Mamie Rôtie texte d’Yvan Corbineau, mise en scène d’Elsa Hourcade
Mamie Rôtie, texte d’Yvan Corbineau, mise en scène d’Elsa Hourcade
Nous n’avions pu encore voir ce spectacle créé il y a plusieurs années et déjà très réputé et qui s’est joué un peu partout en tournée. C’était l’occasion ou jamais : il passait à Houilles, au Centre culturel de la Graineterie, dans la rue Gabriel Péri de toute notre enfance, celle où notre grand-mère justement achetait ses plants de fleurs, pas très loin de la pâtisserie Ampilhac, de la boucherie Foucault, de la quincaillerie del Bracio, de la charcuterie Leclerc, de la boutique de vêtements Cochet celle des grands-parents maternels de nos cousines… Tout un monde à jamais disparu mais la boucherie Poiget, elle, encore là, comme la cellule du Parti Communiste Français, toujours au même endroit, plus d’un demi-siècle après…
Yvan Corbineau, comédien et auteur, a été élève de l’Ecole du Théâtre National de Strasbourg. Il a écrit ce monologue où il parle de sa vieille grand-mère qui n’allait plus très fort. Elle reste dans son lit, ne bouge plus et ne parle plus. Ici, jamais visible mais figurée par une sorte de gros édredon. Et quand il va la voir dans sa maison de retraite jusqu’à sa mort en juin 2008, il invente tout un monde à lui pour la distraire. Avec tout un monde d’objets burlesques comme ces grandes cartes postales qui circulent sur un fil, de petites pancartes mais aussi des papiers découpés qu’il fait glisser et qu’il assemble en ombres sur la vitre d’un rétroprojecteur ou avec des projections d’images de vacances. Vous avez dit naïf ? Pas tant que cela, et d’une intense poésie.
L’acteur-auteur dit aussi de petits textes où il joue volontiers sur le langage: «Ma mie rôtie, ma mie jolie… ma mie, c’est cuit, ma mie et puis? », avec devinettes, comptines, petites chansons, air de trompette. Et il a imaginé aussi un théâtre d’objets animés ou pas, comme ce merveilleux lit en bois miniature ou ces formidables petits écriteaux qui, comme par magie, s’enflamment. Créés par Balthazar Daninos, ils entrent en interaction avec ce poème où affleure parfois la nostalgie d’un monde de l’enfance entre cruauté et douceur de vivre, un monde qui va se refermer à jamais. Le narrateur sait bien en effet que les jours de Mamie Rôtie sont maintenant comptés et que, dans ce cas, la tendresse n’est pas un luxe, même si certains passages sont pleins d’un humour acide. Malgré quelques baisses de tension, on ne décroche pas…
La fin avec l’évocation de la mort de Mamie rôtie est vraiment émouvante et on sentait que le public avait les larmes aux yeux. C’est juste un « petit » mais vraiment grand spectacle, avec de fort jolis bricolages qui auraient bien plu à Claude Lévi-Strauss. Pour le bricoleur, écrivait-il dans La Pensée sauvage (1962): «La règle de son jeu est de toujours s’arranger avec les “moyens du bord”, c’est-à-dire un ensemble à chaque instant fini, d’outils et de matériaux, hétéroclites au surplus, parce que la composition de l’ensemble n’est pas en rapport avec le projet du moment, ni d’ailleurs avec aucun projet particulier, mais est le résultat contingent de toutes les occasions qui se sont présentées de renouveler ou d’enrichir le stock, ou de l’entretenir avec les résidus de constructions et de destructions antérieures. » Ce n’est pas incompatible avec la rigueur scénique dont fait preuve Yvan Corbineau dans le déroulement de cette Mamie Rôtie. En tout cas, si vous le croisez sur votre route, cela vaut le coup d’y aller voir… Nous avons aussi le plus grand besoin de ce genre de spectacle, à mille kilomètres des grandes machines des théâtre nationaux (suivez notre regard!) à la fois coûteuses et souvent guère passionnantes…
Philippe du Vignal
Spectacle vu le 27 janvier à La Graineterie, Pôle culturel municipal et centre d’art, 27 rue Gabriel-Péri, Houilles (Yvelines). T. : 01 39 15 92.
La Parcheminerie, les 7, 8 et 9 février, 23, rue de la Parcheminerie. la Parcheminerie – Rennes T.:
02 99 63 13 82.
Centre Arc-en-ciel, Liévin (Pas-de-Calais) avec Culture Commune, Scène nationale du bassin minier du Pas-de- Calais, les 20 et 21 mars.
Le 7 février au soir Le Bulldozer et l’olivier, Chapiteau Raj´ganawak et le 10 février 3 rue Ferdinand Gambon, Saint-Denis ( Seine-Saint-Denis).
Paris – Péniche Adelaïde , le 11 février à 16 h, 46 quai de Loire, Paris (XIX ème).