Un jour en octobre, de Georg Kaiser, mise en scène d’Agathe Alexis

 

8634b978b13fee0387cd8a868ac058e7Un Jour en octobre de Georg Kaiser, traduction de René Radrizzani, mise en scène d’Agathe Alexis

Étrange: la douce Catherine, jeune fille de bonne famille innocente et rêveuse, est tombée enceinte, comme on dit, d’un homme qui ne l’a jamais vue. Du moins, le croit-il, sous-estimant la puissance de la “première vue“. En réalité, elle est tout simplement tombée amoureuse au premier regard, et l’enfant, bien vivant, est le fruit de ce “haut mal“ qui s’est emparée d’elle. On n’en dira pas plus ; l’interrogatoire, à la fois juste et rigoureux, de l’oncle et tuteur de Catherine est captivant, et la logique impeccable des faits croise celle tout aussi implacable du rêve, alternant suspenses et surprises,  pour le plus grand plaisir du spectateur.

Avec Un jour en octobre, Georg Kaiser rend hommage à Kleist et au “ravissement“ que subit sa Marquise d’O (au double sens du terme) et, bien sûr,  à l’entêtement amoureux de La Petite Catherine de Heilbronn, frappant le lieutenant d’un étourdissement comparable à celui qui saisit le Prince de Homburg. Que s’est-il passé ? Une seule chose : chacun à son moment décisif, Catherine et le lieutenant Jean-Marc Marrien (le nom est important) savent qu’ils ont trouvé leur vraie voie, leur vérité immédiate.

Ici, l’auteur ne se prive pas pour autant, de donner aux faits des causes concrètes, parfois triviales. L’enfant, né de l’amour mystique, a bien un père biologique, comme celui de dona Prouhèze, né de Don Camille dans Le Soulier de Satin, est bien le fils de Rodrigue, l’homme aimé et jamais touché.

Invraisemblances échevelées, coups de théâtre et retournements : avec ces hommages et ces défis, Georg Kaiser fait exploser le drame bourgeois et sa priorité donnée à “l’honneur de la famille“. Et cela avec un humour particulier, né du choc, parfois à l’intérieur d’une même réplique, entre la connaissance mystique de l’Autre et la trivialité des nécessités sociales, la mesquinerie des détails quotidiens. Ce double excès donne sa couleur expressionniste à la pièce.

Agathe Alexis y excelle et sait emmener ses comédiens vers un jeu rapide et précis, accentué juste un peu trop, forçant le trait pour faire une place aux indispensables ruptures de ton. Bruno Boulzaguet (le lieutenant), passe remarquablement d’une bonne foi opaque, aux aperçus célestes ; Benoît Dallongueville (le garçon boucher) passe lui, de l’honnêteté du prolétaire, à la dureté du négociateur, pour s’envoler à son tour, saisi par les vertiges de l’amour… Quant au prêtre-gardien (Jaime Azulay) et à Catherine (Ariane Heuzé), ils restent dans leur angélisme et la force de leur innocence, ce qui ne manque pas de faire sourire. À saluer entre tous: Hervé Van der Meulen, magistral dans le rôle de l’homme juste, inaccessible au mysticisme mais non à la colère de ne rien comprendre.

Un Jour en octobre n’a rien d’un spectacle sur les questions actuelles de bioéthique (procréation assistée, paternité…) : il y est question du destin, constitué d’accidents et de rencontres, de l’amour comme voie de connaissance qui s’ouvre et ne se referme pas, et de l’irruption du transcendant en notre bas monde… Un drame bourgeois métaphysique et du beau travail qui nous sort vigoureusement des sentiers battus.

Christine Friedel

Théâtre de l’Atalante, 10 place Charles Dullin, Paris XVIIIème. T. 01 46 06 11 90, jusqu’au 13 février

 

 

 

DAROU L ISLAM |
ENSEMBLE ET DROIT |
Faut-il considérer internet... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Le blogue a Voliere
| Cévennes : Chantiers 2013
| Centenaire de l'Ecole Privé...