Je veux seulement que vous m’aimiez, spectacle de Jacques Allaire

 

Je veux seulement que vous m’aimiez, spectacle de Jacques Allaire, à partir des interviews des acteurs de la  la Bulle bleue, et inspirés d’interviews de Rainer Werner Fassbinder.

(C)Marjory Corbinaud La Bulle Bleue

(C)Marjory Corbinaud La Bulle Bleue

 La Bulle Bleue, ESAT (Etablissement d’aide et service par le travail) est une compagnie de théâtre professionnelle et permanente avec une douzaine de comédiens en situation de handicap, qui compte aussi des techniciens de plateau. A sa création en 2012, la direction en  a été confiée à Delphine Maurel et cette Bulle Bleue a rejoint la dizaine d’établissements similaires à vocation artistique, sur les 1.400 recensés en France. Lieu de fabrique artistique culturelle, de 2016 à 2018 la compagnie La Grande Mêlée de Bruno Geslin est associée à l’Esat pour porter un projet artistique Prenez garde à Fassbinder! Pour pénétrer dans l’univers foisonnant du théâtre et cinéma du metteur en scène allemand et inventer une équation ouverte pour le collectif, Bruno Geslin invité les comédiens et metteurs en scène Jacques Allaire et Evelyne Didi à  venir y travailler.

 « Je veux seulement que vous m’aimiez-un titre emprunté à un film de Fassbinder- est le premier volet  du triptyque Prenez garde à Fassbinder ! qui a été confié à Jacques Allaire. A partir d’interviews consacrés au cinéma, le metteur en scène a conçu un spectacle en s’inspirant des questions des journalistes posées au dramaturge et cinéaste provocateur. Il a reformulé ces  questions formulées pour les comédiens qui ont vu au préalable une bonne partie du cinéma de Rainer Werner Fassbinder et auront lu ou entendu ses réponses sur les films mythiques qu’il apprécie, qu’il commente l’œuvre de Douglas Sirk ou celle de Jean-Luc Godard… A partir de leurs réponses personnelles ou des choix précis du cinéaste,  la pièce de Jacques Allaire s’est écrite « au plateau» avec les comédiens.

 Considérations existentielles du précurseur et inspirateur post-moderne de visions créatives propres aux générations suivantes. Sans complaisance avec des points de vue âpres et amers, et des regards provocateurs sur la société de consommation sur la bisexualité, sur les facettes tranchantes des années 70 et  80, prophétiques de nos temps bousculés. Entrée irréversible et progressive dans un libéralisme économique mondial, première Guerre du Golfe (1990-1991), terrorisme de la bande à Baader (1968-1998), prémonitoires d’un avenir sombre… : notre présent. Et ces interrogations n’en finissent pas de résonner dans un vide sans écho.

Lancinants, récurrents sont les thèmes essentiels de cette représentation: société, amour, couple (confort et enfermement), solitude subie, engagement dans les causes collectives de gauche ou anarchie choisie. Jacques Allaire nousinvite à pénétrer dans des lieux fassbindériens par excellence, comme l’intérieur d’un café comme ceux de: Tous les autres s’appellent Ali, de L’Année des treize lunes ou de Querelle de Brest, etc. La vie dans ce lieu quotidien, est aussi un repère individuel et espace collectif de compagnonnage-où est perceptible un certain bien-être, hors de l’univers parental et social, pour des jeunes, étudiants, travailleurs ou chômeurs à l’orée de leur vie.

Un comptoir kitch avec barman stylé, un juke-box pour écouter ensemble une musique à soi et à tous, et un espace aux éclairages fluo pour danser. Avec bières, vins et alcools pour adoucir la  vie. Une table en U,  nappée de blanc accueille les clients qui vont aussi s’isoler sur des canapés en skaï de couleur, de chaque côté du plateau. Et un vestiaire pour pendre sa veste, quand on vient du froid extérieur. Les comédiens jouent une partition d’une rare  densité, au plus près de leurs personnages dans le présent exigeant de la représentation…Ils s’interpellent, entament un dialogue-en continu ou presque-avec l’un puis avec un autre. Ils esquissent des couples qui se défont pour en inventer d’autres, choisissant plus tard de s’extraire du duo ou du groupe, et protégeant leur solitude.

