Seasonal affective disorder de Lola Molina, mise en scène de Lélio Plotton
Seasonal affective disorder de Lola Molina, mise en scène de Lélio Plotton
Pour Dolly et Vlad, l’hiver n’en finit pas. Le soleil ne se lèvera qu’à la fin de leur cavale, à l’aube de leur mort. Leurs amours précaires ont commencé dans un Etap-Hôtel à la Porte de Bagnolet. Vlad, l’homme mûr «au nom qui porte malheur», a cueilli par hasard une gamine de quatorze ans dans un bar. Elle l’a suivi. Mais la police est à ses trousses : elle a tué une camarade de lycée. Ils fuient ensemble. Une longue errance avec vols à main armée, nuits à la belle étoile, bains dans des rivières gelées. Elle écrit des poèmes et il dessine des tatouages imaginaires sur sa peau laiteuse, éclats de beauté et de liberté dans l’opacité visqueuse d’une folie à deux.
Mi-récit à deux voix, mi-dialogue direct, les aventures de Vlad et Dolly commencent post-mortem. Dans le royaume des ombres, Dolly apparaît à Vlad comme une lumière apaisante. Ils émergent du néant pour nous raconter cette histoire à la Bonny et Clyde. Sur le plateau nu, un écran diffuse des images abstraites : matières sablonneuses, coulures de sang ou d’encre, routes, champs et bois floutés, en accord avec les événements et les états intérieurs des personnages. Une bande- son discrète, multidirectionnelle reproduit les ambiances qui rythment de la course folle de Dolly et Vlad: cette dispersion des sources sonores donne bien l’impression de déplacement, alors que les acteurs jouissent d’un espace plus que restreint dans la petite salle du Paradis du Lucernaire.
Laurent Sauvage habite Vlad, avec le poids d’un homme qui a vécu et qui , malgré une petite dose de cynisme, s’engouffre à corps perdu dans une passion trouble qui le dépasse, et où amour et désespoir se côtoient. Face à lui, Anne-Lise Heimburger, d’abord un peu gauche, finit par s’imposer en faisant évoluer son personnage, de la Lolita boudeuse et fantasque, à la jeune femme amoureuse.
Malgré cette distribution un peu déséquilibrée au départ, le texte dense, imagé, tendu, trouve ici une belle consistance. Dans l’univers noir où Lola Molina nous plonge, quelques détails font sourire et la poésie dévoile le versant lumineux de cette sombre histoire. Le décor visuel et sonore transpose avec subtilité la valeur symbolique que l’auteure attribue à la nature, en écho au désordre affectif saisonnier des personnages. Le metteur en scène a su traduire toute la saveur de la pièce et le prix du Lucernaire-Laurent Terzieff-Pascale de Boysson qu’elle a reçu en 2017 semble donc tout à fait justifié.
Mireille Davidovici
Théâtre du Lucernaire, 53 rue Notre-Dame-des-Champs, Paris VIème. T. :01 42 22 66 87, jusqu’au 31 mars au www.lucernaire.fr/
Le 28 mai, Théâtre de la Décale, Vierzon (Cher).