La Vase, conception et mise en scène de Marguerite Bordat et Pierre Meunier

¢Photo Jean-Pierre Estournet

© Jean-Pierre Estournet

 

La Vase, conception et mise en scène de Marguerite Bordat et Pierre Meunier

 Au centre du plateau, une cuve ronde en tôle, pleine d’un liquide épais gris foncé où plonge un gros tuyau pendant des cintres, et côté cour, un évier et une grande table en inox sur roulettes. En fond de scène, une toile plastique avec des coulisses derrière, et sur chaque côté de la scène, un rideau à larges lamelles translucides, comme dans les entrepôts. “La vase, dit Marguerite Bordat, est une matière très plastique, très picturale et qui se dépose partout. Elle a un fort pouvoir d’étalement tant sur le plateau que sur les corps” et Pierre Meunier précise: “Elle n’est pas maîtrisable dans l’espace du plateau, ni dans son envahissement et ses déchaînements. Nous accueillons la dimension aléatoire de sa présence comme une indication au réveil à l’invention dans le présent de la représentation, curieux à chaque fois des images qui en surgissent.”

 La boue, la vase nous fascinent. Avec un matériau généralement composé d’argile liée à un solvant comme le bentonite de sodium et/ou la gélatine. Il y a un côté pipi-caca et un brin sadique, donc réjouissant pour le public, surtout quand les participant(e)s sont presque nus, ou portent un vêtement habillé. Ils sont ainsi englués, transformés en une sorte de sculpture molle et grise, sans regard, marchant difficilement ou pataugeant dans une matière visqueuse qui se dérobe sous leurs pieds. La lutte dans la boue est un événement-spectacle  que l’on pratique en Extrême-Orient comme la Fête de la boue en Corée du Sud mais aussi en Amérique du Nord. Et en Europe dans les jeux télévisés comme Fort Boyard.

Et il y a eu les fameuses empreintes d’Yves Klein avec des modèles nus et les élèves de l’Ecole des Beaux-Arts à Paris dans les années cinquante faisaient pratiquer aux nouveaux, lors des bizutages la trop fameuse fabrication de peinture verte par une fille nue enduite de bleu  et un garçon tout aussi nu, couvert de jaune… Il y a finalement  toujours eu une fascination des peintres et sculpteurs pour le jet de matière liquide ou mi-solide depuis Jackson Pollock, en passant par  César à partir de 1969 avec ses Expansions (voir l’exposition actuelle un peu décevante au Centre Georges Pompidou) avec du polyuréthane en coulées lisses et dures dont on ne peut contrôler avec exactitude la forme finale.

C’est dans cette filiation que se situe ce spectacle à mi-chemin entre ce qu’on appelle la performance en arts plastiques,  le plus souvent muette,  et le théâtre avec un texte, qui se veut pseudo-scientifique sur un mode décalé mais malheureusement pas très bien écrit et dit par Pierre Meunier. Au début, on assiste à un travail d’impression avec un jet de cette « vase » sur  une  feuille de plexiglas, ensuite couverte par une autre plaque du même matériau. Indéniable et très beau résultat que cette impression due à un certain hasard. Et ensuite? Des seaux pleins de cette vase sont vidés sur le plateau depuis les cintres, un gros tuyau envoie de l’air dans le grand bac, ce qui fait des glouglous…

On regarde mais en fait comme souvent dans un happening, et c’est la règle du jeu, il ne se passe pas grand-chose d’intéressant, même si, reconnaissons-le, il y a quelques instants assez drôles. Mais on l’attendait et on y a droit: des plongeons dans le bac d’où les acteurs ressortent méconnaissables. Tout cela sur un fond de bruits de mécanismes divers et variés pendant une heure et demi. Ce qui est bien long pour une “performance” en règle générale d’une durée plus limitée! On s’ennuie donc vite. Il y a un beau moment quand de minces tuyaux dans les murs font gicler des jets d’eau et de vase, mais l’ensemble reste mal maîtrisé et trop long.