Pourquoi vivre, si l’on n’est pas aimé ?  Un questionnement existentiel. Certains semblent capituler en arguant de l’impossibilité de vivre à deux durablement, quand il faut rendre des comptes et alors renoncer à vivre en liberté et selon ses désirs. Cris, vociférations, hurlements, injures libératoires, les répliques sonnent  avec des solos, un discours sur soi, puis  dans des moments festifs de danse chorale.

L’idée de normalité ne trouve guère de résonance dans ce spectacle élaboré, donnant plutôt à voir la fragilité de l’être dont nous sommes tous les représentants, dits «différents» ou non ; tous se reconnaissent dans la justesse affective éprouvée. Inclinations amoureuses reconnues et vécues avec la maturité nécessaire, sentiments éprouvés : les jeunes et les moins jeunes posent leur regard sur les mêmes enjeux existentiels : réussir une vie en aimant et en étant aimé, avant la mort proche.

 Un spectacle  à la fois émouvant et captivant, qu’on soit en situation de handicap ou non, grâce à sa rigueur  qui libère le bonheur d’être, en dépit de tout. Dans la teneur sensuelle et palpable des corps rapprochés et des voix.

 Véronique Hotte

Le Chai de la Bulle Bleue 285 rue du Mas de Prunet 34070 Montpellier Village Les Bouisses, jusqu’au 1er décembre. T. : 04 67 42 18 61 


Archive pour 17 novembre, 2017

Cyrano, d’après Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand, mise en scène de Lazare Herson-Macarel

 

Cyrano, d’après Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand, mise en scène de Lazare Herson-Macarel 

 

©Baptiste Lobjoy

©Baptiste Lobjoy

La pièce n’a jamais été autant jouée que depuis une dizaine d’ années. Et le plus souvent en format de poche, c’est à dire sans le grand nombre d’acteurs et figurants et tous les décors qui vont avec.

Ici la scénographie toute simple a été conçue avec intelligence par Ingrid Pettigrew: quelques feuilles de contre-plaqué pour figurer un décor vu de la scène, et des praticables montés sur roulettes, et c’est tout.

Jérôme Savary adorait cette pièce et ses deux mises en scène à Mogador avec Jacques Weber, puis à Chaillot avec Francis Huster, resteront sans doute comme de grands moments de théâtre populaire, au meilleur sens du terme.
La lecture que nous en offre aujourd’hui Lazare Herson-Macarel, même dans un style très différent, en est finalement assez proche. C’est l’occasion pour lui de montrer,  comme Jérôme Savary, que cette pièce est « une fête qui rassemble les gens les plus différents pour un festin de mots, d’intelligence, d’énergie vitale, de dépense improductive. Parce que ce texte est une expérience de jubilation pure, tant pour l’acteur que pour le spectateur. « (…) « Parce que la figure même de Cyrano nous inspire la liberté, l’insolence, l’insoumission, le désir d’insurrection pour un monde meilleur, le refus des compromissions, des paresses intellectuelles et des résignations-toutes choses dont notre société oublie petit à petit qu’elles sont possibles. »

Vaguement inspirée de la vie et de l’œuvre de l’écrivain  du XVII ème siècle Savinien de Cyrano de Bergerac  et créée en 1897 au Théâtre de la Porte Saint-Martin, à Paris, la  pièce eut un succès inimaginable, surtout pour un jeune auteur -Edmond Rostand n’avait que vingt neuf ans! Et à la première, il y eut vingt minutes d’applaudissements!
Aujourd’hui souvent méprisée par des hommes de théâtre reconnus, la pièce continue à attirer nombre de jeunes metteurs en scène. Mais très longue -quelque quatre heures- et donc jamais jouée dans son intégralité, elle n’est pas des plus faciles à monter! D’abord pour des raisons évidentes de gros sous, auxquelles avait dû aussi faire face Jérôme Savary, même à Chaillot: il y a normalement de nombreux décors et quarante-cinq personnages (dont les fameux cadets de Gascogne) et une importante figuration : bourgeois, marquis, laquais, mousquetaires, etc.
Et aucun doute là-dessus: il est indispensable de confier le rôle de Cyrano-quelque 1.600 vers!- à un acteur chevronné et qui a vraiment envie de jouer ce rôle écrasant mais très gratifiant… Ce qui est loin d’être évident!

