Un pays dans le ciel d’Aiat Fayez, mise en scène de Matthieu Roy
Un pays dans le ciel d’Aiat Fayez, mise en scène de Matthieu Roy
« Votre dossier n’est pas complet (…) votre dossier est complètement incomplet ! » articule le préposé aux cartes de séjour. Il manque toujours une pièce pour renouveler les papiers d’un demandeur qui se perd dans les méandres de l’administration. Un parcours du combattant qu’Aiat Fayez a vécu : entre la France et l’étranger, il se sent : «Partout étranger et profondément désolé de l’être». Familier de l’auteur, Matthieu Roy lui a commandé une pièce sur la question des migrants. Pour y répondre, Aiat Fayez a passé plusieurs semaines en immersion à l’OFPRA (Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides) à Fontenay-sous-Bois, surnommé “le bunker», où il a assisté aux démarches que doivent faire les demandeurs d’asile. Ils racontent leur histoire à un “officier de protection“, le plus souvent grâce à un interprète. Cette pièce restitue une partie de ces entretiens ponctués par les remarques de l’auteur -joué par Gustave Akakpo- qui intervient en contrepoint.
Dans un dispositif bi-frontal, les acteurs évoluent au plus près du public, et nous sommes immergés dans de courtes scènes à trois personnages: demandeur d’asile, fonctionnaire et traducteur. Le vécu douloureux des étrangers contraste avec le langage administratif, et leurs destins sont à la merci du classement dans une catégorie dont leur cas relève. «Je suis fasciné par la question de la contingence », dit le personnage de l’Auteur. Trois comédiens se partagent une dizaine de rôles et jonglent avec les langues, les accents, selon les pays d’origine. Hélène Chevallier et Sophie Richelieu ont appris l’albanais pour jouer et traduire l’émouvant récit d’un musicien qui s’exile, à la recherche de son précieux violon : on le lui a volé et, sans cet instrument, irremplaçable, il ne peut exercer son métier qui est sa passion. Gustave Akakpo s’amuse à jouer, pour la première fois en éwé, sa langue natale du Togo, un homosexuel africain, tandis que la traductrice réprouve les mœurs de son client.
Une direction d’acteur distanciée, un jeu sur les registres linguistiques et un certain humour évitent le pathos et offrent une théâtralité nuancée à ce documentaire. A partir d’histoires individuelles chaotiques et des réactions plus ou moins empathiques des fonctionnaires, Aiat Fayez, puisant dans sa propre expérience, soulève la question de l’accueil des migrants, devenue aigüe avec la crise actuelle. «Tout ce que j’ai écrit et publié, romans et pièces, tourne autour de la question de l’étranger, explique-t-il. (Je n’utilise pas le terme immigré, qui place l’étranger sur un plan politico-sociologique.) »
Ce spectacle, conçu pour un espace réduit, peut être joué partout, y compris en appartement : il suffit d’une table et de trois chaises. Il repose sur une belle écriture et des acteurs, habiles à incarner ces personnages émouvants. La compagnie du Veilleur est accueillie à Paris à la Scène-Thélème, à côté du restaurant du même nom dont le directeur, passionné de théâtre, concocte, dit-il, un programme de créations « du même niveau d’exigence que sa table ».
Mireille Davidovici
Du 8 au 25 novembre, Scène Thélème, 8 rue Troyon, Paris XVIIème. T. : 01 77 37 60 99.
Et du 1 au 17 décembre puis du 2 au 25 février ; et du 2 au 25 mars, Théâtre de la Poudrerie, Sevran (Seine-Saint-Denis). Du 26 au 29 mars, Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines.
Du 13 au 27 mai, Théâtre de la Poudrerie, Sevran (Seine-Saint-Denis).
Chère Mireille Davidovici,
J’ai lu avec intérêt votre papier sur ma pièce, mise en scène par Matthieu Roy et vous en remercie beaucoup :
http://theatredublog.unblog.fr/2017/11/14/un-pays-dans-le-ciel-daiat-fayez-mise-en-scene-de-matthieu-roy-%E2%80%A8/
Puis-je me permettre de vous demander, s’il vous plaît, de supprimer la mention « Iran » et toute référence à ce pays, dans l’article en question ? Cela m’aidera beaucoup. Vous pouvez mettre « Liban » à la place.
Je vous remercie beaucoup.
Avec mes salutations les plus cordiales,
Aiat Fayez