

Du 9 au 13 janvier, Les Célestins à Lyon; du 9 au 20 janvier, Le Quai-Centre Dramatique National d’Angers.

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La Fuite ! comédie fantastique en huit songes de Mikhaïl Boulgakov, adaptation et mise en scène de Macha Makeïeff

cr,840,500-07a3f4 Incomprise en son temps, cette pièce «associe à la bouffonnerie du champ de foire, un drame psychologique fondé sur la conscience individuelle», une tentative mystique pour «s’élever impartialement au-dessus des Rouges et des Blancs» est ici articulée en huit songes, huit cauchemars: une femme du peuple-monstre indistinct sous une couverture-prétendument sur le point d’accoucher, va se métamorphoser en général de Cosaques. Et la fille d’un gouverneur et l’épouse d’un ministre font le trottoir  à Constantinople… Macha Makeïeff a imaginé une fantasmagorie ludique, un rêve éveillé à l’intérieur d’une boîte noire-le théâtre- avec  une palette de couleurs suggestives, ternes ou éclatantes, et une chorégraphie savante…  Avec aussi  les voix sourdes et mystiques d’un chœur orthodoxe dans un ténébreux intérieur monastique, avec petites lumières et icônes, spectres renaissants, et personnages traditionnels du peuple russe. Créée comme les costumes par Macha Makeïeff la scénographie- haute verrière abritant la salle d’attente d’une gare, au Nord de la Crimée, lunes électriques bleutées, des baies brumeuses, et grondements des trains-qui rappelle le merveilleux imaginaire de Wladislas Znorko ou de Tanguy avec son théâtre de pantins et marionnettes.

 Les personnages de Mikaïl Boulgakov vivent dans un monde perverti par la guerre civile : Khloudov (Geoffroy Rondeau), énigmatique, incapable de conduire son armée. Le planton Krapiline (Sylvain Levitte) condamne la cruauté de l’homme de pouvoir qui se venge mais finira pendu à un réverbère, hantant son bourreau…Le général Tcharnota (Vincent Winterhalter) est combattif, un peu fou ; de même, son double féminin, Liouska (Karyll Elgrichi  représente la dimension comique du drame. Il y a aussi, attachantes, deux figures poétiques: Serafima (Vanessa Fonte), jeune bourgeoise pétersbourgeoise et Goloubkov (Pascal Rénéric), une parodie de Boulgakov, l’intellectuel « à la lampe verte» dont la faiblesse relève d’une profonde impuissance à ne pas influer sur le cours des événements.

Macha Makeïeff  nous propose un univers désaxé où tout est incontrôlable et où les retournements se multiplient d’un «songe» à l’autre, et à l’intérieur de chacun d’eux. La distorsion du réel atteint son paroxysme dans le cinquième, avec une image grotesque de courses de cafards : dérision et profanation. Un cauchemar diabolique traversé par deux métaphores, l’un sérieuse : la fuite et la course, et l’autre bouffonne : le jeu de hasard. La fuite des Blancs et l’avancée des Bolcheviks sont, pour Khloudov, la réaction de cafards «symbolisant sur le monde parodique à la fois la fuite et la défaite ». A Constantinople, Tcharnota joue aux cartes une fortune déjà entamée, et perd le reste de son bien aux courses, puis joue et regagne à Paris une fortune contre Korzoukhine (Alain Fomager), un bandit commerçant en fourrures qui a renié sa femme.

 Après l’entracte le spectacle-moins bien tenu-reste un joli patchwork théâtral, fait de chaos et de ruptures, d’assemblages subtils et de grosses coutures, d’allers et retours entre genre tragique et farcesque. Avec  danses, fanfare comme chez Jean Bellorini et croisements émouvants d’êtres et de destins…

 Véronique Hotte

Théâtre Gérard Philipe, Centre Dramatique National de Saint-Denis, 59 boulevard Jules Guesde, Saint-Denis  (Seine-Saint-Denis), jusqu’au 17 décembre. T. : 01 48 13 70 00

 

 

Sept d’un coup, de Catherine Marnas, inspiré du Vaillant petit tailleur des frères Grimm

©-Frédéric-Desmesure

©-Frédéric-Desmesure

 

Sept d’un coup, texte et mise en scène de Catherine Marnas, inspiré du vaillant petit tailleur de frères Grimm.