 Pierre Meunier avait réussi quelques beaux coups avec des matériaux “durs” (voir Le Théâtre du Blog) mais ici, il semble se faire plaisir et nous sommes restés sur notre faim. Enfin cela procure du travail aux accessoiristes du Théâtre de la Ville qui doivent passer une bonne heure à au karchériser le plateau couvert de cette « vase ». Bref, vous pouvez vous épargner sans dommage cette chose prétentieuse, une soi-disant « prise de risque vers l’informe qui permet peut-être d’accéder à une plus grande liberté intime” (PPPP sic). Tous aux abris!

Philippe du Vignal

Théâtre des Abbesses-Théâtre de la Ville, rue des Abbesses, Paris (XVIII ème), jusqu’au 18 janvier. T. : 01 42 74 22 77.

 

 


Archive pour 9 janvier, 2018

Pour Hélène, texte et mise en scène de Manos Karatzoyannis

 

Pour Hélène, texte et mise en scène de Manos Karatzoyannis

©karol jarek

©karol jarek

L’histoire d’Hélène Papadaki, célèbre comédienne grecque (1903-1944) est liée à deux faits bien distincts: d’abord sa vie dans une société qui ne donnait pas alors aux femmes certaines libertés, comme, par exemple, le fait de fumer ou d’être homosexuelle! Et sur les plan historique et politique, dans la Grèce de cette époque ravagée par la guerre civile et les problèmes sociaux, exister aux côtés de l’autre supposait un minimum de volonté chez une actrice pour partager des choses et vivre sous le même toit !

La méfiance régnait en effet un peu partout sous les traits de «l’ennemi», porteur de la différence. Celui qui diffère, qui n’est pas comme les autre-comme la majorité des gens-dérange l’harmonie superficielle des causes et des faits, et la Guerre civile déchirait en deux, puis en petits morceaux, le discours social de ceux qui cherchaient un terrain propice pour être en paix dans une vie ordinaire. Et Hélène Papadaki, héroïne tragique chez Manos Karatzoyannis, devient presque une victime expiatoire : le bourreau obéit aux ordres donnés par ceux qui propagent la bonne-ou la mauvaise-réputation. La comédienne, que l’on doit sacrifier, a pratiqué dans sa vie personnelle, un libertinage qui fut sa manière à elle, de provoquer ceux qui l’entouraient et qu’elle n’a jamais craint. Elle attirait tous les regards, sachant dans son moi profond qu’elle faisait des choses où elle risquait sa vie,  pour soulager ceux qui souffraient.

Malgré tout, elle n’arrivait pas à  faire plus attention et à cacher certaines habitudes, comme celle de fumer. Elle ne cherchait pas non plus à  faire oublier le fait qu’elle était lesbienne et n’imaginait pas un instant que son libertinage à elle, puisse nuire à qui que ce soit. Innocente, elle n’avait peur de personne car elle pensait n’avoir commis que de belles «fautes», comme son intervention auprès de l’ennemi, quand il avait fallu sauver un innocent.

Manos Karatzoyannis met en scène ce monologue où la grande comédienne se confesse devant le public, juste avant d’être assassinée. L’auteur-metteur en scène s’appuie sur l’émotion jaillie de ses paroles; dans cette fable et dans les mots qu’elle utilise, on sent chez Hélène Papadaki, une envie de faire valoir son argumentation et d’être à la fois, juge d’instruction et accusée dans un tribunal où elle aurait dû être citée, si l’ennemi l’avait permis…   

Maria Kitsou interprète avec une grande justesse, soutenue par les beaux éclairages d’Alexandre Alexandrou, le personnage d’Hélène Papadaki, tuée injustement, et porte  un costume caractéristique d’une femme libre d’esprit et de manières… Marios Makropoulos joue, lui, un interlocuteur muet, qui, à la fin de la pièce et dans le noir absolu, l’exécutera  de sang froid!

Nektarios-Georgios Konstantinidis

Théâtre Stathmos, 55 rue Victor Hugo, Athènes. T : . 0030 211 40 36 322.

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