Les Forçats de la route, texte d’Albert Londres, conception de Nicolas Lormeau

Les Forçats de la route, texte d’Albert Londres, conception de Nicolas Lorme©Vincent Pontet, collection Comédie-Française

©Vincent Pontet, collection Comédie-Française

 Reporter de la Première Guerre mondiale, Albert Londres (1884-1932) couvrira pour Le Matin,les fronts   de la campagne d’Orient entre 1915 et 1917,  puis pour Le Petit Journal, il fut correspondant de guerre pour la  bataille des Dardanelles qui fut un sérieux revers pour les Alliés et l’un des plus grands succès ottomans. Et il reviendra ensuite sur les  théâtres d’opération français et italien et enfin en Allemagne en 1919.

Cette grande expérience de la guerre l’orientera vers le journalisme militant et il dénoncera très souvent la misère et l’injustice. Ainsi, dans Au bagne (1923),  il observe et décrit les conditions de vie à Cayenne.  Un témoignage tels qu’il sera à l’origine de la fermeture de ce bagne entre 1936 et 1938. D’autres récits décrivent l’injustice sociale à travers le monde : bagnes militaires, traite des blanches, asiles, vie inhumaine des pêcheurs de perles…, Albert Long, bien documenté, montre des milieux jusque là ignorés.

Et toujours pour Le Petit Journal, en 1924 il couvre la  dix-huitième édition du Tour de France: 5.425 km, quinze étapes, avec 157 coureurs au départ, dont soixante seulement  franchiront la ligne d’arrivée! A chaque étape de cette course très populaire dès ses débuts, Albert Londres, novice en cyclisme, rencontre pourtant les coureurs, vedettes ou inconnus.

Nicolas Lormeau qui met en scène Les Forçats de la route révèle  ici la rigueur et le style du grand reporter averti. Il raconte les corps couverts de  poussière ou de boue, les crampes, les départs en pleine nuit, et déjà… les multiples pilules et anesthésiants. Il témoigne aussi des conditions inhumaines auxquelles les coureurs sont soumis, et des incohérences du règlement. Du genre : «Quand nous crevons de soif, avant de tendre notre bidon à l’eau qui coule, on doit s’assurer que ce n’est pas quelqu’un, à cinquante mètres qui la pompe.  Sinon, pénalisation! Pour boire, il faut pomper soi-même.»

Nicolas Lormeau, cycliste amateur et homme de culture, note que le dérailleur n’existait pas encore en 1924, ce qui rendait les concurrents esclaves de la petite reine. Montant ainsi, par exemple, le col du Galibier. «On s’habitue à tout, il suffit de suivre le Tour de France pour que la folie vous semble un état de nature», dicte au téléphone le correspondant au Petit Journal. Tel un maître d’école de la République du début du XXème siècle, il reproduit en pédagogue le tracé des kilomètres à parcourir, des étapes à atteindre, après avoir retrouvé les noms de des participants dont les frères Pélissier, Hector Tiberghien, et Bottecchia, ex-maçon italien, vainqueur du Tour cette année-là.

 Un conte plein de suspense et de dureté qui met au jour à la fois l’inhumanité profonde et la gratuité-l’art pour l’art-d’une telle aventure qui repose sur les ressources physiques et mentales mobilisées par ces vrais durs. Quand on voit ces Forçats de la route, on est fasciné par le courage et la ténacité de ces hommes qui ne comptent pas leurs souffrances, entre autres sur les pavés du Nord. Tous font l’épreuve  des  crevaisons sur des routes non bitumées encore, et soulevés par les voitures, d’immenses copeaux de poussière. Les yeux brûlés, la bouche desséchée, ils les ont supporté sans rien dire.»

Départ d’étape à Argenteuil, puis Coutances, Le Havre, Brest, Landerneau, Quimper, Lorient, Les Sables-d’Olonne, Luchon, Toulon.., les coureurs roulent de nuit, les habitants des villes et des bourgs se penchent à leur fenêtre pour voir passer les héros : «IIs ont le soleil, (….)  les fesses en selle depuis deux heures du matin, il est six heures trente du soir; dans une dernière souffrance, ils font un dernier effort pour l’arrivée.»

Accompagné par la musique de Bertrand Maillot et des projections d’archives : scènes d’arrivée, de chutes, de crevaison, le public est réjoui par la performance, et ce spectacle déplie la belle et douloureuse histoire de ces grands sportifs.

Véronique Hotte

Studio-Théâtre de la Comédie-Française, Galerie du Carrousel du Louvre, 99 rue de Rivoli Paris 1er . T. : 01 44 58 98 58, jusqu’au 11 mars.

 

 

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