 Les frères Grimm: Jacob (1785-1863) et Wilhelm (1786-1859), grands linguistes allemands ont recueilli des contes populaires de leur pays et en ont écrit quelque deux cent mais aussi réalisé un dictionnaire et une histoire de la langue allemande. Richard Wagner s’inspira de plusieurs des légendes qu’ils collectèrent  pour  composer ses opéras  et de la Mythologie allemande de Jacob Grimm pour sa Tétralogie.

 Le conte, sans doute l’une des plus anciennes formes d’expression  depuis Homère, a depuis le milieu du XXème siècle, séduit nombre de metteurs en scène de théâtre qui   ont réalisé soit une histoire racontée en solo, soit en  un spectacle avec quelques acteurs, en général surtout destiné à au jeune public, en une heure maximum.  Le plus souvent, un héros principal est placé dans une situation presque sans espoir à cause d’un nouvel élément imprévu (catastrophe, mauvaises rencontres d’êtres à la fois bénéfiques ou malfaisants, souvent fantastiques…) le plus souvent au cours d’un long voyage. Malgré de nombreuses épreuves, il se montre plus fort sur le plan mental que ses adversaires, ce qui lui permet de jouir enfin du bonheur qui, jusque là, lui avait été refusé. Mais les auteurs contemporains refusent  souvent cette fin heureuse, et aiment introduire le tragique dans leur textes. Ils ont lu Bruno Bettelheim (1903-1990) qui analyse le contenu  psychanalytique des contes pour enfants (Blanche-Neige, La Belle et la bête,etc.) et montre comment ils répondent en fait aux angoisses des enfants, en les informant sur les épreuves à venir  avant d’être adultes.

  Catherine Dasté dans les années 70 avait réussi à donner au théâtre pour enfants une légitimité avec de merveilleuses et fortes mises en scène sur les plans dramaturgique et pictural, et depuis, les contes à l’origine, oraux et populaires ont souvent été portés au théâtre, avec le plus souvent un récit  et des actions représentées au premier degré, voire avec une certaine distance. Comme dans les très remarquables spectacles tout public de Joël Pommerat qui reprend, loin d’une littérature «enfantine» au mauvais sens du terme, de grands classiques comme Pinocchio, Cendrillon, et Le petit Chaperon rouge: autant de chefs-d’œuvre d’écriture et de mise en scène

Catherine Marnas s’est, elle aussi, prise au jeu et a donc revisité et mis au goût du jour, en en gardant la trame, le célèbre conte des frères Grimm. Ici, plus de petit tailleur mais un jeune garçon, Olivier, maladroit, pas très costaud et qui se sent toujours en état d’infériorité, donc une cible idéale pour ses copains, des durs à cuire en blouson à capuche qui se moquent de lui et le maltraitent. Il se réfugie dans la dégustation d’une tartine de confiture, un savoureux goûter mais…  qui attire les mouches ! Il prend un torchon et arrive alors à en tuer sept !

