Cherchez la faute, d’après La Divine Origine de Marie Balmary, adaptation et mise en scène de François Rancillac

 

Cherchez la faute, d’après La Divine Origine (Dieu n’a pas créé l’homme) de Marie Balmary, adaptation et mise en scène de François Rancillac

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Photo Patrick Berger

 

Nous sommes nombreux à porter depuis des siècles un sentiment tenace de culpabilité. A qui la faute ? À Adam, à Eve, au Serpent, à l’invention du « péché originel » ?  Les religions judéo-chrétiennes ont solidement assis leur pouvoir en cultivant cette culpabilité, laquelle a enrichi nombre de prêtres de tous ordres et de psychanalystes de toutes obédiences. 

Saisie par cette question,elle aussi, Marie Balmary, psychanalyste, a voulu y regarder de plus près. Elle revient au texte original de la Genèse, a appris l’hébreu et le grec, et elle s’appuie sur la traduction très littérale d’André Chouraqui. Cherchons la faute ! Le mot n’existe pas dans la Genèse ! En hébreu comme en grec, le terme employé désigne un tir qui a manqué sa cible; comme faute ! crié par un arbitre au tennis. 

François Rancillac s’est emparé de l’essai, La Divine Origine, dans une perspective laïque et politique, contre la tyrannie et l’obscurantisme des religions. Comme s’il avait pressenti, en 2003, lors de la création du spectacle, l’importance de cette question et son urgence actuelle.

 Danielle Chinsky, Daniel Kenigsberg, Frédéric Révérend, Fatima Soualhia Manet invitent les spectateurs à les rejoindre autour d’une grande table de travail. Textes, stylos, bouteilles d’eau, tout contribue à créer l’ambiance d’un séminaire de recherche. Apparemment, ce n’est pas du théâtre. Et pourtant on touche à l’essence de cet art : la parole partagée et la pensée en action. Chacun joue un rôle assigné dans cette « dispute » : le naïf, le provocateur, le conservateur, le conciliant. On réécoute cette histoire de fruit défendu, de désobéissance, comme si on l’entendait pour la première fois. On est au cœur du travail de l’acteur : réinventer son texte avec un public qui reçoit cette pensée à l’état naissant. Passionnant !

On apprend notamment que : « Elohim crée le “glébeux“ (Adam) à sa réplique, il le crée mâle et femelle, il les crée.» Eh ! Oui, notre ancêtre était androgyne. Pourquoi séparer les sexes ? Pour ouvrir l’infini de l’altérité. Et pourquoi l’interdit ?  « De tout arbre, tu mangeras mais de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, tu ne mangeras pas ». Pour produire du manque, du désir, et permettre à l’homme d’exister comme sujet, de choisir en disant : “je“. On apprend aussi que « le serpent était nu », et qu’en hébreu, l’adjectif désigne à la fois la nudité et la ruse…`

 A la fois savant, drôle et riche en suspens, ce spectacle nous met en joie.

Après une séance d’une heure, acteurs et metteur en scène se prêtent sans compter au débat avec un public passionné, curieux, qui argumente, questionne, propose. Avec Cherchez la faute, on va au-delà d’une «participation » du public, après laquelle courent bien des metteurs en scène, par simple effet de mode. Nous sommes réellement impliqués. Merci  aux acteurs et à François Rancillac.

 

Christine Friedel avec la collaboration de Mireille Davidovici 

 

Théâtre de l’Aquarium, Cartoucherie de Vincennes. Du 12 au 23 décembre et du 9 au 21 janvier. T : 01 43 74 99 6111 43 74 99 61

 Act’Art/les scènes rurales, musée de Saint-Cyr-sur-Morin (77)  le 10 décembre ; Le Granit-Scène nationale de Belfort le 15 janvier; Théâtre de la Madeleine à Troyes, les  23 et 24 janvier ; Théâtre Francis-Planté à Orthez, le 30 janvier.

 Maison des Arts du Léman à Thonon-les-Bains, les 2 et 3 février; Panta Théâtre à Caen, les 8 et 9 février; La Filature de Mulhouse, du 15 au 17 février ;Théâtre de Lisieux, le 22 février. 
Olympia, Centre Dramatique National de Tours du 13 au 17 mars ; Le Quai, Centre Dramatique National d’Angers-Pays de la Loire du 22 au 25 mai ; Théâtre Victor Hugo à Bagneux le 13 juin.

