La Vita ferma (La Vie suspendue), texte et mise en scène de Lucia Calamaro

 

La Vita ferma (La Vie suspendue), texte et mise en scène de Lucia Calamaro, traduction française de Federica Martucci, (spectacle en italien, surtitré en français)

photo : Lucia Baldini

photo : Lucia Baldini

 Les défunts-les nôtres, les proches et les êtres chers  pour nous, ne meurent jamais : physiquement absents, ils n’en restent pas moins présents mentalement. L’auteure, metteure en scène et scénographe italienne évoque avec délicatesse, un léger sourire et une belle sensibilité, la dimension existentielle de cette «vie suspendue» des morts, soit «leur façon d’exister en nous et en dehors de nous».

 La pièce, avec une perspective temporelle nous montre l’intérieur de la vie d’un couple, Simona et Riccardo, et de leur fille Alice, comme si la première, défunte, revenait auprès des siens, ressuscitée. Le temps s’est fracturé depuis la mort de leur mère, en un avant et un après. Douleur et souvenir, sentiment de la perte et de l’abandon d’une aventure humaine et terrestre entamée, prolongée naturellement, puis arrêtée avec brutalité. L’histoire débute avec le bouleversement post-mortem des repères habituels et le déménagement de lieux habités  au quotidien jusqu’au décès de Simona. Avec un comique réconfortant et des jeux d’esprit stimulants, Riccardo fume une cigarette au balcon, puis entasse, à l’intérieur de ce qui fut un foyer à tous les trois, les cartons vides pour une délocalisation prochaine, tout en conversant et en plaisantant avec Simona, très présente. Il raconte comment il range encore les robes à fleurs de cette femme à côté de ses costumes gris, côté printemps ou côté hiver à l’intérieur de l’armoire parentale. La vie reprend ses droits, avec toute la présence de la disparue :voix, gestes, silhouette.

 Les livres entièrement lus ou presque, ceux de Fiodor Dostoïevski, Michel de Certeau et Paul Ricœur, empreints de questions spirituelles et chrétiennes, sont inventoriés, puis négligemment déposés sur la table de nuit de la défunte. Et Riccardo de se moquer des prétentions intellectuelles et philosophiques de Simona en réalité peu intéressée à cela, mais investie par la fulgurance absolue d’un moi intérieur aux interrogations persistantes. Avec grâce et légèreté, les figures meurtries, ici convoquées, ont une présence sensuelle et ludique, et assurent les rôles des vivants et des morts. Avec humour, désir instinctif du jeu et besoin de parler, bouger et danser, Riccardo Goretti, Alice Redini et Simona Senzacqua incarnent de belles personnes qui s’affrontent, se rapprochent, se séparent, mais s’avouent aussi leur amour. Simona porte un seau de cailloux dorés et argentés qu’elle verse sur la scène, en une pluie d’étoiles scintillant dans l’espace mystérieux, tel un firmament inversé, car la vie est partout, ici et au-delà, dans l’infini de l’univers.

 Les adresses au public donnent à ce théâtre chaleur et proximité, à la manière du cinéma de Nanni Moretti aux confidences badines. Avec des conversations à bâtons rompus, entre bavardages frivoles et questions politiques. La crainte angoissée de la mort de l’autre, le pressentiment de son absence définitive repose sur l’égoïsme, et sur une aventure conçue comme un destin. L’idée inconfortable de la mort berce l’être, entre le prix de sa vie à lui et celle des autres, obligeant à rectifier toujours la compréhension du sens d’être au monde. Le sentiment existentiel participe d’une inquiétude qui ne nous laisse jamais en repos. « Au début, quand tu penses à un mort, rien que de l’évoquer, c’est déjà le pleurer, et déjà le désespoir, déjà une tentative de le rejoindre par la voie intraveineuse de la souffrance. Partant de là, de ta douleur, toi aussi, tu es près d’eux, pour presque quelque temps, tu es un presque vivant. Et puis un jour : rien. », dit Alice à Riccardo.

Lucia Calamaro a choisi de faire théâtre de l’existence entière pour la révéler davantage avec  une fraîcheur et un désir de vivre, en dépit des accidents de parcours. Les vivants et les morts se mêlent et se croisent dans une fresque animée,  avec la grâce des souvenirs, une mémoire éclairée qui étaye sans fin l’imaginaire. Les vivants retrouvent leur  respiration après les brusqueries et les douleurs infligées.

 Véronique Hotte

Odéon-Théâtre aux Ateliers Berthier 1 Rue André Suarès, Paris XVIIème. T: 01 44 85 40 40. (Festival d’Automne à Paris), jusqu’au 15 novembre.

 La pièce est éditée chez Actes-Sud Papiers.

 


Archive pour novembre, 2017

Festen, mise en scène de Cyril Teste

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Festen, mise en scène de Cyril Teste, d’après Festen, un film de Thomas Vinterberg, co-scénariste Mogens Rukov, adaptation de  Bo Hr. Hansen, traduction française de  Daniel Benoin

 

«Quand on fête ses soixante ans, on n’a plus vraiment de projet (…) On peut regarder en arrière (…) On peut être fier de sa famille. (…).  » Dans le noir, on entend la voix du père qui nous convie à un banquet en son honneur. A la fin, on verra qu’il aura été servi… mais pas comme il l’entendait ! Le rideau s’ouvre sur une immense pièce où trône une longue table nappée de blanc ornée de bouquets de fleurs. Les domestiques s’affairent et les convives arrivent, suivis par une caméra, entre la cuisine où se prépare le repas d’anniversaire, le vestibule où l’on pose son manteau, et la grande salle à manger-salon. Avec allers et venues des personnages dans des plans-séquences et gros plans en alternance, projetés sur un écran au centre.

La caméra s’attarde, au dessus du piano, sur l’étrange scène bucolique du tableau de Jean-Baptiste Camille Corot (1796- 1877), Orphée ramenant Eurydice des enfers. Ce sera aussi la dernière image du spectacle. Toute une ambiance… Ici l’Enfer s’apparente à ce repas de famille où, en pleines festivités, Christian, le fils aîné, va faire tomber les masques, et dévoiler au grand jour les crimes d’un père incestueux qu’il tient pour responsable du suicide de Linda, sa sœur jumelle. Pour Thomas Vinterberg, «Festen établit un lien entre la montée du fascisme dans un pays et la pression du mensonge structurant tous les membres de cette famille ».