Fier de son exploit,  il marquera sur son T shirt : « Sept d’un coup » et décidera de partir en voyage. En chemin, il rencontrera dans une forêt peuplée de géants fantomatiques et l’un d’eux le mettra au défi  d’être aussi fort que lui. Il presse une pierre et arrive à en tirer de l’eau mais Olivier prend dans son sac un fromage et arrive au même résultat. Le géant dépité lance alors une pierre très haut qui retombera  même au bout de longues secondes. Plus rusé,  Olivier fera s’envoler l’oiseau qu’il avait emmené dans son sac de voyage, et qui lui, ne retombera jamais! Et il aura donc encore  gagné ! Après avoir repris sa route, il rencontre un roi qui a peur pour sa vie et celle de ses sujets, quand il voit l’inscription sur le T shirt d’Olivier. Et il lui offre aussitôt la moitié de son royaume et la main de sa fille, une très belle princesse. Le roi remet toujours à plus tard la récompense promise… Moralité : il ne faut jamais enfant faire confiance aux adultes. Mais tout finira bien pour Olivier.

Sur le plateau nu, juste des cadres métalliques pour figure l’architecture d’une maison que l’on pourra déplacer.  L’un des comédiens joue Olivier et les autres sont en charge de tous les autres personnages. «La modernisation du personnage et des thèmes, dit Catherine Marnas, n’empêchera en rien le merveilleux et le poétique, les géants glisseront comme par magie dans de grandes robes allant jusqu’au sol, la forêt sera peuplée d’être étranges… car il me semble important de lier la catharsis que j’évoquais au début, à l’imaginaire du rêve».

Ce spectacle honnête est très sérieusement réalisé par Catherine Marnas, même s’il a un peu de mal à se mettre en route. Mais Julien Duval, Carlos Martins, Olivier Paul et Bénédicte Simons, très habiles, même s’ils n’ont pas du tout l’âge du rôle, arrivent à endosser de nombreux personnages et à rendre la peur et les angoisses du petit Olivier. Et il y a vraiment une réelle poésie dans les belles scènes où Olivier rencontre le Roi et la princesse.
Ce qui fonctionne moins bien : l’utilisation-inutile, voire carrément nuisible-de micros HF, même si la musique et les bruitages sont souvent intéressants, une scénographie et des costumes, disons approximatifs, alors qu’ils s’avèrent pourtant essentiels, surtout dans une réalisation de «théâtre en famille à partir de six ans». Bref, on aurait aimé que la fantaisie et un grain de folie soient davantage au rendez-vous. Mais bon…

 Philippe du Vignal

TnBA-Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine jusqu’au 2 décembre.
Agora, Pôle national des Arts du cirque de Boulazac,  le 27 février.

 

Festival Quatre Chemins à Port-au-Prince (suite)

 

Festival Quatre Chemins à Port-au-Prince

 

Mercredi  22 novembre

Au Yanvalou

Ce bar-restaurant -du nom d’une danse traditionnelle haïtienne célébrant le voyage des esprits vers l’au-delà par des mouvements pareils aux vagues- est géré par l’ancienne ministre de la culture et ouvre souvent ses portes à des manifestations littéraires et théâtrales. 

 Le Petit Chaperon rouge de Joël Pommerat, mise en lecture par Hélène Lacroix

IMG_0156A la suite  d’un atelier de théâtre  mené à l’Institut Français d’Haïti, autour des textes de Joël Pommerat les lecteurs ont choisi de présenter cette adaptation du conte. Le texte tient la route même sans mise en scène, grâce à son humour, notamment dans les séquences avec le loup : «La petite fille pensa qu’elle avait peur, c’est vrai, dit le narrateur, mais que cette chose ne ressemblait en rien à la bête monstrueuse qu’elle s’attendait à rencontrer dans les bois, comme le lui avait prédit sa maman, au contraire ». La Mère est alors beaucoup plus effrayante que le loup séducteur.

