Peer Gynt d’Henrik Ibsen, traduction de François Regnault, mise en scène et adaptation de David Bobée

Peer Gynt d’Henrik Ibsen, traduction de François Regnault, adaptation et mise en scène de David Bobée

 3F9F4B82-A781-4CBF-979A-32B6B5FB4654Dans une ambiance de fête villageoise, au son de musiques folk américaines, apparaît le héros, de retour vers la caravane de sa mère. Il lui conte ses extravagants exploits dans les montagnes, sur le dos d’un grand bouc. Tout en l’accusant de menterie, elle savoure ses bobards. L’ambitieux gamin, «monteur de bouc, prince du mensonge» rêve d’aventures extraordinaires, de conquêtes et de pouvoir. Il s’enfuira dans les montagnes, quittera la ferme familiale pendant une noce, après avoir enlevé puis abandonné la jeune mariée. Il rencontre et épouse la fille du Roi des Trolls, et s’évade, refusant de s’intégrer à ce peuple de barbares et d’adopter leur devise : « Suffis-toi à toi-même ».

Après avoir accompagné sa mère jusque devant Saint-Pierre aux portes du Paradis, en la berçant d’un récit fantastique, le jeune homme quitte la Norvège. Dès lors, il n’aura de cesse de parcourir le monde. Il fait fortune entre le Maroc et l’Amérique comme trafiquant d’esclaves, errera ensuite dans le désert africain, rencontrera d’étranges créatures et survivra au naufrage du bateau qui le ramène dans son village natal. «Empereur des fous», sera le seul titre conquis en cours de route,  décerné par le médecin fou d’un asile d’aliénés au Caire. Ulysse de pacotille, aussi rustre que séduisant, une fois son ambition brisée, il mourra dans les bras de sa fidèle fiancée, la pure Solveig qui l’a attendu au pays.

 «Je n’ai jamais rien écrit d’aussi fou», disait Henrik Ibsen (1826-1906). Ecrit alors qu’il était en Italie-un séjour qui dura vingt ans!-ce long poème dramatique de quelque six heures, s’inspire de contes populaires norvégiens. Créée à Oslo en 1876, sur la musique d’Edouard Grieg mais sans le quatrième acte, la pièce fut montée à Paris vingt ans plus tard à Paris en 1896, mais pas dans son intégralité, par Lugné-Poe au Théâtre de l’Oeuvre, à Paris. Réputée injouable, elle connut cependant un grand succès et a souvent été représentée en France comme ailleurs. Il y eut les mémorables réalisations d’André Reybaz en 1958 au T.N.P. à Paris, puis de Patrice Chéreau avec Gérard Desarthe dans le rôle-titre au T.N.P. à Villeurbanne en 1981. En ce moment, il y a deux mises en scène (voir Le Théâtre du Blog) de cette pièce dont la richesse a de quoi stimuler femmes et hommes de théâtre.

Pour David Bobée, directeur du Centre Dramatique National de Normandie-Rouen, la pièce renvoie à notre condition d’hommes modernes et il nous propose de suivre pendant trois heures trente (entracte compris), ce personnage principal ambigu et sa quête sans objet autre que «soi-même», qui vire au fiasco à chaque épisode: «Il y a quelque chose dans Peer Gynt, dit-il, de l’épopée qui entre en écho avec notre temps. Le personnage s’agite pour rien,  ne sait que faire de ses victoires, n’apprend rien de ses défaites. Il en va de l’œuvre comme du protagoniste, point de noyau derrière les pelures».  A l’heure de sa mort,  pour répondre à la question qui décidera de son existence posthume :« Qui est Peer Gynt?», il se compare en effet à l’oignon qu’il pèle devant nous, sans consistance sous ses couches superposées.

La mise en scène s’accompagne d’une riche production d’images, très travaillées. Les trois premiers actes se déroulent dans un décor unique : sur le sol terreux d’une place de village, des rails de « scenic railway » figurent les montagnes alentour. La musique de Butch McKoy à la guitare, évoque avec ses accents de western, un bled perdu quelque part en Amérique. En fond de scène, une gigantesque tête de clown renversée rappelle que nous sommes au théâtre, (Peer Gynt n’est-il pas qu’un bouffon?). Comme les manipulations à vue des éléments de décor par les techniciens. La vieille caravane de la mère, déplacée selon les circonstances, servira d’habitacle à d’autres personnages… Un cirque ou un Luna Park, espace à tout faire, où se déroulent les noces avortées, et où surgissent les Trolls, exhibant, en guise de noble monture, une gigantesque tête de cochon argentée. Après l’entracte, on retrouvera Peer Gynt vingt ans plus tard, dans un salon contemporain, au milieu d’hommes d’affaires en costume. Suivent des séquences oniriques en contre-jour : on le voit aux prises avec des singes agressifs et moqueurs, des houris du désert, sur un bateau dans les brumes d’une tempête. Le rythme s’accélère avec des scènes plus courtes et plus enlevées. Mais celle de la mort du héros est un peu longue…

Les comédiens habitent ces images saisissantes, comme s’ils peuplaient un grand livre illustré. Radouan Leflahi, Peer Gynt gracieux et athlétique, d’une élégance féline, a une vraie présence face aux personnages qui gravitent autour de lui et qui adoptent, eux aussi, un jeu très physique. Il tient sa partition jusqu’au bout mais semble moins à l’aise avec les morceaux de bravoure plus littéraires comme la magnifique scène avec Ase, sa mère mourante : «Là-bas, au loin, qu’est-ce qui brûle et qui flambe? Quelle est cette lumière? – Ce sont lui, répond Peer Gynt, les fenêtres et les portes du château. On y danse, tu entends? Sur le seuil, se tient Saint-Pierre et il te prie d’entrer». Jérôme Bidaux compose une sorte de diablotin, figure récurrente, il incarne à la fois le Grand Courbe, magicien énigmatique prônant le contour des obstacles, et le fondeur de boutons, figure de la mort, qui menace Peer Gynt de refondre le bouton raté qu’il est, au lieu d’emporter son âme vers l’au-delà.

