Notre Carmen d’après Georges Bizet, mise en scène de Franziska Kronfoth

 

Notre Carmen d’après Georges Bizet, par le collectif Hauen und stechen, mise en scène de Franziska Kronfoth

« Notre objectif, dit ce collectif berlinois, est de rajeunir le public de l’opéra et de demeurer un laboratoire performatif dans ce genre musical ! » Depuis 2012, il développe donc un théâtre musical qui entend dépasser les limites traditionnelles du genre. « Notre Carmen est un affront, elle devient monstrueuse, et ne croit plus à une liberté promise quelle qu’elle soit, mais exige une libération de cette implacable idéologie, qui sait même pervertir tout refus. Experte en travestissement, géante ébouriffée, ou vieille malodorante, notre Carmen développe des stratégies inédites et paie pour son audace effrontée, le prix de l’exclusion sociale. Elle n’est d’aucune fête, et n’est pas invitée. »

Les acteurs entrent derrière un porteur de lanterne qui présente les musiciens au fond du plateau, le chef d’orchestre a des oreilles de lapin, on voit une marche de personnages en noir et blanc vers la fabrique de tabac, des projections vidéo inondées de fumée, et une course en sac… «L’argent comme le tabac détruit le monde!» C’est, si on a bien compris  une sorte de déconstruction programmée de l’opéra de Georges Bizet et en plus des extraits directement diffusés sur scène, le collectif s’est aussi inspiré  de  Prénom Carmen de Jean-Luc Godard.

Le  rôle principal est interprété par différents acteurs et actrices : «Il s’agit d’exploser et d’exagérer à la fois cette image paradigmatique de la femme dans l’opéra » On veut bien mais on erre à la recherche de Carmen dont on parvient à retrouver des bribes dans la deuxième partie ! Mais entre temps la salle de l’Athénée s’est vidée de plus de la moitié du public après un entracte bienvenu.

Étrange spectacle ! Franziska Kronfoth la metteuse en scène et Julia Lwowski chorégraphe ont étudié la mise en scène d’opéra à l’école Hanns Eisler de Berlin, mais on a bien du mal à saisir le fil de ce spectacle déroutant …

 Edith Rappoport

Le spectacle s’est joué au Théâtre de l’Athénée, du 13  au 19 novembre. T : 01 53 05 19 19.

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Archive pour 20 novembre, 2017

Ateliers d’élèves du Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique

 

250px-Theatre_du_Conservatoire_Paris_CNSADAteliers d’élèves  du Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique

 On a pu voir cette semaine les élèves de troisième année dans un texte  de Laurent Gaudé, écrit  spécialement pour eux et dans Les Trois Sœurs d’Anton Tchekhov. Une manière d’explorer plusieurs facettes de leur travail.

b076341f-d760-4268-b881-67a0ed50d08e Et les Colosses tomberont de Laurent Gaudé, mise en scène de Jean-Louis Martinelli

 Colosses aux pieds d’argile, les dictatures arabes ont été balayées par la vindicte populaire. « Qu’est-ce qui transforme une foule, en peuple ? », s’interroge l’auteur. Misant sur l’énergie des quinze jeunes acteurs, il leur a proposé un travail sur le thème de la Révolution : « Pour parler de cet élan, de cet appétit, de cette irrévérence tantôt joueuse, tantôt enragée de la jeunesse ». Le propos s’est vite resserré sur les printemps arabes, partis de la révolte tunisienne, et a pris la forme d’un récit collectif à voix multiples.

Jean-Louis Martinelli a construit un spectacle choral, où chacun prend la parole et existe aussi sur scène parmi une foule de personnages. Avec des costumes homogènes, mais légèrement différents les uns des autres qui vont aussi dans le sens d’une recherche sur la notion de collectivité. L’intérêt de solliciter des auteurs vivants est d’obtenir des textes sur mesure qui traitent de  thèmes en prise avec la réalité contemporaine et de réfléchir sur notre aujourd’hui. Les comédiens, très impliqués, se sont lancés dans cette aventure avec une grande maîtrise vocale et corporelle. L’auteur définit l’enjeu premier de ce travail : «Comment exister pleinement sur scène, comment inventer sa présence individuelle,  tout en étant une foule ? »

En évitant de développer des egos surdimensionnés, Jean-Louis Martinelli fait exister chaque personnalité avec une juste distance au public mais aussi entre chacun des interprètes. Quelques discours importés dans la pièce, comme celui de Louise Michel Aux citoyens de Paris, ou celui de La Boétie, Sur la Servitude volontaire, élargissent le propos et donnent l’occasion aux comédiens d’étoffer leur rôle. Mais, malgré une interprétation intelligente et habile, cela allonge inutilement le spectacle qui s’éternise. En intermède, The Times they’re a changing, une chanson de Bob Dylan offre, elle, une respiration et l’occasion de montrer les talents musicaux des jeunes acteurs.