 Mais ce drame familial jusque là bien caché et brutalement mis à nu est aussi une histoire de fantôme, d’un lieu hanté par les démons du passé et par une soeur Linda qui a laissé derrière elle une lettre expliquant son geste et corroborant les révélations de Christian, d’abord fermement démenties par ses parents. La jeune fille, de temps en temps apparaît sur l’écran, vue du seul Christian et, bien sûr, du public, par le truchement de séquences préenregistrées, les seules du spectacle.

 La scénographie de Valérie Grall permet au chef-opérateur de se transporter dans tous les espaces de cet hôtel particulier cossu : le spectateur devient ainsi voyeur et découvre l’envers d’un décor d’apparat, jusque dans les chambres, où l’on débusque des scènes intimes entre les personnages… et les secrets, nombreux, qui pèsent sur la famille. Ce sont les coulisses de la fête, analogues à celles du théâtre, en attente de l’action principale.

 Après le remarquable Nobody (voir Le Théâtre du Blog), Cyril Teste avec cette nouvelle  «performance filmique», s’empare de l’un des deux premiers films-culte labellisés Dogme95 : Festen de Thomas Vinterberg (1998) avec Les Idiots (Idioterne) de Lars von Trier, les instigateurs de ce mouvement. Premier-nés de la Nouvelle Vague danoise dont l’esthétique participe d’une sobriété formelle, avec tournage,  caméra à l’épaule, en son direct, et enregistrant sans artifices, des situations brutes. Leurs auteurs adoptent un style vif, nerveux, brutal et réaliste.

 Comme Lars von Trier et Thomas Vinterberg, Cyril Teste, le directeur artistique du collectif MxM,  s’est lui aussi donné des règles strictes :  “cette performance filmique  doit être tournée, montée et réalisée en direct sous les yeux du public. Musique et son doivent ainsi être mixés en temps réel, et les images pré-enregistrées ne doivent pas dépasser cinq minutes et sont utilisées pour des raisons pratiques (…) »

Homme de théâtre autant qu’artiste plasticien, Cyril Teste, revisite sur un plateau qui devient à la fois scène et studio de cinéma, la théâtralité d’une réception, en trois chapitres. Il tient bien son spectacle et nous offre une plongée d’une heure cinquante dans un univers dramatique et plastique où théâtre et cinéma cohabitent dans la plus grande complémentarité.  Avec un travail méticuleux de tournage et montage en direct, réalisé par une habile équipe. Seize excellents comédiens jouent magistralement le jeu, pour la caméra comme pour la salle. Le film, par écran interposé, et avec une sonorisation constante, opère une distance entre public et acteurs, une  «déréalisation»,  comme si  manquait parfois la présence réelle des corps et les voix. Quelques spectateurs sont invités chaque soir à partager le repas cuisiné, servi et dégusté le temps de la représentation, mais cela ne nous inclut pas pour autant dans le vif.

Il faut saluer ici un remarquable travail d’équipe, cohérent et très bien réglé : il aura fallu deux ans au metteur en scène pour élaborer ce projet. Le collectif MxM confirme ici sa capacité d’invention et la beauté formelle de ses réalisations. Le public a réservé à ce brillant exercice de style, un accueil enthousiaste. Ne le manquez pas…

 

Mireille Davidovici

Spectacle créé du 7 au 10 novembre à Bonlieu, Scène nationale d’Annecy.

Du 24 novembre au 21 décembre, Odéon-Théâtre de l’Europe, Paris.

Du 10 au 12 janvier, Le Quai, Centre Dramatique National d’Angers-Pays de la Loire. Du 23 au 27 janvier, MC2 de Grenoble .
 Le 11 février, Théâtre du Nord, Centre Dramatique National de Lille-Tourcoing-Hauts de France. Du  20 au 24 février, Théâtre National de Bretagne, Rennes.
Les 8 et 9 mars, Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines ; le 15 et 16 mars, Le Liberté, Toulon; les 20 et 21 mars, Comédie de Valence ; les  29 et 30 mars, Le Parvis, Tarbes.
Les 3 et 4 avril, Théâtre de Cornouaille,Quimper; du 10 au 13 avril, Comédie de Reims ; les 17 et 18 avril, Equinoxe, Châteauroux; du 24 au 26 avril, TAP, Scène nationale de Poitiers.
Du 12 au 16 juin, Les Célestins, Théâtre de Lyon.

Amour, conception et mise en scène de Guillaume Barbot.

Amour, conception et mise en scène de Guillaume Barbot.

Que signifie « amour », aujourd’hui ? Ce spectacle ambitieux résulte d’un an d’enquêtes et recherches sur le sens de ce mot. Des artistes, musiciens, comédiens et danseurs répondent en toute liberté à la question. Une heure avant, et une heure après le spectacle, le public est invité à  parler sur ce thème avec les comédiens, pendant quatre minutes dans de petites cabines intimes ou autour d’une table, ou au Foyer du théâtre.

compagnie-coup-de-poker-685x1030Cela rappelle Les Chambres d’amour, un spectacle du Théâtre de l’Unité  où  on  vous chuchotait un poème à l’oreille dans des chambres d’hôtel, (voir Le Théâtre du Blog).  Le décor ressemble à une salle de bal qui aurait été colonisée par la nature : des touffes d’herbe sortent du tapis de danse, «comme si la nature reprenait ses droits», dit le metteur en scène.
Le spectacle se compose de textes d’Alain Badiou, Roland Barthes, Charb…, de questionnements personnels des artistes, et de réflexions recueillies auprès du public. Des variations chantées, dansées ou jouées, évoluant d’une  représentation à l’autre, en fonction du retour du public. Avec quatre témoignages vidéo, très puissants, dont ceux de deux jeunes enfants, et celui d’une veuve qui vécut cinquante ans d’un amour unique, avec son défunt  mari. Mariko Aoyama, une ancienne danseuse de Pina Bausch et ses partenaires nous font vivre des moments d’amour éphémères.

