Cherchez la faute, d’après La Divine Origine de Marie Balmary, adaptation et mise en scène de François Rancillac
Cherchez la faute, d’après La Divine Origine (Dieu n’a pas créé l’homme) de Marie Balmary, adaptation et mise en scène de François Rancillac
Nous sommes nombreux à porter depuis des siècles un sentiment tenace de culpabilité. A qui la faute ? À Adam, à Eve, au Serpent, à l’invention du « péché originel » ? Les religions judéo-chrétiennes ont solidement assis leur pouvoir en cultivant cette culpabilité, laquelle a enrichi nombre de prêtres de tous ordres et de psychanalystes de toutes obédiences.
Saisie par cette question,elle aussi, Marie Balmary, psychanalyste, a voulu y regarder de plus près. Elle revient au texte original de la Genèse, a appris l’hébreu et le grec, et elle s’appuie sur la traduction très littérale d’André Chouraqui. Cherchons la faute ! Le mot n’existe pas dans la Genèse ! En hébreu comme en grec, le terme employé désigne un tir qui a manqué sa cible; comme faute ! crié par un arbitre au tennis.
François Rancillac s’est emparé de l’essai, La Divine Origine, dans une perspective laïque et politique, contre la tyrannie et l’obscurantisme des religions. Comme s’il avait pressenti, en 2003, lors de la création du spectacle, l’importance de cette question et son urgence actuelle.
Danielle Chinsky, Daniel Kenigsberg, Frédéric Révérend, Fatima Soualhia Manet invitent les spectateurs à les rejoindre autour d’une grande table de travail. Textes, stylos, bouteilles d’eau, tout contribue à créer l’ambiance d’un séminaire de recherche. Apparemment, ce n’est pas du théâtre. Et pourtant on touche à l’essence de cet art : la parole partagée et la pensée en action. Chacun joue un rôle assigné dans cette « dispute » : le naïf, le provocateur, le conservateur, le conciliant. On réécoute cette histoire de fruit défendu, de désobéissance, comme si on l’entendait pour la première fois. On est au cœur du travail de l’acteur : réinventer son texte avec un public qui reçoit cette pensée à l’état naissant. Passionnant !
On apprend notamment que : « Elohim crée le “glébeux“ (Adam) à sa réplique, il le crée mâle et femelle, il les crée.» Eh ! Oui, notre ancêtre était androgyne. Pourquoi séparer les sexes ? Pour ouvrir l’infini de l’altérité. Et pourquoi l’interdit ? « De tout arbre, tu mangeras mais de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, tu ne mangeras pas ». Pour produire du manque, du désir, et permettre à l’homme d’exister comme sujet, de choisir en disant : “je“. On apprend aussi que « le serpent était nu », et qu’en hébreu, l’adjectif désigne à la fois la nudité et la ruse…`
A la fois savant, drôle et riche en suspens, ce spectacle nous met en joie.
Après une séance d’une heure, acteurs et metteur en scène se prêtent sans compter au débat avec un public passionné, curieux, qui argumente, questionne, propose. Avec Cherchez la faute, on va au-delà d’une «participation » du public, après laquelle courent bien des metteurs en scène, par simple effet de mode. Nous sommes réellement impliqués. Merci aux acteurs et à François Rancillac.
Christine Friedel avec la collaboration de Mireille Davidovici
Théâtre de l’Aquarium, Cartoucherie de Vincennes. Du 12 au 23 décembre et du 9 au 21 janvier. T : 01 43 74 99 6111 43 74 99 61
Act’Art/les scènes rurales, musée de Saint-Cyr-sur-Morin (77) le 10 décembre ; Le Granit-Scène nationale de Belfort le 15 janvier; Théâtre de la Madeleine à Troyes, les 23 et 24 janvier ; Théâtre Francis-Planté à Orthez, le 30 janvier.
Maison des Arts du Léman à Thonon-les-Bains, les 2 et 3 février; Panta Théâtre à Caen, les 8 et 9 février; La Filature de Mulhouse, du 15 au 17 février ;Théâtre de Lisieux, le 22 février.
Olympia, Centre Dramatique National de Tours du 13 au 17 mars ; Le Quai, Centre Dramatique National d’Angers-Pays de la Loire du 22 au 25 mai ; Théâtre Victor Hugo à Bagneux le 13 juin.
La Divine Origine (Dieu n’a pas créé l’homme) de Marie Balmary, Editions Grasset et Fasquelle /Livre de Poche