Lazare Herson-Macarel qui avait très envie de la monter, préfère voir d’abord les grandes qualités de cette pièce « qui dit quelque chose du théâtre que nous voulons faire. Je rêve la mise en scène de Cyrano comme l’occasion de rendre Edmond Rostand à cet idéalisme essentiel qui dépasse de très loin, les satisfactions poétiques, rhétoriques et militaires. Grâce à lui, aujourd’hui, nous pouvons défaire et détruire un malentendu majeur : le théâtre n’est pas un artifice -c’est le dernier refuge de la réalité. » (…) « Parce que je crois qu’il est possible de donner de la pièce une lecture politique radicale, profonde, sans concession. Si Cyrano n’est qu’un conte pittoresque, folklorique, brillant et national, oublions-le. En revanche, nous pouvons rendre palpables pour le spectateur d’aujourd’hui, l’héroïsme de Cyrano et la mélancolie de Rostand-l’héroïsme et la mélancolie de Cyrano. » Voilà, tout est dit ou presque, de cette lecture intelligente de la pièce-pas jouée intégralement mais jamais réductrice.

Donc aucun décor, au sens strict du terme: c’est comme à une répétition de la célèbre pièce que nous convie Lazare Herson-Macarel, ses complices jouent tous les rôles: principaux et les autres. Il y a bien l’énergie de la jeunesse mais la distribution très inégale! manque d’unité; cela criaille trop souvent, la diction est aux abonnés absents, et il faut se pincer pour croire une seconde à cette Roxane. Là, on ne peut pas être d’accord et il faut que le metteur en scène resserre d’urgence les boulons et exige un minimum syndical: tous les comédiens doivent dire vraiment les alexandrins écrits par Edmond Rostand. Pour le moment, on entend le plus souvent quatre pieds sur les six. Cela s’arrangera peut-être mais il y encore un sacré boulot en perspective ! D’autant plus inadmissible dans le cas d’une pièce fondée en partie sur le plaisir du langage! Et dire que la plupart de ces jeunes comédiens ont été élèves du Conservatoire National ! On croit rêver…

Quel rôle sublime pour un acteur! Encore faut-il l’assumer : Cyrano est tout le temps en scène ou presque. Mais Eddy Chignara a, à la fois, la technique, la présence et la générosité indispensables. Comme Gérard Depardieu dans le film de Jean-Paul Rappeneau (1990) ou de Michel Vuillermoz dans la mise en scène de Denis Podalydès (2012)… Même intelligence du rôle et même empathie avec le public… Chapeau!

Lazare Herson-Macarel a, et cela se voit tout de suite, une véritable passion pour la pièce et il n’a pas triché. Particulièrement bien réussies: la fameuse scène du balcon entre Roxane, Cyrano, celle du siège d’Arras avec des coups de canon figurés par un batteur sur une caisse, et la fumée de la poudre traduite par des fumigènes (un peu trop abondants mais passons!). La mort de Cyrano (mais comment la rater?) est aussi un  beau moment d’émotion, grâce à Eddy Chignara. Tout cela avec seulement quelques accessoires non réalistes et de belles lumières dues à Jérémie Papin. Il y a aussi une idée intéressante: Salomé Gasselin, remarquable interprète, joue sur scène, des airs à la viole de gambe pour soutenir certains moment du texte. De quoi faire venir les larmes à plus d’un spectateur…

En tout cas, malgré certains manques évidents dans l’interprétation, et n’en déplaise aux détracteurs de cette pièce teintée de cocardisme, c’est vrai mais sans doute la plus populaire du théâtre français, les nombreux collégiens et lycéens de Suresnes et des environs l‘ont écouté avec une grande attention pendant quelque deux heures trente! Et, croyez-nous, dans le théâtre contemporain, cela ne se voit pas tous les jours… Olivier Meyer, le directeur du théâtre  de Suresnes aura réussi là, un joli coup.

