Ce qui demeure, écriture et mise en scène d’Élise Chatauret

 

Ce qui demeure, écriture et mise en scène d’Élise Chatauret

 

© Hélène Harder

© Hélène Harder

Montrer pour ne pas oublier : Elise Chatauret rend sur scène les fragments poétiques d’une rencontre. Ce qui demeure est en effet né d’une longue conversation renouvelée, avec une très vieille dame  de quatre-vingt-treize ans, sa grand-mère. Presque un siècle de bouleversements, deux guerres et des évolutions techniques prodigieuses, la prospérité enfin : toute une vie de femme, moyenne et unique.

Les souvenirs remontent, se transforment au fil du récit, ou tombent dans un trou de mémoire… Ce qui leur donne corps, ce sont des objets, des images, liés à un moment du passé et qui deviennent ici les supports des questions de l’artiste, à cette jonction de l’intime et du collectif : le lieu même du théâtre. Qui sont cette vieille dame qui tente de faire l’inventaire de sa vie, et cette jeune femme qui la questionne ? Toutes les deux s’inventent réciproquement.
Élise Chatauret ne s’arrête pas à la force dramatique du récit nu mais le met véritablement en scène. Charles Chauvet a construit une maison de verre, intime et transparente, une demeure où les objets quotidiens-un tabouret, un bol, une cafetière-jouent entre les mains des actrices, en complicité avec une musicienne pour transmettre quelque chose de la grande histoire. Se parler, entrer, sortir, étaler sur scène avec beaucoup de soin les images qui traversent le siècle : ce qui se vit sur le plateau tire le fil d’une vie singulière et banale.

 Cela donne un « joli » spectacle précis et délicat auquel manquerait le trouble, s’il n’y avait une dernière image dont nous ne dirons rien, pour en laisser la surprise au spectateur. Mais Élise Chatauret maîtrise presque trop bien son objet : il y manque le risque. Mais on peut compter sur d’autres metteurs en scène concourant au festival Impatience pour nous en donner une double dose. On ne va donc pas bouder son plaisir devant ce spectacle intelligent et sensible, qui demeure en nous en traces légères.

Christine Friedel

Spectacle vu à la Maison des Métallos.
Festival Impatience, les 21 et 22 décembre au T2G-théâtre de Gennevilliers rue des Grésillons ( Seine-Saint-Denis). T. : 01 41 32 26 26

 

 


Archive pour 13 décembre, 2017

Oh Louis … we move from the ballroom… chorégraphie de Robyn Orlin

© Robyn Orlin

© Robyn Orlin

Festival de Danse de Cannes :

Oh Louis … we move from the ballroom to hell while we have to tell ourselves stories at night so that we can sleep … chorégraphie de Robyn Orlin, musique  de Loris Barrucand

«Elle veut  que je sois Louis XIV qui revient d’Afrique sur un bateau de réfugiés, et qui a perdu son passeport.» Benjamin Pech, emmitouflé dans une couverture de survie géante dorée, annonce avec  cette phrase d’ouverture, une confrontation entre le monde ancien et ses codes, en particulier son trop fameux Code noir raciste, Édit royal de Louis XIV(1685) touchant la police des îles de l’Amérique française, et le monde actuel, « démocratique » et hypocrite. Brigitte Lefèvre, directrice artistique du festival de danse de Cannes, a choisi l’ancien danseur-étoile de l’Opéra de Paris pour ce projet. Il accueille le public en survêtement rouge et doudoune bleue sans manche. «On sait, dit-il, comment vous plaire».

La chorégraphe, elle-même fille de parents immigrés polonais qui ont gagné l’Afrique du Sud, il y a cinquante ans, réagit au flux migratoire massif d’aujourd’hui en Méditerranée. Au riche costume du danseur, se mêlent les anoraks multicolores des réfugiés; le son du clavecin évoque celui de la carlingue d’un bateau en mouvement sur une mer dorée. La musique, interprétée et créée ici par Loris Barrucand, accompagne le Roi-Soleil, comme Sganarelle accompagne Don Juan dans sa chute. Il déclame régulièrement des passages du terrible Code noirArticle 38:  L’esclave fugitif qui aura été en fuite pendant un mois, à compter du jour que son maître l’aura dénoncé en justice, aura les oreilles coupées et sera marqué d’une fleur de lis une épaule; s’il récidive un autre mois pareillement du jour de la dénonciation, il  aura le jarret coupé, et il sera marqué d’une fleur de lys sur l’autre épaule; et, la troisième fois, il sera puni de mort.

Benjamin Pech sort de l’Opéra , une institution puissante encore aujourd’hui, et directement issue de l’Académie Royale de Musique créée par Louis XIV. Il pulvérise ici sa carapace dorée et se révèle un artiste complet et sensible. Sont diffusées une courte vidéo du moment émouvant des adieux à l’Opéra qu’il a quitté récemment (voir Le Théâtre du Blog) et une radio de la prothèse de sa hanche!  Le public, avide de performances, oublie trop souvent que le corps du danseur est mis à rude épreuve tout au long de sa carrière.

La silhouette de Benjamin Pech, entouré de ses vêtements, au centre du plateau, se projette sur un écran ovale suspendu au-dessus de la scène : puissante évocation des images des actualités quotidiennes ! Parfois Benjamin Pech joue avec son smartphone, et filme le public ou invite une spectatrice à devenir sa reine. La douloureuse situation évoquée ici contraste avec la tonalité joyeuse du danseur, à l’image de ce monarque absolu, bienfaiteur des arts.
Un superbe exercice de théâtre et de liberté qui nous questionne, et qu’il faut absolument aller voir.

Jean Couturier

Spectacle vu au Festival de Danse de Cannes; le 10 décembre.
Théâtre de la Cité internationale, boulevard Jourdan Paris XIVème du 13 au 22 décembre. (Dans le cadre du Théâtre de la Ville hors les murs).

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