 L’énergie des comédiens, la beauté de images, la musique folk américaine jouée sur le plateau, nous entraînent dans un voyage imaginaire ancré cependant dans une actualité contemporaine. Dans cette mise en scène, les fantasmagories les plus folles cohabitent avec des effets de réel, notamment dans la scène où Peer Gynt, devenu un homme d’affaires sans scrupules mais naïf, se fait dépouiller par des requins plus cupides que lui… Nous savourons comme une fable moderne, malgré quelques baisses de rythme, les aventures de ce héros ni bon ni mauvais, courant après lui même dans une éternelle fuite en avant …

 Mireille Davidovici

Les Gémeaux, 49 Avenue Georges Clémenceau, Sceaux (Hauts de Seine). T. : 01 46 61 36 67, jusqu’au 4 février.

Les 8 et 9 février, Théâtre des Salins, Martigues,  et le 16 février, l’Avant-Scène, Colombes (Hauts-de-Seine). Les 21 et 22 février, Scène Nationale, Flers (Orne).
Les 8 et 9 mars, Carré Colonne Saint-Médard-en-Jalles (Gironde). Les 20 et 21 mars La Passerelle, Saint-Brieuc.
El le 19 avril, Scène du Golfe, Vannes.

 


Archive pour janvier, 2018

Oussama, ce héros, de Dennis Kelly, mise en scène de Martin Legros

 

Oussama, ce héros, de Dennis Kelly, mise en scène de Martin Legros

165BDEAB-1A50-4499-8552-29447C748E3E «On s’appelle La Cohue, on vient de Caen», annonce l’un des comédiens qui désigne en quelque mots les personnages, avant d’entrer dans le sien, celui de Gary : «Je suis un peu bizarre», dit-il. Mais pas moins bavard et, parmi ses confidences, il évoque la complexité des structures sociales et le rôle qu’il y joue, et que l’on découvrira peu à peu.

Dans un quartier de la périphérie urbaine d’une ville anglaise, cinq laissés-pour-compte vivotent sans espoir de lendemain : un lycéen triste et timide qui passe pour un demeuré mais qui se pose des questions, un frère et une sœur trentenaires qui ressassent leur mal-vivre dans une insécurité permanente, et, réfugié dans le seul garage du quartier pas encore incendié, un quinquagénaire pathétique qui entretient une relation un peu glauque avec une adolescente paumée.

Gary tente de passer inaperçu mais son comportement étrange et son engouement pour Oussama Ben Laden vont le désigner pour cible de ses voisins aux haines larvées. Et leur violence refoulée se déchaînera sur le maillon faible : l’innocent.Trois actions se déroulent en parallèle, jusqu’à se cristalliser en un règlement de compte qui tourne au drame.
Dennis Kelly a écrit Oussama, ce héros, peu après l’attentat du 11 septembre aux Etats-Unis, quand de nombreux jeunes Anglais partaient faire le djihad. Il montre comment, dans un contexte d’insécurité et en l’absence de perspectives, des jeunes choisissent cette voie, et que d’autres retournent leurs rancœurs et frustrations contre leurs semblables. L’auteur britannique s’attache surtout aux mécanismes qui engendrent ces comportements. Par petites touches, la situation s’envenime doucement, et les acteurs prennent le temps de nous attirer dans leur univers et de nous faire vivre cette éclosion, avec des adresses au public. Le langage des personnages est comme hésitant, leurs idées affleurent en vrac. Du fait d’une dramaturgie éclatée et de dialogues troués, comme improvisés, on ressent ici un certain flottement sur le plateau.

Ce n’est pas faute d’énergie: d’entrée de jeu, les comédiens  y vont à fond, et la tension est à son acmé avant le drame final dont l’insupportable violence -jamais montrée- est soulignée par des musiques et lumières agressives. Decrescendo, on entend le monologue consolateur de l’adolescente, qui, en témoin passif, a indirectement trempé dans le crime. L’auteur, par le truchement de ce personnage, tente une explication et propose des pistes à la résilience : «Il faut croire en quelque chose, pour croire en l’avenir, et avoir un avenir, quelque chose pour avancer ». Une petite lueur dans cette œuvre noire… «Notre démarche, explique le metteur en scène : créer avec les spectateurs ce qu’on appelle un réel de plateau, (…) Il ne s’agit pas de faire comme s’ils n’étaient pas là,  par pure convention de type quatrième mur (…).  Le  rapport scène /salle crée une vraie rencontre de théâtre».

Au festival Impatience 2015, nous avions vu et apprécié Visages de feu de Marius von Mayenbourg, monté par ce même collectif. Mais ici nous resterons plus réservés : était-il besoin de surenchérir à ce point sur les propos de Dennis Kelly? Et de faire autant d’appels du pied au public ?  Du coup, le rythme du spectacle et la force de la pièce s’en trouvent un peu émoussés. Dommage ! Pour servir cette pièce d’une cruelle actualité, une belle énergie émane du collectif La Cohue et le spectacle aurait pu emporter davantage l’adhésion du public.

 Mireille Davidovici

 Le Monfort Théâtre, 106 rue Brancion, Paris XlVème. T. 01 56 08 33 88, jusqu’au 27 janvier.