Il ne s’agit pas ici de peindre un tableau exhaustif autour du thème universel de l’amour, mais de se laisser porter par des récits intimes. «Je n’ai gardé pour cette pièce, dit  Guillaume Barbot, que des choses politiquement naïves et tendres. »

Jean Couturier

Théâtre de la Cité Internationale, boulevard Jourdan Paris XIVème, jusqu’au 20 novembre.

D.Quixote, chorégraphie d’Andrès Martin

 

D.Quixote, chorégraphie d’Andrès Martin

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©Jean Couturier

Une danse flamenco déclinée sous toutes ses formes: Andrès Martin-maillot de foot noir et rouge au numéro 10- porte le casque du héros de Cervantes. Plus tard, il revêt une armure sonorisée, que les partenaires frappent de leurs pieds. Ici, le flamenco se danse avec cape brodée de pièces métalliques, short de boxe, combinaison d’escrimeur,  tenue de jouer de  foot. Toutes les excentricités sont permises, comme cette  délirante performance  avec des chaussures à crampons difficile à réaliser…

Les tableaux se succèdent à un bon rythme, et les artistes enchaînent entrées et sorties avec fluidité. Certaines séquences, surtout vers la fin, paraissent peu lisibles et moins abouties, comme une évocation de James Bond ou un combat d’escrimeurs. Malgré ces réserves, ce spectacle est à voir pour sa folie joyeuse : une bonne introduction à ces journées d’art flamenco, riches en découvertes potentielles, et qui vont envahir tous les espaces de Chaillot.

 Jean Couturier

 Théâtre National de la Danse de Chaillot, 1 Place du Trocadéro, Paris XVI ème, du 7 au 10 novembre.

                

Cyrano de Bergerac, d’Edmond Rostand, mise en scène de Jean Liermier

 

Cyrano de Bergerac, d’Edmond Rostand,  mise en scène de Jean Liermier

photo de répétition©Mario Del Curto

photo de répétition©Mario Del Curto

Une cape, un chapeau, et un nez ? Cyrano de Bergerac ! L’une des figures les plus populaires du théâtre français et le chef d’œuvre d’Edmond Rostand (1868-1918) à la renommée internationale. Hymne à l’amour, à la liberté et au théâtre, cette comédie héroïque en cinq actes et en vers est proche d’un opéra par la musicalité de la langue et avec des personnages-type. Jean Liermier, directeur du théâtre de Carouge à Genève, s’en empare,  en donnant à Gilles Privat le rôle-titre.

Cyrano de Bergerac, bretteur invincible et poète, aime éperdument sa cousine Roxane. Hélas, Cyrano est laid. La nature l’a doté d’un nez monstrueux. Amour sans espoir : le coeur de la jeune fille bat pour le beau Christian de Neuvillette. En homme libre, sincère et solitaire,  il n’abandonnera pas sa bien-aimée, encore moins la poésie et l’art, et sera le porte-parole de Christian, incapable, lui, d’exprimer l’ardeur de ses sentiments. Ils vont donc conclure un pacte-d’amour-pourrait-on dire-. Cyrano invente, écrit et dit, par procuration, les mots doux. Et, après la mort de Christian au siège d’Arras, Cyrano taira, profondément mélancolique mais plein d’humour, ce secret et il jouera pendant quatorze ans, le rôle du «vieil ami qui vient pour être drôle».  A la fois, mousquetaire et clown blanc…

Edmond Rostand a vingt-neuf ans en 1897, et le 27 septembre, la première de Cyrano de Bergerac au Théâtre de la Porte Saint-Martin est un triomphe inespéré, avec Constant Coquelin (1841-1909), qui joua le rôle-titre jusqu’à sa mort, soit 950 fois ! L’action se situe en 1640 mais  Jean Liermier l’a située pendant la première guerre mondiale. Edmond Rostand est mort, le 2 décembre 1918: coïncidence… Excepté ce changement d’époque, le metteur en scène est resté fidèle à l’œuvre, et le spectacle pour le grand bonheur du public -à partir de douze ans- laisse jaillir avec agilité tous les artifices du théâtre, un des points forts de la pièce.

Dès le premier acte, nous sommes en présence du  » théâtre dans le théâtre », avec une représentation de La Clorise de Balthazar Baro où Le comédien Montfleury apparaît, remarquable de drôlerie;  grassouillet et joufflu, suspendu aux cintres comme un ange grotesque, il déclame son monologue. Une séquence guignolesque, interrompue par Cyrano, magnifique de prestance, dévalant les escaliers du fond de la salle. Une bonne utilisation (mais rare aujourd’hui) de la salle et des acteurs intervenant hors scène.

Après cette entrée fracassante de Cyrano, le rythme ne faiblira pas pendant trois heures. Le héros, virtuose de la langue poétique, ne cesse de jouer sa propre vie, comme un comédien en perpétuelle représentation. Mais, sous les ornements et derrière le masque, se cache la vérité : généreux, indépendant, et d’une grande intelligence, Cyrano souffre d’amour et de solitude. La cause : son nez disgracieux. De cette fatalité, en homme libre,  il va faire son destin, tel un héros tragique. Celui-ci, n’est pas contrairement à l’opinion courante, le jouet de la fatalité. La poésie, la noblesse de la langue mais aussi l’humour viennent à son secours. Sinon, comment aurait-il pu écrire tous ces messages d’amour ! L’art et l’écriture sont ses seules armes pour donner vie à cette passion ! Et faire triompher l’âme sur l’apparence et la folie.

