Testament d’après le roman de Vickie Gendreau, adaptation et mise en scène d’Anne-Marie Ouillet

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Testament, d’après le roman de Vickie Gendreau, adaptation et mise en scène d’Anne-Marie Ouillet

 En juin dernier, au  Centre des Arts d’Ottawa, Marie Brassard a monté un spectacle  à partir des textes de Nelly Arcan, une jeune écrivaine qui s’est suicidée à trente-six ans, à Montréal:  La Fureur de ce que je pense d’après son roman, premier jalon théâtral de la création auto-fictionnelle cette année, puisque l’école de théâtre de l’Université d’Ottawa  poursuit une expérience semblable.  

Selon les uns, les écrits de Nelly Arcan ont inspiré d’autres  jeunes  auteurs  et Testament, un roman de cette jeune femme dont la vie a fini aussi tragiquement, semble avoir été influencé par cette forme d’écriture; l’auteure ne manque pas de franchise et a aussi besoin de dévoiler la vérité enfouie au plus profond de son inconscient torturé.

 Vickie Gendreau est morte d’un cancer à vingt-quatre ans,  en 2013,  quelques mois après avoir écrit Testament. Les multiples voix narratrices  de ce spectacle, et bien au-delà de sa mort, nous font remonter à la dérive d’un esprit possédé par l’horreur, devant une situation sur laquelle elle n’a plus prise. Anne-Marie Ouellet, professeur au département d’études théâtrales à l’Université d’Ottawa, et responsable de ce groupe d’étudiants, a voulu cerner  cette folie  et ce désespoir  en  mettant scène une jeune  revenante,  pour que le groupe se livre à un processus d’improvisation  orale et corporelle  et ait ainsi un autre regard sur l’adaptation d’un roman à la scène. Un défi de taille surtout quand il faut gérer une dizaine de jeunes apprentis-comédiens qui ont peu d’expérience, et qui doivent partager des fragments d’un texte sans fil narratif. Avec des images qui renvoient à la vie de cette jeune femme, des phrases hachées qui cassent  la langage  avec des transformations paradigmatiques, un peu comme chez Ionesco, ce qui complique encore le travail. Curieusement, la langue de Vickie Gendreau semble renvoyer aux Chants de Maldoror de Lautréamont qui, selon André Breton, a marqué  une crise fondamentale de la littérature, en prévoyant la démission de la pensée logique et morale, un geste que les surréalistes allaient poursuivre avec férocité.  

Une écriture, beaucoup plus naïve et moins sombre que celle de Nelly Arcan, mais moins morbide que celle de Lautréamont… En tout cas,  cette adaptation s’inscrit tout à fait dans la  logique poétique d’un être qui n’en peut plus de vivre sa vie : la jeune femme a fait exploser toutes les barrières possibles. Et un refrain revient sans cesse chez elle : «Je ferme les yeux, j’ouvre les yeux ».

La mise en scène, comme la scénographie, à la fois ordonnée et chaotique, fait la part belle aux hallucinations, aux rêves, aux souvenirs  précis, ou aux images confuses.Les personnages eux passent de l’anglais au français, et  comme le texte de Vickie Gendreau, les costumes  évoquent  les  étapes de la vie transgressive de la jeune auteure. Frôlant parfois la monstruosité comme chez Lautréamont qui annonçait l’irrationnel surréaliste, les paroles de l’être inquiétant envahit la scène,  à la recherche de  rencontres  fortuites et dangereuses,  sur une table de dissection», entre «une machine à coudre et un parapluie». Dans un lent  affaiblissement, la jeune femme, moribonde, se détache des autres, et tous les corps autour d’elle respirent profondément, puis se mettent à chanceler et cessent de respirer,  et tout d’un coup, reprennent leur souffle et s’écroulent de nouveau, aussi vite.  La jeune revenante est déjà  morte et une torpeur envahit alors le plateau.

Certains étudiants articulent mal, même si d’autres  sont excellents! Même si la qualité des  volumes scéniques et des éclairages participent de cette poésie scénique, on sort un peu épuisé par l’effort de concentration nécessaire pour suivre le texte. Anne-Marie Ouillet qui a ici souvent travaillé à partir d’improvisations, aurait dû  supprimer  des répétitions dans les dernières trente minutes,  trop longues. (Mais les jeunes spectateurs étaient ravis!) Il faut quand même se laisser bercer par cet essai de mise en scène collective. Avec toute une pédagogie  corporelle et vocale, Anne-Marie Ouillet cherche à orienter ses étudiants vers un théâtre post-dramatique et on est tenté de suivre cette démarche… Son prochain spectacle est prévu au Centre national des Arts d’Ottawa !

 Alvina Ruprecht

Spectacle vu au Théâtre de l’Université d’Ottawa.