Les Reines de Normand Chaurette, mise en scène d’Elisabeth Chailloux, collaboration artistique d’Adel Hakim

 

Photo Alain Richard

Photo Alain Richard

Les Reines de Normand Chaurette, mise en scène d’Elisabeth Chailloux, collaboration artistique d’Adel Hakim

 Cela se passe dans l’Angleterre du XIVème et William Shakespeare a conté cette guerre des Deux-Roses dans Henri IV, Henri V, Henry VI et Richard III qui ont inspiré l’écrivain québécois dont la pièce (1991) est maintenant bien connue en France et jouée partout. Joël Jouanneau avait monté la pièce six ans après sa création à Montréal, avec Martine Chevallier, Catherine Hiegel et Christine Fersen.  

Nous vous épargnerons toute la généalogie royale du Royaume-uni, très compliquée pour les  Français… comme pour nos contemporains anglais. On est dans une tour du Château de Londres, le 20 janvier 1483 : Richard va faire assassiner les enfants de la reine Elisabeth dont l’époux, le roi Edouard IV agonise dans une chambre proche. Mais on ne verra ici aucune homme, pas même un serviteur. Il y a réunies dans un dramatique huis-clos, les mères, épouses et sœurs de ces hommes qui convoitent le trône d’Angleterre, et en conflit ouvert et violent comme entre Élizabeth et Isabelle, épouse de George et possible reine, ou la duchesse d’York, mère d’Edouard IV et  Richard III (quatre-vingt dix neuf ans) incapable d’un véritable sentiment maternel. A son âge, elle n’a plus aucune illusion, quand enfin elle obtient cette couronne si convoitée : «J’ai régné dix secondes. Et j’ai vu ce que je voulais voir.  Je me suis élevée sur le sort pitoyable du monde». Et la reine Marguerite, future épouse de notre Henri IV, qui s’accroche à un globe terrestre sur roulettes, qui voit les choses avec philosophie: «Les maux de l’Angleterre me feront sourire en France.» Et Anne Dexter, la sœur des rois, qui a eu les mains coupées que l’on a prié de rester muette. Et sa sœur Isabelle. Et Anne Warwick… Toutes sauf Anne, vont donc se battre pour la couronne. Vous suivez toujours? Avides de pouvoir absolu, elle parlent beaucoup, et dans une langue remarquable,  comme pour exorciser le malheur qu’elles voient arriver.

Ces six femmes dont les personnages existent bien dans les tragédies de l’immense dramaturge, convoitent le trône d’Angleterre, et vont revivre ce jeudi 20 janvier, jour de la mort d’Edward IV et de la prise de pouvoir par Richard. Fils de la duchesse d’York, et frère d’Anne Dexter, il épousera Anne Warwick que le pouvoir fascine et horrifie à la fois: «L’idée de régner sur cette île m’est insupportable, me terrorise, et est un mauvais rêve. »Perfidie, manque d’amour maternel, ambition démesurée, sous-entendus fielleux: les mots de Normand Chaurette,  bon connaisseur du théâtre shakespearien, frappent sec…

Elisabeth Chailloux a bien choisi-et on le sait : une bonne distribution, c’est déjà la moitié d’une bonne mise en scène-et elle a dirigé ses six comédiennes avec une grande précision mais sans aucune sécheresse. Ce qui est plus rare dans le théâtre contemporain… Il y a ici, à l’évidence, un jeu d’une belle unité et qui donne toute sa force au spectacle. Avec Bénédicte Choisnet (Anne Dexter), Pauline Huruguen (Isabelle Warwick), Anne Le Guernec (la Reine Élisabeth), Marion Malenfant (Anne Warwick). Et Sophie Daull (la duchesse d’York) et Laurence Roy (la Reine Marguerite)… Mention spéciale à toutes les deux, absolument magnifiques. Mais toutes ont une sacrée présence,  un jeu toute en nuances et sans criaillerie aucune.  Et crédibles dès qu’elles arrivent sur ce grand plateau.

Cette mise en scène est sans aucun doute la meilleure d’Elisabeth Chailloux, comparable, dans le registre shakespearien, à celles de Jean Vilar, Roger Planchon ou Antoine Vitez pour ne citer qu’eux… Rien n’est ici approximatif et tout fonctionne parfaitement pour dire la solitude et l’appétit de revanche absolue de ces femmes qui veulent aussi, comme les hommes, avoir droit au pouvoir suprême et qui sont prêtes, pour le conquérir grâce à la parole, à se battre sans concession

La metteuse en scène a mis ici toutes les chances de son côté. Rigueur de la dramaturgie, impeccable direction d’actrices, conception et réalisation d’images tragiques d’une grande force et d’une rare beauté, parfaite maîtrise de l’espace scénique… Il faut aussi dire un grand merci et voir à Adel Hakim, codirecteur avec elle de la Manufacture des Œillets. Malheureusement, les dieux ne lui auront pas laissé le répit nécessaire avant sa mort il y a quelques mois, pour qu’il puisse assister à la première de cette exceptionnelle mise en scène qu’Elisabeth Chailloux a réalisé avec sa collaboration.

Yves Collet  a conçu une scénographie bi-frontale très réussie: un grand et long plateau nu juste avec un fauteuil en bois et un globe terrestre. Sur une vingtaine de mètres et sur deux passerelles en hauteur qui ajoutent une dimension de vertige à toute cet espace. Il a aussi imaginé des spots de lumière blanche et crue,  renforçant la puissance du jeu des comédiennes. La metteuse en scène a su bien mettre en valeur ici grâce à un bon rythme, la temporalité de cette nuit où se joua cette tragédie du pouvoir qui marqua le pays, quand le 20 janvier 1483, agonisa le roi Edward.  Sur fond sonore très efficace: des God save the queen répétés ponctuent l’action, comme ces volées de cloches et ces sinistres hurlements de vent accompagnant significativement la grandeur royale, mais aussi toute la sauvagerie de cette folle conquête du pouvoir absolu.