La scénographie de Rudy Sabounghi, et la lumière de Jean-Philippe Roy donnent une couleur et une ambiance parfois étrangement proches des dessins de Jacques Tardi. Sans rien ôter au pittoresque et au comique de la pièce, le tragique se glisse ici de façon sous-jacente et progressive. Quiconque, pour Jean Liermier, dans sa lecture du personnage, adulte ou enfant, croisant Cyrano, doit se mettre à pleurer ou prendre ses jambes à son cou à la vue de son nez. Effet réussi: cet homme, ici à la fois héros et anti-héros, crée d’abord un malaise : sa laideur n’a rien de burlesque! Le metteur en scène fait allusion au nain offert en cadeau à l’Infante dans L’Anniversaire de l’Infante d’Oscar Wilde, et à l’opéra d’Alexander Zemlinsky, Le Nain, adapté de ce texte où on entend cette parole terrible prononcée à l’adresse de l’Infante par le nain à l’aspect effrayant, (ce qu’il ignore jusqu’au moment où…) : «Même si tu étais ma mort, Princesse, c’est toi que je voudrais ».

Tout est dit… L’horreur et le tragique de la solitude se retrouvent aussi chez ces soldats envoyés au front; avec le siège d’Arras à l’acte IV,  et ici, en toile de fond, la première guerre mondiale. Le metteur en scène se réfère à Paroles de poilus : Lettres et carnets du front, 1914-1918  de Jean-Pierre Guéno et Yves Laplume. « Mais cela, dit-il, n’est pas d’ordre esthétique, mais du mouvement intérieur du personnage. Je pense aux témoignages bouleversants des lettres des poilus.» Ces deux mots,  « mouvement intérieur », qualifient à eux seuls la création de Jean Liermier et le jeu de Gilles Privat. Le mouvement intérieur c’est aussi celui de la poésie, de l’âme, de l’onde créatrice.
Avec un Cyrano étincelant de théâtralité et d’humour  mais aussi tout en intériorité, délicatesse, avec juste ce qu’il faut de clownesque, et de bravoure dans les rares moments de légèreté et de pure comédie légendaire de surcroît. Loin  d’une caricature, de l’extravagance et de l’agitation  des romans de cape et d’épée ! D’un acte à l’autre, la beauté d’âme prend le pas sur celle des apparences et de la séduction du pouvoir.

Bouleversant d’émotion et d’esprit, l’immense comédien Gilles Privat aborde tous les registres dramatiques du rôle, avec exigence et sensibilité. Bravo aussi à André Schmidt, truculent à souhait dans le rôle de Ragueneau le pâtissier, à Mathieu Delmonté dans de Guiche. Mais Roxane, la jeune et gracieuse Lola Riccaboni manque d’étoffe, du moins jusqu’au siège d’Arras. Ensuite, véritable changement, elle donne corps au tempérament, à la fois romantique et capricieux, d’une jeune précieuse devenue femme, blessée par la vie, héroïque et vouée à son amour au-delà de la mort..

Jean Liermier a su brillamment mettre en lumière la face tragique mélancolique de la pièce, sans pour autant étouffer la drôlerie et l’humour qui participent aussi de la grâce de cette œuvre. Saluons, pour la grande joie du public un Cyrano de Bergerac encore et toujours, jubilatoire et attachant. Avec lui, la désobéissance a du panache !

Elisabeth Naud

Théâtre de Carouge-Atelier de Genève, 39 rue Ancienne 1227 Carouge, Genève Suisse. T : + 41 22 343 43 43, jusqu’au 1er décembre.
A partir du 13 décembre, au Théâtre de Caen, puis à la Comédie de Reims, au Théâtre de l’Olivier à Istres, à la Maison de la Culture d’Amiens, au TKM de Rennes, et à Anthea à Antibes.


D comme Deleuze d’après L’Abécédaire de Gilles Deleuze, mise en scène de Cédric Orain

 

Photo Didier Crasnault

Photo Didier Crasnault

D comme Deleuze d’après L’Abécédaire de Gilles Deleuze,  mise en scène de Cédric Orain

 Gilles Deleuze, l’un des penseurs les plus importants du XXème siècle et que  l’on appelait « le philosophe du désir »,  fut aussi un pur innovateur et un créateur de concepts. Ami de Michel Foucault, il s’interrogea beaucoup sur la différence et la répétition, termes mis à l’honneur dans le spectacle. En 1991, dans Qu’est-ce que la philosophie? en collaboration avec son fidèle partenaire, Felix Guattari , il explique que la philosophie doit être une attitude de vie, un questionnement ouvert sur le réel, et non une doxa, porteuse d’une vérité définitive. Gilles Deleuze forge des outils conceptuels à la disposition de tous, pour tenter de comprendre le monde. Star de la philosophie de son vivant, il se montra  pourtant toujours très discret dans les médias et n’accepta qu’une seule interview,  avec son ancienne élève Claire Parnet, à la condition qu’elle ne soit  diffusée qu’après sa mort. Ce long entretien où règne le tutoiement et la convivialité constitue le matériau de départ du spectacle où trois comédiens interprètent les quatre premières entrées.

  Guillaume Clayssen, en guise d’introduction, devise sur la notion de  « commencement » d’un spectacle, et introduit le concept de « cause première », une cause qui se cause elle-même et qui n’est précédée par rien. Au théâtre, se demande-t-il avec malice, quand la représentation commence-t-elle vraiment ? Quand le comédien prend la parole pour la première fois ? Quand le premier spectateur passe la porte pour s’installer ? Il évoque deux manières de commencer : la méthode dite du rideau rouge, quand le spectacle commence au lever de ce rideau (mais n’a-il pas commencé avant, pour les comédiens qui jettent souvent un œil à la salle ?) et celle, plus contemporaine, qui consiste à commencer la pièce dès l’entrée du public, avec les comédiens déjà en place sur le plateau. Olav Benestvedt, qui annotait tranquillement ses papiers, profère le nom de Deleuze et nous apprend sa signification en norvégien, et Erwan Hakyoon Larcher lui se met à bouger…

Première lettre annoncée : A comme animalité. Gilles Deleuze démontre que nous avons tendance à prêter aux animaux des sentiments humains, oubliant que la nécessité de survie les pousse à être sans cesse aux aguets. B, comme boisson, permettra d’évoquer l’ivresse et ses limites, avec l’analogie du dernier verre, celui qui fait s’écrouler celui qui le boit. C’est toute la question de l’(auto)évaluation, illustrée par l’acrobate et ses innombrables sauts par-dessus la table. C sera l’occasion d’évoquer la culture. Gilles Deleuze se disait peu cultivé, malgré une fréquentation assidue des cinémas et musées (mais guère des théâtres !) C’est pour lui : « être aux aguets de quelques chose qui se passe en moi ». Et D renvoie au désir et à la capacité de construire, d’agencer.  Ainsi qu’au parallèle entre désir et délire.

