Martha Graham Dance Company, en tournée européenne
Martha Graham Dance Company, en tournée européenne
Cette compagnie américaine historique, fondée en 1926, ouvrira, en septembre, la saison danse de l’Opéra de Paris, à l’invitation d’Aurélie Dupont. En attendant, nous avons eu le plaisir de la découvrir en Allemagne… Janet Eiber, directrice artistique de la compagnie, a présenté deux créations et deux œuvres historiques.
Peiju Chien-Pott, dans une robe moulante d’une beauté hypnotique, interprétait Ekstasis, un solo de six minutes, dansé par Martha Graham en 1933 à New York. Virginie Mecene l’a reconstitué à partir d’archives photographiques en noir et blanc, et d’écrits de la célèbre chorégraphe. A la rentrée, Aurélie Dupont retrouvera ses sensations de danseuse en interprétant cette pièce certains soirs, parmi d’autres chorégraphies de la Martha Graham Dance Company.
Mosaic a reçu une ovation du public allemand. Cette pièce de vingt minutes, chorégraphiée par Sidi Larbi Cherkaoui l’an passé, sur des musiques sacrées du Moyen-Orient, prouve l’extrême adaptabilité des danseurs aux formes nouvelles. D’abord regroupés comme une masse humaine sur une fresque, ils s’en libèrent un par un pour développer, en solo, duo ou trio, des figures pleines de sensualité.
Cette séquence de regroupement, puis de dislocation, se répète plusieurs fois. «J’aime le mouvement collectif, pareil à une danse, qui se fait dans les mosquées et les églises, dit Sidi Larbi Cherkaoui. Bouger en même temps que les autres est quelque chose d’important dans la vie.»
Dark Meadow Suite, crée en 1946 sur une musique du Mexicain Carlos Chavez, a surpris le public par la modernité de ses portés, de ses figures et par la beauté des costumes d’Edythe Gilfond qui donnent à cette pièce inspirée de rituels indiens de dix-huit minutes, une qualité plastique assez rare.
Chronicle (1936), œuvre très politique de Martha Graham, dénonce la montée du fascisme en Europe. La première partie, Spectre-1914, se compose d’un solo dansé par Xin Ying dans une robe à la doublure rouge sang, conçue par la chorégraphe. La jeune femme semble sortir d’un tombeau, les amples mouvements imprimés à sa robe dessinent des figures iconiques, dont un cœur, immortalisé par les photographes du monde entier. Les deuxième et troisième parties : Steps in the Street et Prelude to Action, associent la même Xin Ying, en longue robe noir et blanc, à une dizaine de danseuses, en robe noir moulantes, qui traversent la salle avec des sauts et des mouvements saccadés, ou entourent la soliste sur un praticable.
Ces reprises de pièces historiques doivent beaucoup à Denise Vale, maître de ballet et mémoire vivante de la compagnie. Ce beau programme illustre une forme de danse développée autour des rituels et qui fait penser aux mots de Sidi Larbi Cherkaoui : «Si chaque prière est une danse, alors sans doute peut-on en déduire que chaque danse est une forme de prière».
Jean Couturier
Spectacle vu au Stadhalle de Neuss (Allemagne) le 17 février, dans le cadre des Internationale Tanswochen Neuss.