63990993-91a4-48e9-9d9a-d35f86c3586a Les Trois Sœurs (Presque tout) d’Anton Tchekhov, mise en scène de Claire Lasne-Darcueil, accompagnée d’Anne Sée et d’Emmanuelle Wion

 Encore Les Trois Sœurs, dira-t-on! (voir Le Théâtre du Blog)  Mais ici, la pièce trouve une belle énergie, dans une version allégée  et avec une scénographie minimale:  sur un plateau nu, à jardin, un grand piano aux musiques porteuses d’ambiances. Quelques personnages comme Protopopov, Saliony, des serviteurs, ont été supprimés pour des questions de distribution. Pour les mêmes raisons, les trois sœurs sont dédoublées, avec une habile passage de relais après l’incendie. «À l’acte III, ce qui couvait, se met à brûler, ils sont tous en situation de crise, et ensuite, restent des ruines. », écrivait Alain Françon, quand il a monté la pièce.  Alors que tout bascule, le temps qui a passé sur les demoiselles, se concrétise ici par un changement de comédiennes : «Cette nuit, j’ai vieilli de dix ans », dit Olga.

  La pièce dans cette adaptation en deux petites heures, effectuée sous la supervision d’André Markowicz, auteur, avec Françoise Morvan de la traduction française, se resserre sur l’entourage immédiat des protagonistes, et gagne en énergie et en clarté. L’intrigue se développe sur quatre ans, et, pour symboliser le passage des saisons , des pétales de fleurs, la neige, des feuilles mortes tombent des cintres, offrant de belles atmosphères soulignées par Thomas Lavoine, au piano. D’un acte à l’autre, l’ensemble de la troupe se lance dans de gracieux intermèdes dansés.

 Dans cet espace épuré, les comédiens  jouent avec une grande justesse. Claire Lasne-Darcueil a privilégié les contacts physiques entre les personnages. Au début de l’acte l, Olga, Irina et Macha entrent en scène dans une étroite accolade et resteront longtemps groupées. Elles ne font qu’un,  avant d’exprimer leur individualité. Les , embrassades sont fréquentes, et ce travail corporel permet aux élèves d’exprimer d’abord la légèreté des premières séquences, puis, au fur et à mesure, les désillusions des trois sœurs  qui attendant l’amour, et le mal-être de leurs proches qui végètent dans ce trou de province,. Espoirs déçus, jeunesse envolée, mariages ratés ! Reste le travail…  Anton Tchekhov (1864-1904) évoque la détresse de la bourgeoisie russe de la fin du XIX ème siècle, et la clairvoyance de ses héroïnes, que nous transmettent les six comédiennes, semble annonciatrice des révolutions à venir : « Une tempête se prépare, elle balayera la paresse, dans trente ans tout au plus, chaque homme travaillera », dit l’un des personnages. « Il faut travailler, travailler », répète Irina, quand s’éteignent ses rêves de jeune fille…

 Rien de pesant ici, malgré une certaine amertume : « Je suis resté en arrière comme un vieil oiseau migrateur qui ne peut plus voler », philosophe le vieux docteur.  « Une vie manquée », dit Macha, quand son amant Verchinine s’en va. La direction d’acteurs et la dramaturgie mettent en valeur les principaux enjeux de la pièce et permettent d’apprécier le beau potentiel de ces apprentis-comédiens. Mais dommage ! Il y a eu seulement quatre représentations…

 Mireille Davidovici

Ateliers d’élèves du 15 au 18 novembre au Conservatoire national supérieur d’art dramatique, 2 bis rue du Conservatoire, Paris IXème T. : 01 42 46 12 91.

 

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