 


Archive pour 5 décembre, 2017

Testament d’après le roman de Vickie Gendreau, adaptation et mise en scène d’Anne-Marie Ouillet

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Testament, d’après le roman de Vickie Gendreau, adaptation et mise en scène d’Anne-Marie Ouillet

 En juin dernier, au  Centre des Arts d’Ottawa, Marie Brassard a monté un spectacle  à partir des textes de Nelly Arcan, une jeune écrivaine qui s’est suicidée à trente-six ans, à Montréal:  La Fureur de ce que je pense d’après son roman, premier jalon théâtral de la création auto-fictionnelle cette année, puisque l’école de théâtre de l’Université d’Ottawa  poursuit une expérience semblable.  

Selon les uns, les écrits de Nelly Arcan ont inspiré d’autres  jeunes  auteurs  et Testament, un roman de cette jeune femme dont la vie a fini aussi tragiquement, semble avoir été influencé par cette forme d’écriture; l’auteure ne manque pas de franchise et a aussi besoin de dévoiler la vérité enfouie au plus profond de son inconscient torturé.

 Vickie Gendreau est morte d’un cancer à vingt-quatre ans,  en 2013,  quelques mois après avoir écrit Testament. Les multiples voix narratrices  de ce spectacle, et bien au-delà de sa mort, nous font remonter à la dérive d’un esprit possédé par l’horreur, devant une situation sur laquelle elle n’a plus prise. Anne-Marie Ouellet, professeur au département d’études théâtrales à l’Université d’Ottawa, et responsable de ce groupe d’étudiants, a voulu cerner  cette folie  et ce désespoir  en  mettant scène une jeune  revenante,  pour que le groupe se livre à un processus d’improvisation  orale et corporelle  et ait ainsi un autre regard sur l’adaptation d’un roman à la scène. Un défi de taille surtout quand il faut gérer une dizaine de jeunes apprentis-comédiens qui ont peu d’expérience, et qui doivent partager des fragments d’un texte sans fil narratif. Avec des images qui renvoient à la vie de cette jeune femme, des phrases hachées qui cassent  la langage  avec des transformations paradigmatiques, un peu comme chez Ionesco, ce qui complique encore le travail. Curieusement, la langue de Vickie Gendreau semble renvoyer aux Chants de Maldoror de Lautréamont qui, selon André Breton, a marqué  une crise fondamentale de la littérature, en prévoyant la démission de la pensée logique et morale, un geste que les surréalistes allaient poursuivre avec férocité.  

Une écriture, beaucoup plus naïve et moins sombre que celle de Nelly Arcan, mais moins morbide que celle de Lautréamont… En tout cas,  cette adaptation s’inscrit tout à fait dans la  logique poétique d’un être qui n’en peut plus de vivre sa vie : la jeune femme a fait exploser toutes les barrières possibles. Et un refrain revient sans cesse chez elle : «Je ferme les yeux, j’ouvre les yeux ».

La mise en scène, comme la scénographie, à la fois ordonnée et chaotique, fait la part belle aux hallucinations, aux rêves, aux souvenirs  précis, ou aux images confuses.Les personnages eux passent de l’anglais au français, et  comme le texte de Vickie Gendreau, les costumes  évoquent  les  étapes de la vie transgressive de la jeune auteure. Frôlant parfois la monstruosité comme chez Lautréamont qui annonçait l’irrationnel surréaliste, les paroles de l’être inquiétant envahit la scène,  à la recherche de  rencontres  fortuites et dangereuses,  sur une table de dissection», entre «une machine à coudre et un parapluie». Dans un lent  affaiblissement, la jeune femme, moribonde, se détache des autres, et tous les corps autour d’elle respirent profondément, puis se mettent à chanceler et cessent de respirer,  et tout d’un coup, reprennent leur souffle et s’écroulent de nouveau, aussi vite.  La jeune revenante est déjà  morte et une torpeur envahit alors le plateau.

Certains étudiants articulent mal, même si d’autres  sont excellents! Même si la qualité des  volumes scéniques et des éclairages participent de cette poésie scénique, on sort un peu épuisé par l’effort de concentration nécessaire pour suivre le texte. Anne-Marie Ouillet qui a ici souvent travaillé à partir d’improvisations, aurait dû  supprimer  des répétitions dans les dernières trente minutes,  trop longues. (Mais les jeunes spectateurs étaient ravis!) Il faut quand même se laisser bercer par cet essai de mise en scène collective. Avec toute une pédagogie  corporelle et vocale, Anne-Marie Ouillet cherche à orienter ses étudiants vers un théâtre post-dramatique et on est tenté de suivre cette démarche… Son prochain spectacle est prévu au Centre national des Arts d’Ottawa !

 Alvina Ruprecht

Spectacle vu au Théâtre de l’Université d’Ottawa.

 

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