 Cette lecture est une belle introduction à la table ronde intitulée « Pourquoi  battre les enfants est-il quotidien en Haïti? «, première conférence d’un cycle consacré à la maltraitance des enfants. Il est important de comprendre les causes de cette violence mais aussi d’en mesurer les conséquences. Aussi une psychologue, une sociologue et un spécialiste des sciences de l’éducation sont-ils réunis pour alerter le public sur cette question brûlante. La punition corporelle est très fréquente dans les  familles comme à l’école,  et neuf adultes sur dix pensaient encore en 2002 qu’il était normal de battre les enfants qui refusaient d’obéir.  Mais il y a plus grave : abandon, servitude domestique, violences sexuelles, surtout  envers les filles. Il en découle des lésions psychiques mais aussi  physiques : mauvais développement du cerveau, obésité, diabète, et  hypertension dus à un stress permanent…

 A la résidence de l’ambassadeur de Suisse, nouveau rendez -vous à la nuit tombée dans le jardin de cette grande villa, dans la fraîcheur des arbres. Nathalie Papin y fait une lecture de Faire du feu avec du bois mouillé, /Petite Conférence en abécédaire à l’envers sur le théâtre que j’écris. « Cet abécédaire est à l’envers, il commence par la lettre Z. Comme ZZZZ. Comme à l’envers est un chemin plus sûr pour aller jusqu’au bout » sous ce titre ironique, l’auteure répond avec malice  aux questions qu’elle se pose dans ses pièces, ou elle anticipe celles qu’on pourrait lui adresser.

Comment, après une école de mime, en est-elle venue à écrire du théâtre ? Comment faire quand on est un enfant  devant des adultes qui vous empêchent de trouver votre propre chemin ? C’est si difficile de mourir ? Et de vivre ? … «  B, comme balançoire à basculée (…) j’écris mon théâtre en haut de la balançoire, même si le corps dévie (…) mon théâtre s’écrit là, dans ce moment de suspension. » Voilà le secret de Nathalie Papin, ce qui donne à ses pièces, grâce et poésie, même quand elle prend son élan avec les pieds sur terre.

 Jeudi 23 novembre

 Fictions ordinaires de Jean-Christophe Laubin et Catherine Boskowitz

 La grande place Carl Brouard, au centre du quartier populaire de Pacot, bordée de petites échoppes et d’étals de marchands ambulants, est investie, le temps d’une performance, par le scénographe Jean-Christophe Lanquetin  et la metteuse en scène Catherine Boskowitz.

A partir de cet environnement, qu’ils ont arpenté et filmé plusieurs jours durant et, avec trois comédiens et des techniciens, ils restituent sous nos yeux le quotidien des gens qu’ils ont recueilli, et renvoient ainsi aux habitants et aux spectateurs des paroles, sons et images pris sur le vif. De grands draps blancs tendus servent d’écrans où  se superposent projections de fragments d’images, textes écrits en direct et en créole, silhouettes de petites figurines sculptées à l’effigie des personnes rencontrées ici…

Parmi les figures marquantes du lieu, l’histoire d’une dame en noir qui vit et dort là, racontée par bribes :  «Des enfants jouaient au foot. Seule,  la dame en noir restait sans bouger … » Suivent pêle-mêle un dialogue entre un dragueur et une jeune femme, une chanson… Créole et français alternent. Il est question d’un chien puis de nouveau de la dame en noir : «Il fait très chaud, la place est vide par son milieu. La dame en noir est allongée à même le sol.  (…) La dame en noir rêve. Peut-être rêve-t-elle de couleurs, d’un oiseau qui s’envole.»

La poésie s’invite dans cet espace urbain, rêche et tendu :Catherine Boskowitz lit :  «Je reviens sur la place. Dès mon arrivée, plusieurs paires d’yeux se sont fixés sur moi( …) ma chemise noire colle à mes seins (…) je pense, mon pied est tout blanc et rose. Ils regardent mon pied blanc et rose. Dans mon dos je sens la chaleur d’un autre regard… »

Pour conclure cette ambitieuse performance, comme le bouquet d’un feu d’artifice qui tirait dans tous les sens, une scène de vaudou rythmée par des tambourins où la vieille Madame Brigitte vient rejoindre le Baron Samedi, revenu d’entre les morts… On ne peut imaginer spectacle plus immersif : « C’est dans les quartiers où les gens s’organisent « malgré tout et contre tout“ que nous choisissons de travailler, de recueillir  les récits,  de traverser l’H(h)istoire (…).

