Paysages Intérieurs conception et mise en scène de Philippe Genty
Paysages Intérieurs, conception et mise en scène de Philippe Genty, chorégraphies de Mary Underwood, création musicale de René Aubry
Le spectacle avait été créé à Neuilly il y a plus d’un an, était encore brut de décoffrage (voir Le Théâtre du Blog) et à la première, souffrait de nombreuses imperfections techniques. Maintenant tout est impeccablement réglé, et Philippe Genty en a changé le début-pas fameux du tout-et l’a remplacé par un numéro d’escamotage avec une valise assez sidérant. Puis on retrouve ce personnage, comme sorti tout droit d’un tableau de René Magritte, qui monte (on ne sait comment) un escalier de quelques marches qui flotte en l’air, pour atteindre un petit palier avec une porte qui donne sur une autre porte donnant elle-même sur le vide. Sublime d’invention et de poésie…
Bref, de la grande magie théâtrale, enveloppée d’une belle musique planante-mais est-ce bien le mot qui convient?-signée René Aubry, son très fidèle complice. « D’images, je spécule, de rêveries en métaphores, de loufoque en potache, et Paysages Intérieurs, dit Philippe Genty, est un voyage. Celui d’un homme qui, par les images, les marionnettes, la danse et la musique nous livre des images de son voyage intérieur. Celle d’un monde où se confondent le sublime, le terrifiant et la poétique plastique. Après la parution de mon odyssée personnelle chez Actes Sud, il y a deux saisons, j’ai décidé de donner corps et images à l’ouvrage d’une vie.»
Il y a de grandes et petites marionnettes, et des comédiens pour animer ces images parfois fabuleuses que l’on retrouve avec plaisir comme ces apparitions de créatures molles à mi-chemin entre le végétal et l’animal, dont les membres tentaculaires sont coiffées de têtes humaines… Le tout sous de belles lumières de Thierry Capéran. Moins convaincantes parce que répétées, ces explosions suivies d’images d’un violent incendie qui embrase successivement trois chalets dans la montagne, puis un en modèle réduit, souvenirs cauchemardesques d’enfance de Philippe Genty. Mais il y a aussi de très grands et inquiétants insectes aux mandibules rouges qui avancent dans un espace infini.
Aux meilleurs moments, cette relation métaphysique de l’homme à l’animal et/ou à l’objet, et aux forces de la nature : vent, océan… fonctionne. Et les adultes, comme les enfants qui en ont pourtant sûrement vu d’autres, en jouant à leurs jeux vidéo, découvrent avec délices la magie d’un spectacle réalisé avec des moyens techniques assez simples mais très efficaces comme ce sol élastique, et d’une grande maîtrise: soufflerie, changement d’échelle ou ombres portées, et projections vidéo très grand format. Tous ces effets visuels nés de l’imagination d’un poète sont maîtrisés avec virtuosité par ses manipulateurs-interprètes: Amador Artiga, Maja Bekken, Balázs Jerger, Scott Koehler, Simon Rann, Madeleine Fredstad Roseth, Benedikte Sandber.
Mais restent malheureusement de sacrées longueurs (eh! oui, cela existe aussi dans le théâtre visuel!) comme, entre autres, cette opération chirurgicale sans aucun intérêt et qui n’en finit pas. Et on a bien du mal à entrer dans cette saga onirique sur fond d’exorcisme personnel; même si elle est très bien réalisée, elle souffre d’un manque de scénario et donc d’unité-sans doute parce qu’elle reprend sans vrai fil rouge certains morceaux d’anciens spectacles de Philippe Genty…
Le compte artistique n’y est donc pas tout à fait, et le public semblait partagé: ceux qui en avaient déjà vu, étaient comme nous, très déçus, et ces Paysages intérieurs nous ont laissé la même impression d’insatisfaction que lors de la première. Mais ceux qui venaient pour la première fois voir un spectacle de Philippe Genty, se laissaient plus facilement porter…
Philippe du Vignal
Spectacle joué au Treizième art, Place d’Italie, Paris XIIIème, du 17 au 21 janvier.
Théâtre de Béziers, le 26 janvier.