Richard II de William Shakespeare, conception de Guillaume Séverac-Schmitz, traduction et adaptation de Clément Camar-Mercier

© G. Cuartero

© G. Cuartero

Richard II de William Shakespeare,  conception de Guillaume Séverac-Schmitz, traduction  et adaptation de Clément Camar-Mercier

 Le Théâtre du Blog avait rendu compte de ce spectacle en 2015: il était encore brut de décoffrage mais déjà bien là. Ce Richard II  a encore de beaux jours devant lui : un succès, en un mot, franc et généreux. Et réjouissant! Le bien nommé Collectif Eudaimonia (en grec ancien: bonheur, prospérité) prend le théâtre par la peau du cou, au droit du texte et les pieds bien ancrés sur le plateau. Pourquoi William Shakespeare ? Parce qu’on n’a pas encore trouvé mieux pour parler avec force,  des faiblesses humaines mais aussi de ce terrible appât qu’est le pouvoir.

Donc, il était une fois un roi, Richard II, content de l’être, non sans divertissement. Un jour, à propos de l’assassinat de son oncle Gloucester, il rend une sentence un peu hâtive, que son cousin et héritier Bolinbroke juge indigne : le bannissement. À quoi, il ajoute la spoliation de son héritage, à la mort de Jean de Gand. Bref, l’injuste Richard oppresse son peuple d’impôts, l’étourdi Richard quitte son royaume pour aller guerroyer en Irlande quand ce n’est vraiment pas le moment…

Bolinbroke revient en triomphateur, Richard abdique avec  une superbe mélancolie, une vraie pensée sur le pouvoir, et des questions qui ressemblent à celles du vieil usurier Shylock dans Le Marchand de Venise : les rois ne mangent-ils pas, comme vous, ne pleurent-ils pas, comme vous, ne meurent-ils pas? Fin. «Asseyons-nous et racontons les histoires tristes de la mort des rois» (Richard II).

Si l’on peut résumer la pièce jouée ici en une si vive cavalcade et avec une telle simplicité, le mérite en revient au travail de la troupe : Eudaimonia visait dès le départ la clarté, l’efficacité, et a eu le temps après deux années de tournée, de s’harmoniser et de s’assouplir. Tout fait signe : la première baignoire remplie d’un «bain de sang», les mains tenant la couronne, les giclées de sang laissant des taches sur le plateau, et ici tout fait sens.

C’est du théâtre «à l’os», rapide, musclé, porté par des comédiens en perpétuelle transformation. Soit sept pour une vingtaine de rôles : l’unique  actrice de la distribution–pas de quotas, c’est la faute à Shakespeare- est aussi crédible en jeune reine éperdue qu’en duchesse-mère défendant son fils avec furie, ou en chevalier. Les acteurs plus âgés circulent entre les diverses fonctions paternelles ou avunculaires, et les deux jeunes rois successifs incarnent des rapports différents au pouvoir : fantaisie et jouissance style rock-star pour Richard, et raideur, justice et droit pour Bolinbroke, devenu Henry IV, au risque de l’injustice et d’une cascade de successions royales violentes : pain blanc et noir chez le grand Will…

Incarnation n’est pas allégorie : rois ou pas rois, tous sont des forces agissantes, y compris sur la scénographie, très simple et très soignée. Les comédiens amènent une nouvelle scène en faisant rouler un trône, bousculant la scène précédente : on avait déjà vu cette dynamique dans le prodigieux Henry VI, mise en scène de Stuart Seide, il y a un vingtaine d’années, héritée elle-même d’une belle tradition de théâtre forain. On la retrouve ici dans toute son énergie contemporaine. Plaisir complet devant ce travail fort et bien fait. Et l’intelligence y trouve son compte, comme  l’histoire, en ces temps de «dégagisme», aux conséquences incalculables. William Shakespeare a pensé tout cela, y compris l’espoir sans illusions d’une réconciliation. Voilà comment on sort, regonflé à bloc, d’un théâtre…

Christine Friedel

Spectacle vu à la MAC de Créteil (Val-de-Marne).
 
Du 27 février au 1er mars, à la Coursive-scène nationale de La Rochelle. Du 15 au 24 mars au Théâtre de la Croix-Rousse à Lyon. Les 28 et 29 mars au Théâtre de la Piscine à Châtenay-Malabry (Hauts-de-Seine).
 Les 4 et 5 avril, au Théâtre d’Angoulême-Scène nationale.

 


Archive pour 11 février, 2018

L’Autobus de Stanislas Stratiev, mise en scène de Laurence Renn Penel

 

L’Autobus de Stanislas Stratiev, mise en scène de Laurence Renn Penel

2FAFB61E-C5C7-474C-99CE-5EBAE378AE0E Sur le plateau, un décor imposant: un autobus constitué de praticables surélevés, de sièges, d’une poinçonneuse et de poignées pour se tenir. Une bande-son diffuse des bruits de bus en marche. Un petit homme arrive, bientôt suivi d’un autre, encombré d’un gros sac. La discussion s’engage, le petit homme assure à l’autre qu’il doit impérativement payer un second ticket pour son bagage.

 D’emblée, on aborde ainsi la question de l’ordre, du respect de la loi. D’autres passagers font leur entrée. Tour à tour : un musicien maniéré, visiblement peu habitué aux transports en commun, un vrai/faux couple se disant séparé pour garder leurs deux appartements, des amoureux qui passent leur temps à s’embrasser, un homme agressif, un jeune dandy assez observateur et enfin un paumé qui cherche le bon omnibus, et qui finit toujours par monter dans le même. Une fois installés, ils attendent le départ. Le chauffeur manque à l’appel, puis l’autobus démarre enfin: la structure s’ébranle. Un projecteur sur pied recule pour mieux signifier que le bus avance : petit effet réussi. Un voyageur remarque alors qu’on ne suit pas l’itinéraire habituel : tous s’inquiètent mais rien ne peut arrêter cet autobus fou! Le musicien maniéré proteste : on l’attend pour un prestigieux récital. Mais le chauffeur reste invisible et s’exprime  à coups de klaxon quand chacun essaye de le convaincre de les amener à bon port.

Stanislas Stratiev propose des métaphores du communisme. Ici, comme dans La vie bien qu’elle soit courte (Voir Le Théâtre du Blog), l’auteur bulgare part de situations simples et y insuffle une bonne dose d’absurde, féroce mais sans lourdeur. Les compositions des comédiens et les costumes soulignent cet humour quasi-burlesque. La mise en scène réside ici dans un équilibre entre polémique et farce: il faut donner en effet à entendre ce que le texte dénonce  tout en faisant rire, et ce, dans le parfait huis-clos d’un autobus. Une scénographie très aboutie : la structure bouge et grince comme si  elle roulait.

Les petites maximes assez drôles-restent tout de même un peu caricaturales. Mais elles se veulent à message et chaque personnage ou couple de personnages représente une posture idéologique : les jeunes contre les vieux, le respect de l’ordre établi contre l’irrévérence, la préciosité contre le bon sens paysan, le partage face à l’égoïsme. Malgré des dialogues habiles, la pièce manque de poésie et paraît datée. Grâce à la mise en scène, à la scénographie et aux acteurs,  cet Autobus tire cependant son épingle du jeu…

 Julien Barsan

Théâtre 13 Seine, 30 rue du Chevaleret, Paris XIIIème.  T. :01 45 88 62 22.

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