 Cédric Orain propose ici une leçon de philosophie en forme de gai-savoir, avec des véritables concepts, et si l’on ne comprend pas tout, la poésie, aux limites de l’absurde, prend le relai. En une heure dix, on cerne le personnage de Gilles Deleuze, sans s’ennuyer un instant. Cette intelligence de la langue est servie par Guillaume Clayssen en professeur qui tente de garder le cap; Olav Benestvedt apporte un peu de folie, imitant Antonin Artaud à la perfection, et Erwan Hakyoon Larcher, acrobate, insuffle la légèreté et l’élévation physique indispensable. Simple mais bien construit, enlevé et souvent drôle, et fidèle à l’esprit de Gilles Deleuze, ce spectacle donne accès à son œuvre. Il s’arrête à la lettre D, mais on peut espérer d’autres épisodes à venir !

 Julien Barsan.

 Théâtre de l’Échangeur à Bagnolet,  jusqu’au 9 novembre T. 01 43 62 71 20

 

Le Tartuffe, de Molière, mise en scène de Michel Fau

 

Le Tartuffe, de Molière, mise en scène de Michel Fau

©Marcel Hartmann

©Marcel Hartmann

Michel Fau, ici metteur et acteur dans le rôle-titre, suivit la classe de Michel Bouquet au Conservatoire National d’Art Dramatique. Comment présenter Michel Bouquet sans être réducteur devant ce monument ?  Né en 1925, sa carrière et sa passion pour son métier se confondent avec l’histoire contemporaine du théâtre.
 Parmi les acteurs les plus respectés en France, il n’avait pourtant jamais joué cette pièce de Molière. Que vient voir le public en achetant une place, jusqu’à… soixante euros, dans ce théâtre privé, inscrit aux Monuments Historiques? Un comédien mythique? Une nouvelle version baroque et  flamboyante d’une œuvre  très connue mais paradoxalement peu jouée? Un peu sans doute, tout cela à la fois …

Les comédiens qui entourent Michel Bouquet dans Orgon  et Michel Fau dans Tartuffe, sont tous excellents, en particulier Nicole Calfan, Christine Murillo et Juliette Carré, l’épouse de Michel Bouquet. Les magnifiques costumes de Christian Lacroix, (noir pour Orgon et rouge sang pour Tartuffe), la façade d’un palais baroque en perspective- scénographie d’Emmanuel Charles- qui s’ouvre pour révéler une chapelle surmontée d’une croix et les lumières de Joël Fabing, nous plongent dans une sombre farce.  «La situation du Tartuffe est extrême, dit le metteur en scène (…)  Et a pièce est violente et, à certains moments, pathétique ; elle doit donc provoquer le rire. Un rire lié à l’effroi,  et au tragique.»

Traitement de cette pièce très classique, avec des personnages bien dessinés dans une évocation de l’art baroque,  et  où domine la force du texte. «Molière a choisi le vers pour introduire davantage de précision, et s’en sert comme d’un couteau pour aller au cœur des choses.»   Dans un théâtre de la Porte Saint-Martin peuplé de fantômes : Sarah Bernhardt y fut pensionnaire pendant dix  ans, dès 1883, et Edmond Rostand y créa Cyrano de Bergerac en 1897.  Ils protègent sans doute les artistes qui jouent ici avec un bel esprit de troupe. Un Tartuffe  très actuel, et qui témoigne de la puissance de Molière, servi ici avec modestie par  Michel Bouquet. «Après, lorsque l’on parle, comme le fait la pièce, d’intégrisme religieux, on ne peut s’empêcher de penser à aujourd’hui», souligne Michel Fau.

Allez voir cette pièce, même aux places très en hauteur, réputées sans visibilité mais à treize euros. Pas gênant puisque l’action se déroule  presque toujours à l’avant-scène. «Enfants du paradis» du XXIème siècle, vous garderez ces deux heures longtemps gravées dans votre mémoire. Aux saluts, on découvre l’émotion de Michel Fau qui a entraîné la troupe dans une belle aventure théâtrale, et la fragilité de Michel Bouquet qui admire  Louis Jouvet,  dont il pourrait revendiquer cette phrase : «Le talent, ce n’est pas bien compliqué, c’est fait d’énergie, de persévérance et d’application. Il vaut mieux acquérir des dons, que les avoir, en naissant. Nous avons tous autant de talent les uns que les autres. Ce qui nous différencie, c’est une persévérance dans un certain sens, persévérance qui finit toujours par être récompensée un jour ou l’autre» Une  grande qualité que ce comédien décline depuis plus de soixante-dix ans…

Jean Couturier

Théâtre de la Porte Saint-Martin, 18 boulevard Saint-Martin, Paris Xème. T: 01 42 08 00 32, jusqu’au 31 décembre.  

 

De quelques considérations sur les tarifs des spectacles

 

De quelques considérations sur les tarifs des spectacles

 OHtix2Nombreux sont nos lecteurs qui nous demandent ce que nous pensons des tarifs des spectacles, à Paris et en province. Tentons d’y voir plus clair avec quelques exemples. Dans notre capitale chérie, la moyenne des prix tourne autour de 30 €, mais dès qu’il y a un spectacle de cirque donc plus coûteux, comme entre autres chez Zingaro, que c’est une comédie musicale, ou qu’il vient de l’étranger, ou qu’il y a une vedette, ou que c’est un spectacle hors programmation habituelle, ou encore que c’est-vieille et sale habitude-Noël ou le 31 décembre surtout dans les théâtre privés et même chez Zingaro!- les prix peuvent vite s’envoler… Il y a bien les multiple sites de billets à réduction mais pas toujours voir jamais pour les  places et les jours des spectacles convoités…

 A y regarder de plus près,  cela ressemble une jungle où il n’est pas facile de se repérer. Même si dans l’ensemble, les théâtres subventionnés ont plutôt une politique à long terme et une vraie volonté de s’adresser à un plus large public. Ainsi le Théâtre National de la danse à Chaillot, vise plusieurs objectifs : d’abord maintenir un socle d’abonnés fidèles- vieille hantise déjà de Jean Vilar et donc une fréquentation satisfaisante, ce qui n’est pas évident, compte-tenu de la jauge de la grande salle Jean Vilar (environ 1.000 places). Même si Chaillot a maintenant conquis un large public de danse, et malheureusement plus que de théâtre, donc sur une durée d’exploitation assez courte, cela bien entendu complique les choses, quant à un soupçon de rentabilité, la place dans les théâtre subventionnés coûtant toujours beaucoup plus cher que le prix payé!