 La Divine Origine (Dieu n’a pas créé l’homme) de Marie Balmary, Editions Grasset  et Fasquelle /Livre de Poche


Archive pour 15 décembre, 2017

Après Coups, Projet Un-Femme N°2, conception de Séverine Chavrier

 

 

Après Coups: Projet Un-Femme n°2, conception de Séverine Chavrier,

©Alain Fonteray

©Alain Fonteray

Directrice du Centre Dramatique d’Orléans-Centre-Val–de-Loire depuis  l’an dernier, Séverine Chavrier est musicienne et metteuse en scène. Elle innove  en pratiquant un art singulier du théâtre en dialogue avec musique, voix ,danse, images et  textes littéraires. Ce nouveau spectacle poétique, où elle convoque la politique,  la féminité et la guerre est en fait  un autre volet de la trilogie chorégraphique Après Coups. Son précédent spectacle Projet Un-Femme N°1 avait pour interprètes, l’acrobate argentine Victoria Belen Martinez et la danseuse russe Natacha Kouznetsova.

Ce spectacle a pour thème la violence qui n’en finit pas de s’inviter d’un continent à l’autre  avec des guerres, des conflits collectifs, et/ou personnels. Issues du Centre National des Arts du Cirque à Châlons-en-Champagne, ces jeunes femmes ont fait un apprentissage obligé de l’agressivité virile, à la fois physique et morale. La Palestinienne Ashtar Muallem, la Danoise Cathrine Lundsgaard Nielsen et la Cambodgienne Voleak Ung-un beau trio  d’horizons géographiques des plus éloignés-créent un spectacle qui se conçoit comme le tissage éclairé de leur corps, de la musique d’un piano préparé, de vidéos mais aussi d’une parole intériorisée ou collectée. Confidences, bribes d’histoire familiale et intime, avec une voix sonorisée et off, elles révèlent la matière même de leur identité: contraintes et soumissions imposées par  les hommes, ordres paternels, situations de conflit d’autorité dans leur pays d’origine.

Heureusement, le corps est un ami, proche et attentif, quand ces artistes, à la fois comédiennes, danseuses et circassiennes entraînées, le sollicitent.  Qui  sont-elles ? Celles qui viennent d’un pays, ou bien celle qui sont arrivées dans un autre? Dans un mélange de traditions et de projections futures,  leur vie va vers l’avenir  mais elle n’oublient pas leur famille et leur pays avec ses coutumes et traditions. Tout en les dépassant, à travers un cheminement ardu qui mène à la métamorphose et à la révélation de soi. Ici, les langues originelles s’entrecroisent avec le français, en échos et rappels de l’altérité.

Un spectacle-coups de poing et coups de pied- empreint de la fulgurance des trajectoires  chaotiques de ces trois femmes libres : le public voit un terrain vague frontalier, un cimetière de carcasses, débris et rejets. Les interprètes piétinent leurs bouquets romantiques de fleurs blanches, montent sur des tas de pneus de camion, et surgissent de petits cercueils d’enfant, en robe blanche et tenue anglo-saxonne de sages pensionnaires. Elles se glissent, se frôlent, se contorsionnent et combattent avec des gants de boxe,  ou un masque de catch sur le visage. Avec la grâce du corps maîtrisé : entraînement constant, rigueur du mouvement brut mais sans calcul ni volonté de romancer le monde auquel elles appartiennent. La poésie advient dans une reconnaissance existentielle enfin gagnée.

Tyrannie du pouvoir masculin et violences, coups donnés pour coups reçus dans une répétition infernale de mouvements heurtés et au rythme vif, et dans une cadence musicale marquée  avec des notes égrainées au piano. Leurs corps belliqueux résistent aux chutes ou s’alanguissent dans la paix : avec solos, duos et trios de bagarres. Après avoir accumulé soumissions consenties, brûlures et coups de colère, entre mémoire nostalgique et imaginaire, ces circassiennes se relèvent :  elles ont surmonté leurs tourments dans le plaisir de rencontres initiatrices…

Véronique Hotte

Centre Dramatique National d’Orléans/Centre-Val de Loire, jusqu’au 15 décembre.

 

 

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