Philippe du Vignal

Le spectacle a été créé du 10 au 12 novembre au Théâtre de Jean Vilar, Suresnes, ( Hauts-de-Seine)
Le 17 novembre, Théâtre André Malraux, Chevilly-Larue (Val-de-Marne). Du 21 au 24 novembre, Théâtre de la Coupe d’or, Rochefort ( Charente). Le 28 novembre, Théâtre de Cachan (Val-de-Marne).

 Du 5 au 7 décembre, Théâtre d’Angoulême/Scène nationale (Charente). Le 21 décembre, Les Passerelles, Pontault-Combault (Seine-et-Marne).

 Du 17 au 21 janvier, Théâtre Montansier, Versailles (Yvelines). Le 23 janvier, Carré Sévigné, Cesson-Sévigné (Ile-et-Vilaine). Le 26 janvier, Théâtre Roger Barat, Herblay ( Val-d’Oise). Le 28 janvier, Le Figuier Blanc, Argenteuil (Val-d’Oise)). Le 30 janvier, Le Forum/Scène nationale de  Flers (Orne).

Les 1er et 2 février, Le Tangram/Scène nationale, Evreux (Eure). Du 8 au 11 février,Théâtre Jean Arp, Clamart (Hauts-de-Seine). Les 13 et 14 février, Scènes du Golfe, Vannes (Morbihan). Du 19 au 22 février, Le Quai, Centre Dramatique National d’Angers. Et le 9 mars, Théâtre du Blanc-Mesnil ( Seine-Saint-Denis).

Les 13 et 14 mars, Carré Magique, Lannion ( Côtes d’Armor)). Le 17 mars, Théâtre des Bergeries, Noisy-le-Sec ( Seine-Saint-Denis)). Le 20 mars, Théâtre Edwige Feuillère, Vesoul ( Territoire de Belfort))  et le 23 mars, L’Orange bleue, Aubonne (Val-d’Oise).

 

 

Rivages, texte et mise en scène de Rachid Akbal,

 

Rivages, texte et mise en scène de Rachid Akbal, création musicale de Clément Roussillat

 Rivages@Jobard-web600Rachid Akbal installé à Colombes (Hauts-de-Seine) depuis des années, a partagé les aventures des compagnies Oposito  et Annibal et ses éléphants.  Il écrit des histoires vécues pendant la guerre d’Algérie (Baba la France en 2004, Alger Terminal 2 en 2009) et sur les récentes révolutions arabes avec Samedi la révolution en 2012.

Sept magnifiques comédiens nous font vivre ici cette tragédie occultée par l’égoïsme de notre Occident pillard… et repu: «Tu peux toujours construire un mur plus haut. Nous sommes du nord de l’ouest, de l’est, du sud, j’arrive. Il faut plusieurs chemins pour aller quelque part (…) Tu peux toujours construire un mur plus haut, j’trouverai la fissure, rien n’arrête l’eau ! ».

Sur le plateau, une mer de vêtements abandonnés sur le rivage par le reflux de la mer qu’a imaginée la scénographe Blandine Vieillot « Nous sommes la part invisible de votre existence ! dit Hatem, et  à quarante ans,  j’ai fusionné avec la mer, avec la plage, avec l’air, avec tout ce qui existe, c’est à dire que je ramassais tout ce qui venait de la mer, les objets rejetés par la mer, amenés par la providence, offerts par l’autre, offerts aussi par le rayon de soleil, tous les objets insignifiants étaient importants pour moi. Il y en avait des milliers, des milliers de bouteilles, des cordes, des planches, tout ce que tu peux imaginer venait de la mer.(…) Les disparus, je les appelle tous Memdu ».