Didier Deschamps entend aussi ne pas exclure les publics les plus démunis, et en même temps attirer les jeunes… Comme essayent de le faire tous les théâtres, concurrencés sans exception, par d’autres modes de spectacle et par les jeux vidéo et Internet en général. Le théâtre étant souvent considéré par les enseignants des collèges et lycées comme non prioritaire ! En même temps, il faut aussi remplir la nouvelle salle Gémier (400 places) et permettre au public de naviguer dans les espaces de circulation autrefois fermés. Ce qui augmente aussi les dépenses de fonctionnement : surveillance, nettoyage, électricité…

Alors que les subventions du Ministère de la Culture ne sont pas extensibles ! Bref une sorte de quadrature du cercle et donc une nouvelle « approche»-pour rester poli-de la grille ! A Chaillot, la dernière revalorisation des prix des places plein pot et  hors abonnement remonte à trois ans et celle des abonnements, à six ans : soit plus 6% environ 37 et 41€, et pour les groupes et les plus de 65 ans, de 8 à 10% : 29 et 34€. Mais les prix des tarifs pour les jeunes, pour l’éducation artistique et culturelle, et les plus défavorisés, eux,  n’ont pas bougé : de 18 à 13 €.

Mais bon malgré tous leurs efforts, les grands théâtres surtout à Paris et moins semble-t-il, dans les grandes villes de province, ont toujours quelque difficulté à faire venir un public de moins de quarante ans. Question d’intérêt mais pas que…  Et les tarifs dépassent et de loin ceux du cinéma à Paris…. Il nous souvient que Gabriel Garran nous avait raconté à l’époque; c’était en 1969, quand il était directeur du Théâtre de la Commune à Aubervilliers, situé tout près de nombreux HLM, à titre d’expérience-il ne pouvait se le permettre qu’exceptionnellement !- il avait décidé de la gratuité pour Les Clowns mise en scène d’Ariane Mnouchkine. Et aussitôt, le théâtre avait été plein de spectateurs de tout âge qui n’avaient pas et n’auraient jamais les moyens d’un tel luxe: aller voir un spectacle! Alors que la salle était en face de chez eux… Et si à Chaillot comme ailleurs, les ouvreuses et ouvreurs sont rémunérés par le théâtre, en revanche, les consommations au bar sont chères. Mieux vaut apporter sa bouteille d’eau !

L’Odéon-Théâtre de l’Europe, cet autre grand théâtre parisien, avec deux belles salles,  se veut au service de tous les publics, dit Stéphane Braunschweig qui a remporté un succès certain l’an  passé avec des avant-premières à 50% moins cher. Opération renouvelée cette année encore, pour tous les spectacles bénéficiant de séries longues, avec  deux représentations en avant-première soit 10 .000 places à moitié prix*. « Je l’ai annoncé mon arrivée à l’Odéon : je souhaite ouvrir le théâtre à un plus large public, à tous ceux qui ne sont pas en mesure de payer le plein tarif ou de s’engager en souscrivant à un abonnement. Pour cela, j’ai voulu proposer nos spectacles en avant-première et à moitié prix. »  D’abord cette saison, avec Les Trois Sœurs d’après Anton Tchekhov, mise en scène de Simon Stone, artiste associé de notre théâtre.

L’occasion, dit Stéphane Braunschweig, de partager avec un nouveau public, l’émotion si particulière qui entoure la première des spectacles. On veut bien… mais c’est surtout le prix normal : 40 €, 28€, 18 €  et 14 € qui reste beaucoup trop élevé ! Mais là aussi c’est la quadrature du cercle, et faire venir des spectacles de l’étranger est toujours coûteux! Bref, il n’y a pas de solution miracle! Mais il nous semble que cet effort intelligent vers un public jeune et majoritairement étudiant, va dans le bon sens, celui qu’avait initié avec succès, Olivier Py quand il était directeur de ce même théâtre. mais les places au festival d’Avignon qu’il dirige maintenant restent chères pour un public jeune ou qui ne peut pas investir dans un TGV,quelques nuits d’hôtel, etc. En quelque vingt ans, on a vu un changement indéniable!

Dernier venu dans la tribu parisienne, Le Treizième Théâtre, place d’Italie à Paris XIIIème, une structure privée donc non subventionnée, avec une programmation diversifiée : “Ouvrir un nouveau théâtre à Paris , est un choix important, un acte fort, la preuve d’une démocratie un peu plus solide, disent ses directeurs Gilbert Rozon et Olivier Peyronnaud. Pourquoi un théâtre et pourquoi un de plus ? Nous croyons, modestement, qu’il y a encore de la place pour un théâtre différent, un théâtre moderne et décalé, qui brise les codes établis, les règles écrites, et les théories récurrentes. (…)Nous ferons de ce nouveau théâtre un lieu de rencontre, un lieu d’art et de divertissement pour tous, un lieu de vie. » Mais au-delà des bonnes intentions, il faut un certain courage pour se lancer dans une aventure pareille : une salle-ancien cinéma de 900 places peut plutôt accueillir de grands spectacles.

