Le Tartuffe, de Molière, mise en scène de Michel Fau
Le Tartuffe, de Molière, mise en scène de Michel Fau
Michel Fau, ici metteur et acteur dans le rôle-titre, suivit la classe de Michel Bouquet au Conservatoire National d’Art Dramatique. Comment présenter Michel Bouquet sans être réducteur devant ce monument ? Né en 1925, sa carrière et sa passion pour son métier se confondent avec l’histoire contemporaine du théâtre.
Parmi les acteurs les plus respectés en France, il n’avait pourtant jamais joué cette pièce de Molière. Que vient voir le public en achetant une place, jusqu’à… soixante euros, dans ce théâtre privé, inscrit aux Monuments Historiques? Un comédien mythique? Une nouvelle version baroque et flamboyante d’une œuvre très connue mais paradoxalement peu jouée? Un peu sans doute, tout cela à la fois …
Les comédiens qui entourent Michel Bouquet dans Orgon et Michel Fau dans Tartuffe, sont tous excellents, en particulier Nicole Calfan, Christine Murillo et Juliette Carré, l’épouse de Michel Bouquet. Les magnifiques costumes de Christian Lacroix, (noir pour Orgon et rouge sang pour Tartuffe), la façade d’un palais baroque en perspective- scénographie d’Emmanuel Charles- qui s’ouvre pour révéler une chapelle surmontée d’une croix et les lumières de Joël Fabing, nous plongent dans une sombre farce. «La situation du Tartuffe est extrême, dit le metteur en scène (…) Et a pièce est violente et, à certains moments, pathétique ; elle doit donc provoquer le rire. Un rire lié à l’effroi, et au tragique.»
Traitement de cette pièce très classique, avec des personnages bien dessinés dans une évocation de l’art baroque, et où domine la force du texte. «Molière a choisi le vers pour introduire davantage de précision, et s’en sert comme d’un couteau pour aller au cœur des choses.» Dans un théâtre de la Porte Saint-Martin peuplé de fantômes : Sarah Bernhardt y fut pensionnaire pendant dix ans, dès 1883, et Edmond Rostand y créa Cyrano de Bergerac en 1897. Ils protègent sans doute les artistes qui jouent ici avec un bel esprit de troupe. Un Tartuffe très actuel, et qui témoigne de la puissance de Molière, servi ici avec modestie par Michel Bouquet. «Après, lorsque l’on parle, comme le fait la pièce, d’intégrisme religieux, on ne peut s’empêcher de penser à aujourd’hui», souligne Michel Fau.
Allez voir cette pièce, même aux places très en hauteur, réputées sans visibilité mais à treize euros. Pas gênant puisque l’action se déroule presque toujours à l’avant-scène. «Enfants du paradis» du XXIème siècle, vous garderez ces deux heures longtemps gravées dans votre mémoire. Aux saluts, on découvre l’émotion de Michel Fau qui a entraîné la troupe dans une belle aventure théâtrale, et la fragilité de Michel Bouquet qui admire Louis Jouvet, dont il pourrait revendiquer cette phrase : «Le talent, ce n’est pas bien compliqué, c’est fait d’énergie, de persévérance et d’application. Il vaut mieux acquérir des dons, que les avoir, en naissant. Nous avons tous autant de talent les uns que les autres. Ce qui nous différencie, c’est une persévérance dans un certain sens, persévérance qui finit toujours par être récompensée un jour ou l’autre» Une grande qualité que ce comédien décline depuis plus de soixante-dix ans…
Jean Couturier
Théâtre de la Porte Saint-Martin, 18 boulevard Saint-Martin, Paris Xème. T: 01 42 08 00 32, jusqu’au 31 décembre.