Ces fictions ordinaires ont vu le jour à Medelin (Colombie),  et les deux artistes ont l’intention de reproduire l’expérience dans d’autres villes. Dans ce spectacle, objet insolite un peu déconcertant, on sent l’ambiance d’une place, d’un quartier, mais il faut, plutôt qu’y trouver un fil logique, picorer des sensations et se laisser couler dans les images, les sons, et les odeurs.

©Samuel lameri cetherine Boscowitz

©SamuelLameri: Catherine Boskowitz

 Soirée à la résidence de l’ambassadeur de Suisse

©Samuel lameri

©Samuel lameri

 Pierre Michel Jean, photographe et vidéaste,  explore la mémoire refoulée d’un massacre, perpétré en 1937 : une opération dite ”coup de couteau“, décidée par le président de la République dominicaine Rafael Leónidas Trujillo Molinande pour éliminer physiquement les Haïtiens travaillant dans les plantations de son pays. Près de 20. 000  hommes, femmes et enfants, furent ainsi tués! Pour son projet L’Oubli pour mémoire, l’artiste a rencontré et filmé des survivants, consulté archives et articles de journaux de l’époque…  Son travail entre en résonance avec des incidents qui se produisent régulièrement sur les bords de la rivière Dajabon, à la frontière entre les deux pays. Le racisme anti-haïtien existe toujours en République dominicaine. Cette initiative s’inscrit parmi les actions de la Brigade d’intervention théâtrales (BIT) créée pour «parler pour les personnes qui ne peuvent pas parler ».

 

Catherine Boscowitz revient ensuite sur sa performance,et  se définit comme une «metteuse en scène qui fait d’autres choses » et qui voyage beaucoup «  pour rencontrer d’autres artistes et aller voir ailleurs si j’y suis. »  Elle est ainsi allée en Grèce, là où débarquent les migrants : à Thessalonique, où elle passe le mois de mai parmi eux, au sein d’une ONG grecque, et tient un journal dont elle nous lit des extraits. Ce sera la matrice  du prochain spectacle qu’elle créera en résidence à la MC 93 de Bobigny, en allant à la rencontre des gens dans les quartiers populaires  des villes de Seine-Saint-Denis.

 Vendredi 24 novembre

 Le Père de Guy Régis Jr., mise en scène de Marc Vallès

©Samuel lameri

©Samuel lameri

 Dans un passage étroit, le public s’installe tant bien que mal, pour assister à la création en plein air de cette pièce construite comme une veillée traditionnelle haïtienne. Dans cet espace à la fois intime et ouvert à tous, une famille se lamente autour du cercueil  où repose le corps du père, rapatrié les pieds devant des États-Unis, où il s’était exilé comme nombre de Caraïbéens.  Le père, sur qui tous les espoirs reposaient. Nous entrons par effraction au sein de cette famille où la mère, ses sœurs, et ses deux fils sont confrontés brutalement à la réalité.

Sans autre décor qu’une planche de bois ( le cercueil) et un drap blanc, les personnages s’affrontent de part et d’autre de ce la ruelle, au plus près d’un public qui réagit au quart de tour. La beauté de l’écriture, une mise en scène inventive, un jeu d’acteurs énergique mais non sans émotion, donnent toute sa force à cette tragi-comédie. Il serait heureux que cette création soit reprise apres les deux représentations du Festival

 À suivre

 Mireille Davidovici

 Festival Quatre Chemins à Port-au-Prince, du 20 novembre au 3 décembre. www.festival4chemins.com

 Faire le feu avec du bois mouillé est publié dans la collection Théâtre, de L’Ecole des Loisirs. Le Père de Guy Régis Jr est édité aux Solitaires Intempestifs.

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