Aux chapitres des petites réserves: on oubliera ces fumigènes en nappe coulant trop souvent sur le sol (un bel effet qui marche à tous les coups mais usé) et les cadavres d’enfants dans de grands bocaux, d’un surréalisme encombrant. Mais bon, ce n’est rien à côté de la rigueur et de la force de cette mise en scène; si vous le pouvez, allez jusqu’à Ivry, on vous jure que vous ne le regretterez pas. Sinon, attendez ce spectacle d’une qualité exceptionnelle sera sans doute repris l’an prochain…

Philippe du Vignal

Manufacture des Œillets, Place Pierre-Gosnat, Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne). T: 01 43 90 11 11, jusqu’au  29 janvier.

La Comédie de l’Est -Colmar, du  6 au 9 février.

 

 

 

 

Le défilé haute couture de Rynshu

Le défilé haute couture de Rynshu

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dessin de Rynshu

 Pour la maquette initiale, il définit tous les élément du vêtement, y compris chapeau et chaussures. Une collection compte environ vingt-cinq prototypes où domine le noir. Et il invente une coiffure pour chaque modèle et il y a donc une dizaine de coiffeurs et maquilleurs qui l’accompagne à chaque défilé. Très souvent, ses mannequins portent des perruques. La plupart de ses présentations se déroulent dans les salons de l’hôtel Meurice, à Paris. Pointilleux à l’extrême, il définit lui-même l’emplacement des chaises pour le public, et le parcours de ses mannequins. 

 Comme si la mode ne lui suffisait pas, ce touche-à-tout a aussi publié un livre en 2012, édité en France, en Chine et au Japon, et intitulé Black Legend. Découpé en séquences comme un scénario de cinéma, il comporte dialogues et dessins illustrant les 193 scènes de ce premier roman graphique qui a donné naissance à un film qui a été présenté au festival de Cannes 2012. L’an dernier, son défilé avait eu lieu sur la terrasse de la suite Belle Étoile de l’hôtel Meurice, avec, en toile de fond, le ciel de Paris : un moment magique…  Cette année, plus intimiste, le défilé a eu lieu dans un salon de ce même hôtel devant un public restreint qu’il a plongé dans les années cinquante, au début de la haute couture parisienne. Nous avons donc rencontré un vrai artisan de la mode, loin des multinationales de l’habillement… Après le cinéma, Rynshu pourrait, comme certains de ses illustres prédécesseurs, se tourner vers le spectacle vivant!  

 Jean Couturier

 Défilé vu le 22 janvier à l’Hôtel Meurice, Paris VIIIème.

           

Blue-s-cat-Variations, librement inspiré de Koffi Kwahulé, mise en scène de Alexandre Zeff

 

Blue-s-cat-Variations, librement inspiré de Koffi Kwahulé, mise en scène d’Alexandre Zeff

 IMG_9040 2L’auteur d’origine ivoirienne, dramaturge, comédien et metteur en scène, a été lauréat du Grand prix de littérature dramatique 2017, et Alexandre Zeff avait déjà monté de lui Big shoot et Jaz Shoot. Blue-s-cat est le dernier volet de ce triptyque.C’est une sorte de conte musical sur  des airs de jazz,  au tempo entêtant. Avec entre autres, Cat’s Meow,  Blue Moon Rising ou What a wonderful world (1967) de Louis Amstrong, joué par le Mister Jazz Band : Etienne Alsamia, Louis Jeffroy, Gilles Normand et Franck Perrolle : «I see trees of green, red roses too/I see them bloom for me and you/And I think to myself what a wonderful world/I see skies of blue and clouds of white… »

Mais le monde n’est pas aussi beau qu’on le chante parfois, et Koffi Kwahulé ne tolère aucune complaisance dans ce qu’il est convenu d’appeler par euphémisme, le «savoir-être» contemporain, un concept malmené par une société froidement oppressive. Peu de personnages dans ce théâtre,  une seule femme pour Jaz, et dans Blue-s-cat (2005), un homme et une femme  bloqués dans un ascenseur en panne; dans cet espace fermé, ils en deviennent violents et cela finira avec le meurtre de l’homme par la femme qui a une peur injustifiée de lui. Ces prisonniers malgré eux quittent en imagination la cage des temps modernes : dans un temps correspondant au silence de la parole tue, à la pensée intérieure qui tourne sur elle-même. Leur corps alors  se libère : claquettes, hip-hop acrobatique : autant de performances physiques de haut vol, tracées au cordeau dans l’espace et le temps par Alexandre Zeff, dont Vanessa Bile-Audouard et Abdou N’Gom sont les excellents interprètes.

Une  rencontre d’abord artistique pour le bonheur d’un public ravi, mais  aussi profondément humaine  quand l’auteur évoque les ratages de la vie. La pièce,  (écrite en 2005), disait déjà comme on le dévoile  maintenant, ce qu’une femme subit au quotidien mais aussi ce qu’un homme peut aussi éprouver : un sentiment d’agression et de mal-être. Il est noir, et elle, blanche; elle va preque aussitôt le soupçonner de vouloir l’agresser sexuellement et la tuer. Elle s’invente des peurs, doutes et menaces mais fébrile et inquiète, elle est surtout immensément seule. Enfermée dans cette cabine d’ascenseur, et en colère, elle s’imagine le pire : «Je ne sais pas d’où il sort, jamais je ne l’ai rencontré. Ni dans l’ascenseur ni dans le couloir. Ni dans le parking… »

Dans un délire à n’en plus finir, elle évoque les attentats des tours jumelles à New-York où beaucoup ont préféré sauter par la fenêtre plutôt qu’emprunter les escaliers; ceux restés sans  aucune possibilité de fuir, ont été vaporisés… « Pas de corps à honorer. Et là, impossible de faire le deuil… Et c’est à ce moment-là, dans le corps absent, que commence la vraie tragédie. » Lui, reste absorbé par ses  soucis : impôts et pourcentages financiers qui, bien sûr, n’ont rien à voir avec un comportement dangereux qu’elle, toujours sur la défensive, lui imagine.