Mais il s’agit d’être concurrentiel et mieux vaut jouer sur des valeurs sûres: comme le fameux cirque québécois Eloise (voir Le Théâtre du Blog) ou prochainement, le non moins fameux Slava’ SnowShow russe. Il y a aussi une petite salle de 130 places mais par définition peu rentable. Chaque spectacle doit donc avoir un mode de financement et donc de recettes différent, ce qui implique des prix de place variables. Il y a même, comme dans certaines clubs privés, un Carré Or…
 Les directeurs ont conçu une «carte adhérent» qui devrait, selon eux, être attractive avec des avantages classiques mais dont certains ne coûtent rien au théâtre comme participations aux bords de scène, rencontres avec les équipes artistiques, et réservations prioritaires  pour les  grands évènements ou invitations aux répétitions et visites des coulisses du théâtre. Les réductions sur les spectacles de la saison, et tarifs préférentiels et offres privilégiées sur les services (restaurant, chauffeur, baby-sitting). Soit avec cette carte payante, 30€ ou tarif réduit pour les habitants du XIII ème : 15€. Ce qui n’est pas quand même donné! Mais bon, si on rentabilise cette foutue carte comme dans certains surfaces de bricolage, en y allant souvent,  le prix se rapproche  alors de ceux pratiqués dans les théâtre publics.

Côté privé encore, La Seine Musicale, implantée sur l’Ile Seguin, longtemps fief des usines Renault en bordure de la ville de Boulogne-Billancourt,est un grand ensemble de bâtiments en forme de vaisseau, consacré à toute la musique et aux spectacles mais pouvant aussi accueillir des manifestations variées. Donc si on a bien compris, ouverte à la location d’espaces… Issu d’un partenariat entre des sociétés privées et le Conseil départemental des Hauts-de-Seine, ce nouveau complexe culturel, construit sur un terrain de 2.35 hectares cédé par le département des Hauts-de-Seine, est l’œuvre des architectes Shigeru Ban et Jean de Gastines. Les prix des places est sans variable mais pour West side story, il faut compter 105€ au parterre! ou à la mezzanine, ce qui est bien cher pour une vision disons, des plus éloignées avec un son de micros HF ! Et jusqu’à 25 € sur les côtés ! Et cerise sur le gâteau, on retire gratuitement  (sic !!!!) les billets dans un des nombreux points de vente. Et on peut aussi acheter un e-billet collector sur carte plastifiée qui, munie d’un hologramme et d’un code barre. permet un accès direct à l’événement! Vous avez dit progrès? En tout cas,  il faut le payer!

Mais bon, vu le gigantisme de cette salle peu chaleureuse, aux sièges en  bois moulé et aux murs noirs,  mieux vaut investir dans une bonne paire de jumelles!  Et, si on a bien compris les indications du site, la direction de cette Seine musicale entend rentabiliser les choses au maximum, avec réservation par Internet et même si le département des Hauts-de-Seine est assez riche, la recherche d’un nouveau public ne semble pas être ici une priorité !

Du côté des petits-mais importants pour la création-théâtres comme le Théâtre Studio d’Alfortville en banlieue parisienne? Christian Benedetti annonce tout de suite la couleur : «Ce n’est pas un théâtre au sens de l’économie, mais au sens étymologique : l’endroit d’où l’on regarde, et au sens politique.Un théâtre de la distance, (comme l’image a besoin de la distance pour être vue, le théâtre a besoin de distance pour faire son travail). (…)
Le temps théâtral n’est pas le temps de la productivité de l’économie de marché. Il est celui, singulier, de la respiration et du regard de celui ou celle qui conduit le projet et de l’énergie du sens. » Un théâtre de recherche comme celui-là, on l’aura vite compris, a toute sa légitimité et se doit d’avoi une politique des prix très adaptée : un plein tarif à 20 €, et un tarif réduit à 15 € pour tout le monde ou presque : seniors, demandeurs d’emploi, intermittents, enseignants, étudiants, moins de trente ans, abonnés des théâtres partenaires. Et à 10€ pour  bénéficiaires du RSA, moins de 16 ans, Alfortvillais et le réseau Ticket Théâtre proposant un tarif unique de 12€ pour ses adhérents.

Autre exemple, le TnBA-Théâtre du Port de la Lune à Bordeaux, comme de nombreux centre dramatiques nationaux-Jean Vilar avec le célèbre T.N.P. ,avait déjà donné l’exemple il y a quelque soixante-dix ans- a adopté une politique d’abonnements et de cartes spéciales donc à prix réduits sauf spectacles majorés. Même si cela donne un peu le tournis, vu le nombre d’offres : 5 € par spectacle à partir de quatre personnes  et tarif réduit à 9 € le spectacle à partir de trois. Il y a aussi des carte pass solo et duo, des chèques-théâtre à échanger  contre un billet vendus 170 € par carnet de 10, au prix de 17 € la place

Mais il y a aussi un plein tarif qui ne doit pas concerner beaucoup de monde ! Soit  25 €  et tarif réduit 12 € (sauf spectacles majorés,  Théâtre en famille : plein tarif :12 € tarif réduit : 8 € Tarif dernière minute : plein tarif 17 €  et tarif réduit 10 € (sauf spectacles majorés).  Tarif collectivités et CE partenaires  7 € (sauf spectacles majorés) sur présentation de la carte CLAS, Cézam, TER Aquitaine, CNRS, MGEN, CE Pôle Emploi.

Du côté du NEST,
Centre Dramatique National transfrontalier de Thionville-Grand Est, il y aussi une volonté de s’adapter aux finances du public  avec un tarif plein à 21 €, un tarif réduit à 16 €  pour  les plus de 65 ans, abonnés structures partenaires, CE, demandeurs d’emploi, groupe de dix personnes. Mais aussi un tarif jeune à 8 € et enfin un tarif RSA à 5 €. Mais le Nest propose aussi  une carte adhérent à 15 € avec tous les spectacles à 10  €), une carte saison à 110 € pour douze spectacles + un offert : La Bonne éducation et une carte jeune à 21 € pour trois spectacles de la saison, et 5 €  le spectacle supplémentaire.
Pour son festival de formes brèves en septembre dernier, le NEST a donné la possibilité de prendre un pass journée à 20€ ou à 10€, pour les moins de 26 ans ou wek-end :  30€ et 15€. De même, le festival ados La Semaine extra au printemps prochain sera à 10€ , et tarif jeunes à 5€.

