Les Séparables de Fabrice Melquiot, création collective sous le regard de Christophe Lemaire et Emmanuel Demarcy-Mota

 © Jean-Louis Fernandez.

© Jean-Louis Fernandez.

Les Séparables de Fabrice Melquiot, création collective sous le regard de Christophe Lemaire et Emmanuel Demarcy-Mota

L’auteur est un vieux complice d’Emmanuel Demarcy-Mota, le directeur du Théâtre de la Ville. Acteur dans sa compagnie, il a ensuite été auteur en résidence à la Comédie de Reims, quand il  la dirigeait. Il a notamment écrit plusieurs pièces de théâtre pour enfants, dont Alice et autres merveilles, rejoué l’an passé à l’Espace Cardin. Et Fabrice Melquiot dirige depuis cinq ans le théâtre pour la jeunesse, Am Stram Gram à Genève.

 © Jean-Louis Fernandez.

© Jean-Louis Fernandez.

Les Séparables, un beau titre pour une histoire d’amour à la fois simple et des plus subtiles, dans un quartier ou une cité actuels, où le « vivre ensemble » n’est pas toujours facile, à cause de la diversité des populations. Et où fleurissent des tensions sur fond de préjugés et non-dits mais aussi de clichés et injures racistes. Romain, un français et Sabah, d’origine algérienne, n’ont même pas dix ans et vont connaître des amours enfantines à la fois imprégnées de tendresse mais aussi du sentiment de précarité.

Leur amour mais aussi la haine des adultes entre eux vont être leur ordinaire. Sabah se prend pour une Sioux de la tribu des Dakota qui chasse le bison blanc et sa vie va tourner autour de cette légende qu’elle s’est inventée pour se protéger d’un monde hostile. Romain, lui, est un petit garçon dont les parents s’aiment tellement… qu’ils le laissent le plus souvent seul. Il les dit capables de «l’oublier dans un coin et d’aller manger des huîtres au restaurant». Plus tard, il apprendra, catastrophé, qu’ils divorcent! Comme Sabah, il se réfugie donc dans un imaginaire bien à lui et s’imagine en cow-boy à cheval, loin des horreurs du quotidien.

D’abord très amis, ils découvrent l’amour mais aussi la haine des adultes entre eux, ce qui finira par les séparer. Sabah a apporté à Romain des makrouts-une pâtisserie maghrébine à base de semoule et pâte de dattes-que sa mère a  confectionnés. Mais ce petit cadeau va tout bouleverser! Romain estropie le mot makrout qu’il trouve plutôt bizarre. Sabah, elle, lui dit qu’il a des parents racistes. La famille de Sabah, effectivement écœurée par le racisme ambiant, quittera la cité et les  amoureux seront donc séparés. Pour se retrouver plus tard… mais quelque chose aura évolué dans leur relation. Ainsi la vie n’est pas le long fleuve tranquille décrit par la Bible, semble nous dire Fabrice Melquiot. Avec beaucoup d’humour, de sensibilité et de raffinement dans une écriture virtuose, quand il peint ces enfants en quête d’un idéal et qu’il dénonce le comportement de certains adultes…

 © Jean-Louis Fernandez.

© Jean-Louis Fernandez.

Sur le plateau, Yves Collet a imaginé une scénographie très simple avec surtout, en fond de scène, des  images vidéo réussies et efficaces de Mike Guermyet qui situent bien les choses: de hautes barres d’immeubles grises et tristes comme on en voit un peu partout dans les banlieues des grandes villes, une belle forêt avec un cerf, et la silhouette d’un cheval que Romain va enfourcher… Céline Carrère et Stéphane Krähenbühl imposent vite les personnages de ces enfants qui «croyaient en des mystères plus grands qu’eux», et «enrageaient de ne pas être ceux qu’ils voulaient être». Mais la jeune comédienne aurait quand même intérêt à faire simple et à ne pas jouer parfois en force cette petite fille qu’elle n’est plus.

Un spectacle pour enfants, plus que pour adolescents, en cinquante minutes et d’une grande exigence artistique dans la mise en scène, le jeu et la scénographie. Qui sonne comme une invitation au respect et à la tolérance envers l’autre… Et où les parents peuvent aussi trouver matière à réflexion, quand il s’agit pour eux de vivre la différence, avec des parents d’enfants amis des leurs,  mais d’une autre couleur de peau et/ou issus d’autres civilisations… Il faut signaler que le Théâtre de la Ville a, chaque saison, une bonne programmation de théâtre, pour enfants et pour adolescents. Ce qui n’était pas le cas sous le règne des précédents directeurs de ce théâtre, ni dans les autres salles parisiennes qui ne font jamais de création de textes contemporains, et qui, le plus souvent, présentent des pièces classiques en format poche, mal mises en scène et mal jouées…Et la petite salle de l’Espace Cardin qui héberge le Théâtre de la Ville-fermé pour cause de travaux depuis 2016-convient bien à ce type de spectacle.

