L’Art de Suzanne Brut de Michael Stump, mise en scène de Christophe Lidon
L’Art de Suzanne Brut de Michael Stump, mise en scène de Christophe Lidon
Suzanne parle à Sainte-Jeanne et à la Vierge Marie; mieux, elle les peint. A moitié folle, à moitié demeurée, elle est servante chez les bonnes sœurs de Saint-Pardoux-la-Rivière, en Périgord. Dehors, les Allemands occupent la campagne avec la bénédiction des religieuses : « Elles disent ça que Pétain a dit qu’il ne fallait plus nourrir les fous (…) »
Suzanne, “muette en dehors, et très bavarde en dedans“, s’adresse à ces apparitions célestes, et leur explique comment elle entend les représenter, donne ses recettes à base de plantes, œufs, plumes et insectes écrasés dans de la peinture Ripolin, matière qu’elle étale sur des planches de bois glanées alentour : « Je ne sais pas bien parler, mais je sais mélanger les couleurs, je sais trouver les formes de accords, des nuances (…)», dit-elle à Sainte-Jeanne. De fil en aiguille, elle va confier aux Saintes qui la visitent les événements traumatiques aux termes desquels elle a été recueillie dans ce couvent…
Marie Christine Danède avec un léger accent du terroir, incarne cette Suzanne Brut -patronyme typiquement périgourdin- avec naturel. Le rôle lui va comme un gant, écrit sur mesure pour elle, à la demande du metteur en scène avec lequel elle collabore régulièrement … Pour construire son personnage, Michael Stump s’en réfère à l’Art brut : « Un gisement extraordinaire d’œuvres issues de l’imagination et du vécu souvent douloureux de créateurs marginaux, autodidactes et exclus des chemins balisés de l’art contemporain». Auteur de plusieurs pièces et adaptations théâtrales, il parvient, grâce à son expérience de peintre, à décrire le processus de création des tableaux dont nous visualisons les formes, couleurs et matériaux, comme s’ils existaient vraiment.
La comédienne contribue à rendre cette fiction crédible. Même si les mots ne correspondent pas toujours à ceux d’une paysanne fruste et peu éduquée, elle donne chair et épaisseur dramatique, une heure quinze durant, à cette femme blessée par la vie, à qui l’art offre une part de résilience. Sans pathos, avec suffisamment de distance, et aussi avec l »humour (parfois un peu lourd) qui fait respirer le texte.
Une scénographie sans grande invention mais des projections vidéos subtiles, soulignent discrètement le jeu de Marie-Christine Danède qui a eu une nomination comme Meilleur second rôle féminin en 2015 pour La Colère du tigre de Philippe Madral, monté par Christophe Lidon (voir Le Théâtre du blog). Une comédienne à découvrir.
Mireille Davidovici
Théâtre Les Déchargeurs, 3 rue des Déchargeurs Paris Ier . T. 01 42 36 36 20
Le texte est publié aux éditions Dacres : www.dacres.fr