Erreurs, quiproquos, malentendus quotidiens affectent les êtres, parfois incapables de la moindre empathie ou compréhension envers l’autre. Entre sensations d’identité et d’altérité, l’écriture de Koffi Kwahulé, proche du jazz, distille à profusion, ratés et brisures, tremblements et tensions de la vie.  Cette musique d’origine afro-américaine puis esthétique commune du XX ème et sans doute du XXI ème siècle, avec ici des standards de blues et de comédies musicales, traduit, on le sait, les désarrois, colères et espoirs des musiciens noirs…

Un spectacle fort aux vibrations politiques mais aussi poétiques.

Véronique Hotte

Spectacle joué à La Loge, 77 rue de Charonne, Paris XIème, du 15 au 18 janvier. T. : 01 40 09 70 40.

Blue-s-cat, comme la plupart des œuvres de Koffi Kwahulé, est publiée aux Editions Théâtrales.

 

 

Paysages Intérieurs conception et mise en scène de Philippe Genty

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Paysages Intérieurs, conception et mise en scène de Philippe Genty, chorégraphies de Mary Underwood, création musicale de René Aubry

Le spectacle avait été créé à Neuilly il y a plus d’un an, était encore brut de décoffrage (voir Le Théâtre du Blog) et à la première, souffrait de nombreuses imperfections techniques. Maintenant tout est impeccablement réglé, et Philippe Genty en a changé le début-pas fameux du tout-et l’a remplacé par un numéro d’escamotage avec une valise assez sidérant. Puis on retrouve ce personnage, comme sorti tout droit d’un tableau de René Magritte, qui monte (on ne sait comment)  un escalier  de quelques marches qui flotte en l’air, pour atteindre un petit palier avec une porte qui donne sur une autre porte donnant elle-même sur le vide. Sublime d’invention et de poésie…

Bref, de la grande magie théâtrale, enveloppée  d’une belle musique planante-mais est-ce bien le mot qui convient?-signée René Aubry, son très fidèle complice. « D’images, je spécule, de rêveries en métaphores, de loufoque en potache, et Paysages Intérieurs, dit Philippe Genty, est un voyage. Celui d’un homme qui, par les images, les marionnettes, la danse et la musique nous livre des images de son voyage intérieur. Celle d’un monde où se confondent le sublime, le terrifiant et la poétique plastique. Après la parution de mon odyssée personnelle chez Actes Sud, il y a deux saisons, j’ai décidé de donner corps et images à l’ouvrage d’une vie.»

Il y a de grandes et petites marionnettes, et des comédiens pour animer ces images parfois fabuleuses que l’on retrouve avec plaisir comme ces apparitions de créatures molles à mi-chemin entre le végétal et l’animal, dont les membres tentaculaires sont coiffées de têtes humaines… Le tout sous de belles lumières de Thierry Capéran. Moins convaincantes  parce que répétées, ces explosions suivies d’images d’un violent incendie qui embrase successivement trois chalets dans la montagne, puis un en modèle réduit, souvenirs cauchemardesques d’enfance de Philippe Genty. Mais il y a aussi de très grands et inquiétants insectes aux mandibules rouges qui avancent dans un espace infini.

Aux meilleurs moments, cette relation métaphysique de l’homme à  l’animal et/ou à l’objet, et aux forces de la nature : vent, océan… fonctionne. Et les adultes, comme les enfants qui en ont pourtant sûrement vu d’autres, en jouant à leurs jeux vidéo, découvrent avec délices la magie d’un spectacle réalisé avec des moyens techniques assez simples mais très efficaces comme ce sol élastique, et d’une grande maîtrise: soufflerie, changement d’échelle ou ombres portées, et projections vidéo très grand format.  Tous ces effets visuels nés de l’imagination d’un poète  sont  maîtrisés avec virtuosité par ses manipulateurs-interprètes: Amador Artiga, Maja Bekken, Balázs Jerger, Scott Koehler, Simon Rann, Madeleine Fredstad Roseth, Benedikte Sandber.

Mais restent malheureusement de sacrées longueurs (eh! oui, cela existe aussi dans le théâtre visuel!) comme, entre autres, cette opération  chirurgicale sans aucun intérêt et qui n’en finit pas. Et on a bien du mal à entrer dans cette saga onirique sur fond d’exorcisme personnel; même si elle est très bien réalisée, elle souffre d’un manque de scénario et donc d’unité-sans doute parce qu’elle reprend sans vrai fil rouge certains morceaux d’anciens spectacles de Philippe Genty…
 Le compte artistique n’y est donc pas tout à fait, et le public semblait partagé: ceux qui en avaient déjà vu, étaient comme nous, très déçus, et ces Paysages intérieurs nous ont laissé la même impression d’insatisfaction que lors de la première. Mais ceux qui venaient pour la première fois voir un spectacle de Philippe Genty, se laissaient plus  facilement porter…

Philippe du Vignal

Spectacle joué au Treizième art, Place d’Italie, Paris XIIIème,  du 17 au 21 janvier.
Théâtre de Béziers, le 26 janvier.

