L’Hypothèse de la chute, chorégraphie de Frédéric Cellé
L’Hypothèse de la chute, chorégraphie de Frédéric Cellé
La chute, défi à l’attraction du sol, correspond au fait de tomber, jolie source d’inspiration pour Frédéric Cellé. Ne plus rester droit, s’écrouler, s’effondrer silencieusement dans une glissade fluide, ou décider librement l’abandon de soi, le lâcher-prise de l’existence. S’affaisser un court instant suffit à mieux se relever. Ici, on tombe pour réapprendre l’ascension, dans une posture de risque et de spectacle.
Un quintette d’interprètes, danseurs et circassiens, explorent, pour le bonheur des spectateurs, l’art de la chute et sa fatalité redoutée… Justine Berthillot, Tatanka Gombaud, Maxime Herviou, Clément Le Disquay et Aurélie Moulhade s’élancent dans le vide, comme pris d’un vertige préparatoire à la chute. Ils s’en donnent à cœur joie, se soutiennent les uns les autres et préviennent les conséquences des lois de la pesanteur. Déplacements latéraux et verticaux, sous le souffle du vent, précipitation des corps dans une neige et une pluie symboliques. Ils s’élancent, commencent à tomber puis se rattrapent adroitement ou se lancent dans des cascades répétées. Comme dans une chute improvisée d’anges facétieux, ils perdent leur équilibre, semblent s’affaisser au sol, comme pour descendre plus bas encore. Culbutes et glissades, vols planés et trébuchements, jusqu’à un plongeon dans l’eau.
Tout commence par la confrontation avec en effet un plongeoir d’un blanc fellinien, inspiré de celui de Saint-Malo et caché d’un rideau léger de filets blancs. Le premier personnage n’ose pas monter les marches de l’escalier, pris de panique et de vertige. Mais latéralement surgit un quatuor d’artistes habités par le plaisir de chuter puis de se relever. Jubilation et excitation, ivresse et emportement, les corps ne s’appartiennent plus et jouent leur partition à la fois singulière et chorale, en électrons libres subissant l’attraction, avec des images fragmentaires recomposant un tableau d’ensemble. Les interprètes se jettent dans une danse infernale joyeuse et tonique. Pas question ici de défaite, échec ou capitulation. Les danseurs allongés sur un tapis matelassé, tels des gisants pâles, rappent ceux de tous les Radeaux de la Méduse et de tous les Massacre des Innocents et font écho aux migrants entassés sur des embarcations précaires.
Dans la seconde partie du spectacle, moins grave, se développe le bonheur collectif d’être au monde, et le sentiment joyeux d’un réconfort, sur une musique disco. Des costumes colorés et délicats accentuent une impression de fraîcheur printanière. Une aventure esthétique, grâce aussi à la lumière et à la scénographie de Gilles Faure, à la création sonore de Camille Rocailleux, entre danse, cirque et acrobatie : bref, et une fête de tous les instants avec une gestuelle royale.
Véronique Hotte
Spectacle vu à L’Arc-Scène nationale du Creusot, le 9 novembre. Théâtre Mansart de Dijon, le 30 novembre.
Maison de la Culture de Bourges, le 5 décembre. Scènes du Jura-Scène nationale de Lons-le-Saunier, les 7 et 8 décembre.Théâtre-Scène nationale de Mâcon, les 14 et 15 décembre.
Théâtre de Vitry-le-François, les 22 et 24 janvier. Théâtre de Charleville-Mézières, le 26 janvier. Théâtre Gaston Bernard de Châtillon-sur-Seine, le 30 janvier. Théâtre des Arts de Cluny le 1er février. Espace 110 d’Illzach , le 17 mars.
Théâtre Gérard Philipe de Frouard, le 6 avril. L’Embarcadère de Montceau-les-Mines (71), le 25 avril. Théâtre d’Autun (71), les 17 et 18 mai