« Du Nord,  de l’Ouest, de l’Est, du Sud, j’arrive. Il faut plusieurs chemins pour aller quelque part (…) Tu peux toujours construire un mur plus haut, j’trouverai la fissure, rien n’arrête l’eau ! »: nous sommes saisis par cette épopée musicale brossée par ceux qui ont partagé cette réflexion depuis 2014 avec une réécriture de l’Odyssée.

Edith Rappoport

Le 14 février, L’Avant Seine/Théâtre de Colombes  (Hauts-de-Seine).
Le 16 février à l’Espace 1789 à Villeneuve-la-Garenne (Hauts-de-Seine).
Le 22 mars à Gare au Théâtre à Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne)
Le 18 avril à Tropiques Atrium-Scène Nationale de la Martinique.

Les Bijoux de pacotille, de Céline Millat-Baumgartner, mise en scène de Pauline Bureau

 

Les Bijoux de pacotille  de Céline Millat-Baumgartner, mise en scène de Pauline Bureau

©Pierre Grosbois

©Pierre Grosbois

Le 19 juin 1985, à 3h30 du matin, une voiture fait une sortie de route à l’entrée d’un tunnel à Saint-Germain-en-Laye près de Paris. Les pompiers trouveront les corps carbonisés d’un homme et d’une femme… Et juste une boucle d’oreille en forme de fleur, et deux bracelets en métal, noircis par le feu, des bijoux de pacotille qui seront restitués à la famille. Les enfants n’assisteront pas à l’enterrement de leurs parents, et  seront  élevés par une de leurs tantes.

Céline Milliat-Baumgartner entreprend avec ce texte, un travail de mémoire avec les objets et photos qu’elle possède, pour dresser le portrait de ses père et mère disparus, quand elle avait neuf ans. Lui, souvent absent pour son travail et elle, une actrice que l’on voit embrasser Gérard Depardieu dans un film de François Truffaut. L’auteure fait le récit d’une enfance presque normale mais… sans parents. Ce roman autobiographique, interprété ici par  son auteure, est, sous des apparences ludiques, profondément émouvant. Sur un plateau nu, surmonté d’un grand miroir, une petite fille se promène, d’abord silencieuse, et plonge dans ses souvenirs : « J’ai une multitude de photos de ma mère (..) , je tourne en rond dans mon lit (…), je réveille mon frère ».

L’actrice nous fait entendre le récit de son grand-père qui apprend à Colmar,  la mort brutale de sa fille et de son gendre, et qui a dû aller à Paris pour reconnaître leurs corps. Mais il n’en dira rien à ses petits-enfants. Céline Milliat-Baumgartner enlève ses chaussures, se promène pieds nus, ouvre le grand carton et  y prend des chaussons de danse; elle les enfile et esquisse quelques pas… « Les bijoux, c’est tout ce qui reste de cette nuit-là ! ». Le grand-père a pu identifier le corps de sa fille atrocement brûlée grâce à ses bijoux… Cette histoire vraie, racontée ici de façon très pudique sous les belles lumières de Bruno Brinas, nous a bouleversé.

Edith Rappoport

Théâtre Romain Rolland, 18 Rue Eugène Varlin,  Villejuif (Val-de-Marne). T. : 01 49 58 17 00, jusqu’au 18 novembre.
Scène nationale du Pays de Montbéliard, le 21 novembre. Théâtre du Merlan à Marseille, les 30 novembre et 1er décembre.

Théâtre Paris-Villette, 211 avenue Jean Jaurès, Paris XIXème, du 16 au 20 janvier.
Le Bateau-feu, Scène nationale de Dunkerque, les 22 et 23 février  et Théâtre du Rond-Point, Paris du 6 au 31 mars.
Théâtre de Chelles, le 6 avril.

Le texte de la pièce est publié aux éditions Arléa.