 

 

 

 

 

Une Adoration de Nancy Huston, adaptation et mise en scène de Laurent Hatat

 

Une Adoration de Nancy Huston, adaptation et mise en scène de Laurent Hatat

 

Crédit photo : Simon Gosselin

Crédit photo : Simon Gosselin

Une Adoration (2003) roman de Nancy Huston ressemble à une enquête policière autour du meurtre d’un certain Cosmo, artiste et séducteur, comédien célèbre, Berrichon né durant la Seconde Guerre mondiale,  et retrouvé tué de coups de couteau.. Les témoins?  Presque autant de suspects : Fiona, Franck,  Elke,  la maîtresse de Cosmo), Josette, Sandrine, un expert psychiatre… Arme blanche et crime passionnel s’entendent pour l’invention tragique.
Ces témoins s’adressent à un juge indéterminé : le public; ils ont connu la victime dont ils tentent de dresser un portrait approximatif. Humour, jeu et distanciation, la parole est donnée à ceux qui ont connu le disparu, et qui fabriquent un kaléidoscope lumineux.

A côté des acteurs de l’histoire, se tient la narratrice qui n’hésite pas à modérer les propos  et à interpeller le public. Emma Gustafsson incarne  cette belle inconnue, mystérieuse et tonique. Les commentaires des proches varient, selon leur engagement.  Comme  le psychiatre âgé, dont on ne voit qu’une bouche en élocution. Une image de télévision en noir et blanc des années 1950 mais on a coupé systématiquement la parole infatuée. Et aux vivants, se  joignent les morts : pour l’heure, le père et la mère du fameux Cosmo, puis Elke, la maîtresse du père.. Sur une verrière où il ne cesse de pleuvoir et où se reflète le ciel,  sont projetées les images vidéo des absents, dont la mère en colère contestant sur  le plateau, les médisances sur son fils. Des ombres glissantes sur le verre humide…

Sur la scène, se tient le cœur du trio et de l’histoire entière : la jolie mère irradie une foi lumineuse et confondante et porte un amour inconditionnel toujours et encore à Cosmo, son amant passionné à la présence intermittente… Océane Mozas, habitée par la loi des sentiments, résiste à toutes les attaques, à la fois paisible et déterminée dans ses certitudes.Mais Franck, le fils, et Fiona, la fille ne voient pas l’affaire d’un même œil : pour lui, Cosmo, vif et insolent, est un «clown fornicateur » qui a trop abusé de sa mère, incapable de se dessaisir de ce trompeur et séducteur : Yann Lesvenan a ici tout l’emportement et le contrôle attendus. Elle a pourtant souffert d’exister trop peu à ses yeux, alors qu’elle ne brillait que pour un saltimbanque beau parleur. Elle a connu, pendant ce temps d’abandon, des expériences douloureuses près des amis en errance de son frère qui ne la protégeait pas.  Jeanne Lazar a le sourire d’une belle personne décidée.

 Des proches, amis et amants de Cosmo, sont ici évoqués, énigmatiques. La traque du héros malgré lui n’aboutira finalement pas, mais les vivants résistent sur le plateau, tenants magnifiques d’une énergie inépuisable de vivre et désirer. «Nous sommes tous, écrit Laurent Hatat, des romans ambulants, foisonnant de personnages principaux et secondaires, ponctués par des ellipses, des moments de suspens et de drame, de longues descriptions ennuyeuses, des apogées et des dénouements».

Un théâtre efficace et pertinent.

Véronique Hotte

Théâtre de la Tempête, Cartoucherie de Vincennes, jusqu’au 18 février. T. : 01 43 28 36 36.
Une Adoration est publié aux éditions Actes Sud.

 

 

Kroum d’Hanokh Levin, mise en scène de Jean Bellorini

 

Kroum d’Hanokh Levin, mise en scène de Jean Bellorini (spectacle en russe, surtitré en français)

  NSK_0132Le spectacle a été créé  en décembre dernier avec la troupe du Théâtre Alexandrinski  à Saint-Pétersbourg.  Kroum revient dans son pays, bredouille, et n’a même pas de quoi rapporter un cadeau à sa mère. Il retrouve son quartier, ses potes, sa petite amie, ses voisins tels qu’il les a quittés. Tous subsistent, s’enfoncent ou meurent dans la médiocrité. Pusillanime, il rêve de repartir, d’écrire un roman ou d’un ailleurs pour échapper à son environnement misérable, où les habitants vivotent dans la promiscuité. Et l’auteur a affublé tous ses personnages de sobriquets.

Hanokh Levin (1943-1999), figure majeure du théâtre israélien contemporain, nous a laissé une cinquantaine de pièces, surtout des comédies aigres-douces. Ses personnages, prisonniers de leur  couple, de leur  famille ou d’une communauté,  ont  une lucidité terrible et un humour acide, dans la plus grande tradition du théâtre juif. L’irrésistible fantaisie de l’écriture, son cynisme ravageur se doublent toujours d’une tendresse de l’auteur pour leur maladresse constitutive. Kroum n’y déroge pas et dans une langue simple, parfois crue, où le ridicule confine parfois au poétique, offre une galerie de portraits hauts en couleurs.

 Un immeuble sans façade avec, sur trois niveaux, sept pièces exigües où les habitants vivent les uns sur les autres. Jean Bellorini a conçu ce décor pour montrer à la fois l’isolement des personnages: chacun dans sa case mais dans une promiscuité où vivent ceux dont nous allons peu à peu, à l’occasion du retour de Kroum, connaître l’intimité, les liens qui les unissent et les interactions entre eux.