Voilà, de quoi méditer en ces temps où les mises en scène de spectacles deviennent sauf exception de plus en plus techniques et donc de plus en plus coûteux , les partenariats privés/publics se portent comme un charme. Avec toutes les dérives que cela peut occasionner! Aller pour finir de quoi enchanter votre soirée pluvieuse et triste cette belle réflexion de la grande chorégraphe Anne Teresa De Kerresmaeker: Nous sommes dans un monde où les expériences à vivre ensemble deviennent de plus en plus rares. Ce qui rend le spectacle vivant encore plus précieux. » C’est effectivement l’essentiel.A suivre donc…

Philippe du Vignal

*Odéon : ouverture de la location des places en avant-premières à 50% sur toutes les catégories, le 
mardi 31 octobre 2017, pour Les Trois Sœurs d’après Anton Tchekhov, mise en scène de Simon Stone.
Prix : 20€ / 14€ / 9€ / 7€ (séries 1, 2, 3, 4) au lieu de 40€ / 28€ / 18€ / 14€
.
T : 01.44.85.40.40 et sur www.theatre-odeon.eu

 

 

Triumvirus, conception et mise en scène de Nina Villanova

© Simon Gosselin

© Simon Gosselin

TriumVirus, conception et mise en scène de Nina Villanova

 

Après cinq étapes de travail au Local à Marseille, puis à Athènes, Falaise et à Alfortville,  première de ce spectacle sur la dette, la crise et l’état d’exception conçu par la metteuse en scène qui devient artiste associé au Théâtre Studio d’Alfortville, aux côtés de son directeur Christian Benedetti. « Que serait aujourd’hui un théâtre politique ? Et quels moyens avons nous pour dire notre époque et sa nécessaire transgression ? ».

Nina Villanova partie d’une analyse de la crise grecque,  y a ajouté des textes théoriques et poétiques, des extraits de pièces et de films, de livres et de musiques dont Le Malade imaginaire de Molière, Une femme sous influence de John Cassavetes, Knock de Jules Romains et quelques citations de personnalités médiatiques et politiques. « TriumVirus,pièce/montage en douze tableaux pour quatre actrices est une réflexion sur la dette, son accumulation et sa conséquence indéfectible : la crise, un cycle infernal qui se répète à l’infini et nous plonge dans un état d’exception permanente. (…)  Nous vivons au jour le jour, sans projet à long terme, nous ne voyons pas plus loin que le bout de nos peines.  La « dette souveraine » écrit Paniagiotis Grigoriou dans La Grèce fantôme, est passée du statut de « crédit bancaire », à celui d’échéance téléologique perpétuelle.

Dans un joyeux capharnaüm, Marine Behar, Julie Cardile, Zoe Houtin et Nina Villanova se déchaînent et courent après un lapin masqué sur une musique de chasse à courre : « Élever et discipliner un animal qui tienne ses promesses, n’est-ce pas le véritable problème de l’homme ? (…)  Celui qui a de l’argent, peut vivre, celui qui n’en a pas,  peut mourir ».
Elles installent une table qui sera rapidement mise en l’air… « J’ai voulu parler de la dette ! ». Une actrice se déshabille, puis se barbouille de noir et revêt un masque de lapin. «Les uniformes sont bientôt prêts ».. Nous assistons au supplice décrit dans La Colonie pénitentiaire par Franz Kafka expliquée à Lapinou qui écoute de ses deux oreilles;  dans un foutoir intégral, l’une des actrices est enterrée sous les débris. Difficile de rendre compte des surgissements inopinés des nombreuses images qui se succèdent, élaborées à partir de lectures.

Un spectacle souvent drôle et tragique en même temps, interprété par une équipe qui n’a pas froid aux yeux, et toujours lucide.


Edith Rappoport

Théâtre Studio d’Alfortville, 16 rue Marcelin Berthelot 94140 Alfortville. T :  01 43 76 86 56, jusqu’au 9 novembre. 

 

Une dramaturgie chorégraphique au XXIe siècle

Une dramaturgie chorégraphique au XXIe siècle,  rencontres organisées par le Centre chorégraphique national/Ballet de l’Opéra national du Rhin, en partenariat avec POLE-SUD, Centre de Développement Chorégraphique National à Strasbourg.

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Jean Couturier

Depuis toujours, il a fallu défendre la légitimité de la danse, souligne Thierry Malandain, actuel directeur du Centre chorégraphique national de Biarritz :  «Le propre de la danse, c’est de naître et de disparaître, si il n’y a pas de presse et de directeurs pour acheter la pièce, elle risque de mourir très vite. Elle doit rencontrer un public et convaincre ensuite les politiques.» Et Clément Hervieu-Léger, comédien et metteur en scène, parle avec sensibilité des rapports contradictoires entre danse et texte : «La parole au théâtre est l’expression d’une pensée, à partir du moment où la pensée se met en mouvement, le corps se met en mouvement, il y a un engagement du corps dans la pensée. Tous les élèves d’une école de danse vont tous très bien danser, dit-il, ce qui va les différencier, c’est l’incarnation».

Comment Eva Kleinitz envisage-t-elle sa direction de l’Opéra du Rhin? «Je veux, dit-elle, que l’amour du public pour le ballet résonne autant que pour l’opéra». Cela semble en bonne voie car on sent une réelle entente entre elle et Bruno Bouché. Brigitte Lefèvre, directrice de la danse à l’Opéra de Paris de 1995 à 2014, rappelle, que «le vrai patron dans un Opéra, c’est le plan de travail, la présence de l’orchestre  et celle des chœurs et solistes. Un ballet, même de trente-deux danseurs, est plus flexible, et le danseur d’aujourd’hui n’est pas classique ou contemporain, mais avant tout, danseur». Ce que reprend Bruno Bouché à sa manière; il espère créer, dit-il, un Ballet du XXIème siècle ouvert au-delà des frontières européennes, avec des œuvres qui ont traversé l’histoire mais aussi des créations…

Jean Couturier

Journée de rencontres et de débats publics à Mulhouse, le 28 octobre.

www.operanationaldurhin.eu

 

 

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