 

 

Le Funambule de Jean Genet, mise en scène de Zoi Manda

 23561383_1976256919314921_5454163494637938935_n

Le Funambule de Jean Genet,traduction de Michele Valley et Zoi Manda,  mise en scène de Zoi Manda

 Le théâtre de Jean Genet (1910-1986) avec une poétique et une portée sociale, témoignent de son expérience : condition pénitentiaire, prostitution, racisme contre les Noirs, les femmes et les colonisés. Et selon l’écrivain, « un peu politique »,  dans le sens où  ses pièces «abordent les situations sociales qui provoquent une politique» : tel est  l’axe de ses pièces. Par la suite, le théoricien de l’art et homme d’action révolutionnaire, nous emmènera aussi du côté de ses découvertes artistiques et sociales .

Le Funambule, publié en 1958, nous fait découvrir cet écrivain avec ses déchirements et son ascèse, dans une marche vers la perfection. Quatre heures à Chatila, un article écrit après les massacres de 1982, laisse apparaître un nouveau langage, celui d’un véritable engagement politique où  s’associent révolte, passion, mort et régénération. Dix ans avant 1968, et la révolution des étudiants en France, à Prague et avant d’autres mouvements libérateurs un peu partout dans le monde, Jean Genet définit le rôle de l’artiste dans L’Atelier de Giacometti, Ce qui est resté d’un Rembrandt déchiré et Le Funambule…  Fasciné par ces arts de l’espace, sculpture, peinture et funambulisme qui donnent forme à l’informe, avec une visualisation de l’image intérieure, en s’éloignant des faux-semblants. Le personnage du funambule permet à l’écrivain de donner une réalité sensible à ce qui n’était qu’absence, et en arrive même à la transcendance, puisque, pour lui, sur le fil, il danse pour Dieu, somme de toutes les possibilités.

Jean Genet,  avec des mots, élabore le statut de l’artiste : androgyne, être parfait, tantôt dominé et tantôt dominant, à la fois « gibier et chasseur,  qui travaille dans une solitude mortelle cachant une blessure secrète. Le funambule, au costume rouge et doré et au maquillage excessif, représente le Monstre, figure singulière du cirque, remontée des époques diluviennes. Il suit une étape initiatique dans la solitude, exempté de toute prétention, et ce rite de passage lui permettra d’accéder à une contrée fabuleuse. Le funambule incarne pour Jean Genet, l’acteur parfait, la «surmarionette », qu’il voulait créer pour le spectacle explosif dont il rêvait. Charles Baudelaire, Arthur Rimbaud et Gérard de Nerval avaient déjà exprimé cette idée de l’artiste solitaire, mais ce qui est nouveau, avec Jean Genet: l’idée que le funambule se cache dans le déshérité, la clocharde, pour rendre plus extraordinaire sa métamorphose en artiste étincelant. Un personnage qui représente toute l’humanité, dominants, dominés et exclus.

Zoi Manda a construit son spectacle avec un matériel élémentaire-mais essentiel-qui renforce la corporalité et le symbole : une corde, signe des oppositions traitées dans le texte, domine la scénographie, et qui, grâce à des projections vidéo, contribue à un dialogue avec le corps des acteurs. Lefteris Papakostas et Vallia Papachristou incarnent la personnalité de l’artiste  et son idéologie. Dans un décor semé de figures géométriques soulignant la trajectoire des instantanés, espace et lumière changent continuellement pour tracer les lignes de démarcation d’un itinéraire où l’auteur jongle avec le réel et l’imaginaire, le vrai et le faux, le secret et le mensonge, la vie et la mort.

 Nektarios-Georgios Konstantinidis

 Théâtre Argo, 15, rue Elefsinion, Metaxourghio, Athènes. T. :  0030 210 52 01 684.

 Image de prévisualisation YouTube

DAROU L ISLAM |
ENSEMBLE ET DROIT |
Faut-il considérer internet... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Le blogue a Voliere
| Cévennes : Chantiers 2013
| Centenaire de l'Ecole Privé...