 «Faire le choix d’un texte d’un auteur étranger ni russe, ni français  mais israélien, porteur d’une culture encore toute autre. Choisir un texte sans héros, ou plutôt avec un anti-héros absolu, qualifié sans ambiguïté possible, d’ectoplasme »,  a été le pari de Jean Bellorini. Il a proposé  Kroum à la troupe du théâtre Alexandrinski qui l’a invité à faire une mise en scène dans le cadre d’échanges entre la France et la Russie. Fondée en 1756 et située au cœur de Saint-Pétersbourg, cette prestigieuse maison classée au patrimoine mondial de l’Unesco, et dirigée aujourd’hui par Valeri Fokine, a accueilli  La Mouette d’Anton Tchekhov à sa création en 1896 et, durant le siège de Léningrad de 1941 à 1944, on y jouait gratuitement des opéras pour la population affamée.

 Le metteur en scène, directeur du Théâtre Gérard Philipe à Saint-Denis, cherchait un texte choral pour cette troupe russe. Dans Kroum, pas de personnage principal : tous sont embarqués dans la même galère. Une micro-société représentative des «gens d’en bas», d’ici ou d’ailleurs… Kroum l’ectoplasme, la quarantaine (Vitali Kovalenko), un Oblomov à la petite semaine, drague Trouda, la bougeotte (Vasilissa Alexéeva) elle-même courtisée par un autre soupirant qui finira par l’épouser. Tougati, l’affligé (Dmitri Lyssenkov), toujours malade, se marie avec Doupa, la godiche (Yulia Martchenko) avant de rendre l’âme, largué par sa femme mais entouré de ses amis. «Il est passé du ressort de la médecine, à celui du néant», épilogue le docteur Schibeugen, aux allures de croque-mort philosophe, quand Tougati décède, plein de regrets : «Ce que j’ai connu jusqu’à présent, ça ne s’appelle pas vivre.» «Pense à l’amour qu’on ne nous a pas appris à prendre, qu’est-ce que tu perds ? », lui dit Kroum pour le consoler.  Et il y a les aînés : la mère de Kroum, et le couple du troisième étage, avec leur vie derrière eux…

 Deux mariages (ratés bien entendu !), un enterrement et le trépas de la mère de Kroum en conclusion: à la satisfaction du vieux couple abonné aux cérémonies pour  s’y empiffrer. Inséparables, ils se détestent autant qu’ils s’aiment. Image de l’avenir qui attend les plus jeunes ! Shkitt, le taciturne (Ivan Efremov) regarde tous ces événements sans piper mot, alors que tous les autres sont bavards. Un peu trop parfois, et on suit difficilement les dialogues surtitrés  !

La pièce, interprétée de manière très naturaliste, a du mal à trouver sa vitesse de croisière et les premières scènes d’exposition sont particulièrement longues. Mais l’excellence des comédiens l’emporte quand l’action s’accélère. Avec en particulier, Dmitri Lyssenkov en Tougati l’affligé,  neurasthénique, obsédé par sa santé et les bienfaits de  gymnastique, que, bien sûr, il ne pratique pas. Sa mort est un très beau moment d’écriture et de jeu où l’émotion affleure. Même chose  pour ses duos amoureux avec Doupa la godiche, qui l’épouse en désespoir de cause. On sent une troupe homogène comme dans beaucoup de théâtres russes, avec des acteurs, musiciens, techniciens, dramaturges, décorateurs hors pair, et tous formés à la même école.

 Fausse note : les costumes de Macha Makeïeff, volontairement laids et criards, enfoncent encore plus les personnages dans leur médiocrité et en soulignent inutilement la pauvreté et la misère morale. Hanokh Levin ambitionnait sans doute un style moins univoque, plus léger et proche du cabaret. Et pourquoi dans cette mise en scène, des références au néo-réalisme italien? Avec des extraits d’I Vitelloni de Federico Fellini, des airs de Nino Rota, et aussi le Lasciami morire du Lamento d’Arianna de Claudio Monteverdi… Cela donne au moins l’occasion de profiter des talents vocaux des acteurs et de la musique de Michalis Boliakis, au piano et à l’accordéon. Et Capri, vers laquelle s’envole la copine sexy de Doupa la godiche, sous le charme d’un Italien en rut, évoque suffisamment le désir d’évasion pour nous éviter la dernière séquence, pourtant magnifique de ce film. Désir d’évasion auquel va céder, contre toute attente, le mystérieux Taciturne. Kroum, lui demeure seul avec son deuil, dans la minuscule cellule familiale, au milieu de l’immeuble déserté.

A voir pour la générosité et le travail des comédiens, longuement salués par le public.

Mireille Davidovici

Théâtre Gérard Philipe-Centre Dramatique National, 59 boulevard Jules Guesde, Saint-Denis (Seine Saint-Denis) jusqu’au 28 janvier. T. : 01 48 13 70.

La pièce, traduite par Laurence Sendrowicz, est publiée aux Editions Théâtrales.

 

 

 

Après le tremblement de terre,d’après d’Haruki Murakami, mise en en scène de Michaël Dusautoy

Crédit Photo : Collectif Quatre Ailes

Crédit Photo : Collectif Quatre Ailes

 

Après le tremblement de terre, d’après Honey Pie et Superfrog Saves Tokyo, nouvelles extraites d’After the quake d’Haruki Murakami, adaptation de Frank Galati, mise en en scène de Michaël Dusautoy (spectacle tout public à partir de dix ans)

 Le Collectif Quatre Ailes, avec Annabelle Brunet pour la vidéo et la scénographie, Julien Amigues pour les marionnettes 3D, Etienne Boguet pour le design et les dessins, et Michaël Dusautoy pour la mise en scène et la scénographie, est une équipe absolument performante. Deux histoires s’imbriquent l’une dans l’autre, se croisent pour aider les spectateurs, avec des images diffusées sur de petits écrans, à prendre la mesure du tremblement de terre de Kobé qui, irréversiblement, a bouleversé tant de destins nippons.

