En manque, texte et mise en scène de Vincent Macaigne
En manque, texte et mise en scène de Vincent Macaigne
Cela semblerait parler de l’actualité, de l’écart grandissant dans le monde entier entre très riches et très pauvres, et de cette nouvelle fonction de l‘art qui consiste à «défiscaliser» les revenus, en permettant aux super-riches de le devenir plus encore par le jeu d’un impôt moindre et d’un nouveau produit spéculatif, la collection. L’apothéose: une Fondation qui en offre la contemplation aux gens d’en bas.
Encore un conte, pour vieux enfants énervés. Il était une fois Madame Burini, richissime collectionneuse devenue milliardaire, partie d’ “en bas“, la Vallée, et qui, montée à Gstaad, emblème de la richesse à l’abri de l’impôt, est redescendue faire don aux pauvres d’une installation de copies de Caravage, avec en bonne place, un David et Goliath… Mais une horde révolutionnaire (dont la fille de la dame) sous le saint patronage de Che Guevara, viendra saccager toute la galerie.
On assiste d’abord à une parade de foire: sur un élévateur de chantier, la dame en paillettes tonitrue au mégaphone les tristes (et plutôt drôles) vérités de ce monde : l’argent fou, l’imposture de l’art… Ensuite il y a une aimable déambulation de quelques spectateurs et figurants dans l’exposition. Suit un long récit de la fille, de magnifiques nuages de fumigènes diversement éclairés, quelques jolies vidéos familiales et la visite d’une enfant très à l’aise, rangée ensuite dans un coffre-fort par son père… Puis il y a une longue séquence en boîte de nuit, avec quelques spectateurs et beaucoup de figurants assez habiles pour effrayer le bourgeois sans lui faire de mal, sur fond de basses à faire trembler les gradins.
Tout cela formant la métaphore du spectacle scénographié par Vincent Macaigne lui-même : beaucoup de bruit pour rien, et une pensée qui court les rues, quand elle n’est pas un pur brouillard. Une très belle image quand même : celle d’un être pris dans les filets du monde d’en haut et qui cherche à naître au monde d’en bas, en même temps que crève la « poche des eaux » (ce que l’on attend depuis le début du spectacle !).
Alors ? Un spectacle à la fois naïf et roublard : «Aimez-vous, embrassez-vous», martèle-t-on au public, et puis : «Non, c’est une blague». Un spectacle saturé, de sons (parfois intéressants), de fumée et de lumières stroboscopiques. Pas de vol sur la quantité ni même sur la qualité, mais quantité et qualité de rien ! La nostalgie de la nostalgie, même reprise et retravaillée, et l’angoisse d’une avant-guerre, dite, mais que Vincent Macaigne trouve une forme réellement forte, ne parviennent pas à faire sens.
Il affirme qu’il va peut-être lâcher le théâtre pour le cinéma et les arts plastiques : il a déjà fait des films mais en art, il n’en est pas encore à la radicalité cynique d’un Jeff Koons. Choisira-t-il d’être «idiot», comme le personnage de Fiedor Dostoïevski avec lequel il s’était trouvé quelques affinités, en montant un Idiot, il y a quelques années ? En tout cas, le public, plutôt froid l’autre soir, s’est trouvé en manque de théâtre, et même de questions sur le théâtre…
Christine Friedel
Grande Halle de la Villette, 211 avenue Jean Jaurès, Paris XIXème. T. 01 40 03 75 75, jusqu’au 22 décembre. En collaboration avec le Théâtre de la Ville hors-les-murs, et le Festival d’Automne.