Mais au fait, madame Hidalgo, pourquoi ces dits travaux, longs et coûteux, n’ont-ils visiblement pas commencé? Pourtant planifiés de plus longue date pour remettre aux normes les outils techniques, la sécurité et l’accessibilité de la salle. Cela veut sans doute dire que le Théâtre de la Ville va devoir loger dans la médiocre salle de Cardin et, au coup par coup, dans d’autres salles parisiennes pendant encore plus de deux ans! Alors que le Théâtre du Châtelet, lui aussi sous tutelle de la Mairie de Paris, est actuellement aussi en rénovation…L’inauguration des deux bâtiments étant prévue avant les prochaines élections municipales  en mars 2020! Mais on voit mal comment les délais pourront être tenus… Cela n’est pas digne d’une ville comme Paris! Vous avez dit désordre?

Philippe du Vignal

Théâtre de la Ville, Espace Cardin, avenue Gabriel, Paris VIIIème, jusqu’au 23 février.  

Le texte est publié aux éditions de l’Arche.

 

 


Archive pour 18 février, 2018

Ubu roi d’Alfred Jarry, mise en scène de Manos Vavadakis

b_23553_or_ubu_roi_(17)

Ubu roi d’Alfred Jarry, traduction d’Achilleas Kyriakidis, mise en scène de Manos Vavadakis

 Une intrigue simple: Ancien roi d’Aragon, Ubu renverse le roi de Pologne, son bienfaiteur et fait lâchement massacrer tous ceux qui lui font obstacle quand il veut régner. Cette réécriture parodique du Macbeth de Shakespeare, fait penser au Caligula d’Albert Camus, mais aussi à Œdipe-roi de Sophocle… Alfred Jarry fait de l’absurde, un instrument d’introspection  mais aussi de contestation sociale.

Symbole de la cruauté, Ubu, despote haï aux instincts les plus bas, incarne l’arbitraire du pouvoir et tue aveuglément ses adversaires. Un personnage de farce aux gestes démesurés qui nous  fait goûter à la puissance de subversion et à l’insolence des jeunes potaches du lycée de Rennes où l’auteur était élève. Alfred Jarry s’amusait avec ses camarades à railler M. Hébert, leur professeur de physique.  Ainsi naîtra le personnage d’Ubu, déclenchant un beau scandale à la première en 1896, au Théâtre de l’Œuvre. Aucun doute: l’auteur est bien le précurseur du théâtre de l’absurde mais aussi et surtout du dadaïsme et du surréalisme dont les écrivains et artistes ont vu dans la pièce l’expression de l’inconscient. Le jeune écrivain aura ouvert la voie à de nombreux dramaturges et en son honneur, Antonin Artaud et Roger Vitrac créeront vingt ans plus tard le Théâtre Alfred Jarry.

La traduction d’Achilleas Kyriakidis garde intact son esprit railleur, tout en soulignant le caractère grossier d’une expression comique, disons aristophanienne, comme le baroque de l’écriture avec toute la vulgarité des paroles et le paradoxe des situations. Manos Vavadakis  a imaginé une mise en scène qui nous plonge dans le scepticisme et la mélancolie jusqu’à la fin du spectacle. Rappelant qu’aucun changement politique n’apporte en effet quelque chose vraiment de nouveau et que la crise économique ne prend jamais fin. Rappelant aussi  que ceux  exerçant le pouvoir sont toujours d’une grande avidité, et donc nuisibles au peuple, las des promesses mais toujours piégé par un bon orateur qui rêve de satisfaire ses ambitions personnelles.

Et la mise en scène fait de jolis clins d’œil à l’actualité grecque. Manos Vavadakis, Stella Voyiatzaki, Chara-Mata Giannatou, Panaghiotis Exaerheas, Katerina Zissoudi, Aris Laskos, Maria Moschouri, Giannis Niarros jouent sur un mode expressionniste, avec toute la vivacité indispensable ici.
Côté scénographie, Manos Vavadakis a imaginé avec deux mondes: un écran vidéo et une sorte de boîte de nuit. Avec des costumes de Giorgina Germanou assez kitch. Cette esthétique burlesque est renforcée par les lumières rouges de Stella Kaltsou et par la musique de Giannis Niarros et Christos Mastroyiannidis qui donne un caractère encore plus comique à la pièce. Tandis que la vidéo de Giorgos Tsirogianni, le décor et les costumes renvoient à la fameuse série Stars wars

Nektarios-Georgios Konstantinidis

Théâtre National de Grèce, 48 rue Panepistimiou, T. : 0030 210 33 01 881

DAROU L ISLAM |
ENSEMBLE ET DROIT |
Faut-il considérer internet... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Le blogue a Voliere
| Cévennes : Chantiers 2013
| Centenaire de l'Ecole Privé...