 Dans l’appartement de Sayoko, sa petite fille, Sala  a un cauchemar récurrent : un « bonhomme-tremblement de terre» va venir l’enfermer dans une boîte, ce qui l’empêche de dormir.  La catastrophe a eu lieu les semaines précédentes et Sayoko appelle un ami fidèle qu’elle aime, Junpe, un auteur de nouvelles, pour qu’il réconforte la petite insomniaque, en inventant pour elle un ours mélomane.

Et dans un autre appartement à Tokyo, Katagri, chargé de recouvrement dans une grande banque, reçoit la visite d’une mystérieuse grenouille de deux mètres de haut qui lui demande de l’aider à combattre un lombric géant qui hiberne dans le sous-sol de la banque. Il risque en effet d’anéantir Tokyo dans un terrible tremblement de terre. La peur et l’angoisse surgissent de ces images d’anéantissement.

Le maître d’œuvre de ces deux histoires est le narrateur qui, à sa table, écrit, imagine, invente, dessine, colle et nomme les personnages, en manipulateur et marionnettiste dans l’âme qu’il est. Damien Saugeon est facétieux, réfléchi et inquiet quand il observe ses créatures. La réalité qu’il crée est transmise par des images vidéo colorées sur des meubles neutres. Une petite fille de dessin animé représente Sala, il y a des images de gratte-ciels et d’autos  dans la ville  et une grenouille en ombre vivante.Présente dans les deux histoires ; pour l’une, Superfrog de bande dessinée et Yunpe ( Romain Cottard) en poète aux allures de grande grenouille, debout, jambes élancées et bras en l’air, quand il conte et raconte.

L’amoureux des lettres se jette dans une danse effrénée et joyeuse, dénouant la représentation, initiée au départ par la course à pied du narrateur qui est la voix de la petite fille du dessin animé. Jean-Christophe Laurier est l’employé de banque surpris et le père absent. Et Alexandrine Serre, joue la mère inquiète et amoureuse. Les personnages passent d’un scénario et d’une figure à l’autre, en tentant de venir en aide aux proches et aux inconnus, au-delà des terreurs, des effrois et des énigmes. Face à l’insoutenable des catastrophes naturelles, chacun se veut utile et digne de son voisin.

Le spectacle, un rien savant, coloré et acidulé, pétille d’invention et si les histoires parfois s’entrechoquent, elles amusent le public. Une jolie promenade raffinée du côté des réalités et des rêves japonais.

Véronique Hotte

Théâtre d’Ivry-Antoine Vitez, en collaboration avec le Théâtre des Quartiers d’Ivry-Centre Dramatique National, Manufacture des Œillets à Ivry (Val-de-Marne) du 16 au 27 janvier.

Théâtre d’Etampes (Val-de-Marne), le 2 février. Espace Culturel Robert Doisneau, Meudon (Hauts de Seine), le 6 février. Théâtre des Trois Chênes, Le Quesnoy (Nord), les 16 et 17 février.

Salle Europe, Colmar (Haut-Rhin), le 12 octobre.

 

 

Penser texte et mise en scène de Pierre Bénézit

 

Penser texte et mise en scène de Pierre Bénézit

 ©Lisa Lesourd

©Lisa Lesourd

 Dans une boutique meublée uniquement de chaises, Paulbert et Gérald reçoivent la visite d’une jeune femme qui se croit dans une épicerie et veut acheter une bouteille de vin pour aller à une soirée entre amis. Pendant qu’une prétendue voisine est partie chercher ladite bouteille dans une (vraie) épicerie à quelques rues de là,  la jeune femme  patiente dans ce curieux magasin.

 Elle découvre alors la réelle occupation des deux sbires : ils conçoivent et écrivent des dialogues originaux. Partant du principe que tout a déjà été dit, ils vendent des conversations sur mesure pour diverses occasions. On peut ainsi leur passer commande d’une discussion pour une soirée, mais voilà, les chalands ne se bousculent pas au portillon…Les trois personnages parlent alors de ce qu’expriment les mots : la pensée. Revient sur le tapis la sempiternelle question du : « penser à rien », ce qui revient quand même à penser ! Sauf qu’il faut distinguer : penser « à » rien,  et penser « le » rien.

L’auteur s’interroge aussi sur le temps ; comme s’il tournait en rond et finissait par se répéter inlassablement. Les personnages créés par Pierre Bénézit se disent que «le passé n’existe plus, le futur n’existe pas encore. Il n’y a donc en définitive que le présent. Mais y a-t-il un espace pour le présent entre le passé et le futur ? » Derrière les jeux de langage, se cache de la pensée, et cette comédie recèle des petits moments philosophiques à piocher.

 Un univers post-Deschiens, servi par une mise en scène simple et des comédiens bien choisis, farfelus et un peu clownesques : juste ce qu’il faut pour que cela ne devienne pas ennuyeux. On y retrouve Olivier Broche, comédien chez Jérôme Deschamps et Macha Makeïeff. L’enfant qui prenait des claques derrière la tête, c’était lui ! Anne Girouard, qu’on a vue dans la série Kaamelott, comme dans les spectacles d’Anne-Laure Liégeois. Elle a aussi joué sous la direction de Vincent Debost qui incarne le troisième larron de ce Penser qu’une  légère dose d’absurde rend vraiment attachant. Et ce spectacle de soixante-cinq minutes  propose aussi quelques idées et matière à réflexion !

 Julien Barsan

 Théâtre de Belleville, 94 rue du Faubourg du Temple, Paris XIème. T.01 48 06 72 34, jusqu’au 4 mars.

 

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