Calamity/Billy, théâtre musical, direction de Gérard Lecointe, mise en scène de Jean Lacornerie
Calamity/Billy, théâtre musical, direction de Gérard Lecointe, mise en scène de Jean Lacornerie (spectacle en anglais surtitré en français)
Ce diptyque du paradis perdu composé d’un premier volet Calamity Jane, lettres à sa fille, sur un texte attribué à Jean McCormick et sur une musique de Ben Johnston, et d’un second volet Billy the Kid, œuvres complètes de Michael Ondaatje, musique de Gavin Bryars. Gérard Lecointe, avec les Claviers de Lyon (vibraphone, marimba, claviers) et le violon de Lyonel Schmit, dirige Claron McFadden, soprano rayonnante de la musique baroque et contemporaine, et Bertrand Belin, auteur-compositeur et interprète (classique, rock, country) et par ailleurs romancier qui incarnent ces deux héros.
Jean Lacornerie mène avec Anne Meillon depuis 2010 au Théâtre de la Croix-Rousse, un projet croisant théâtre et musique, et a voulu donner une vision à contre-courant, plus intime de ces deux figures de l’Ouest américain. Ainsi, Calamity Jane aurait écrit affectueusement à sa fille, ce qui bouscule sa légende de femme virile dans un monde de rudes pionniers.Ces lettres-plus ou moins authentiques-sont mises en musique par le maître américain de la musique micro-tonale, Ben Jonston, pour une soprano. Soit un langage contemporain, et nostalgique, via un violon folk, un piano de saloon et une batterie. Gavin Bryars, compositeur post-minimaliste et contrebassiste britannique, a, lui, adapté Billy the Kid, œuvres complètes : poèmes du gaucher de Michael Ondaatje, auteur canadien et poète d’origine sri-lankaise.
Ce héros tragique et énigmatique défie les figures traditionnelles de l’Ouest et les canons du mâle. Bon-ou mauvais-garçon, il garde des traces de son enfance. Le chanteur de blues Bertrand Belin joue les beaux parleurs séduisants quand il médite sur le monde, et avec la lumineuse soprano lyrique Claron McFadden, il forme un couple conjuguant puis alternant leurs voix feutrées, ou cristallines.
La poésie des textes diffuse ses images secrètes d’ombre et de lumière, avec une lampe-tempête qui éclaire seule le plateau, avec aussi un cadre de fenêtre d’où sort un bras plié, celui sans doute de Billy the Kid, abattu par Pat Garrett, le shérif du comté de Lincoln, qui lui a lâchement tiré dans le dos parce qu’il voulait le tuer à tout prix. Un crâne blanc de bison et les os d’une colonne vertébrale tiennent lieu de boa autour du cou de Billy, dans la sécheresse des paysages désertiques, comme ceux du Nouveau Mexique et de l‘Arizona, où quelques-uns font la guerre pour s’approprier des territoires.
La scénographie de Marc Lainé et de Stephan Zimmerli nous fait pénétrer dans un saloon aux parois de bois chaud; sur l’écran vidéo, défilent les images des déserts de l’Ouest avec cactus, et un petit cimetière sous un soleil ardent. Non loin des montagnes sacrées des Sioux, les Black Hills de Jane. Les mythiques, Billy The Kid, homme-enfant et Calamity Jane, mère virile ne se sont jamais rencontrés, mais résonnent ici les questions actuelles sur le «genre». Surpris mais consentant, le public voit quelques instants du film Destry Rides Again (Femme ou démon), un western (1939) de George Marshall, avec les intemporels James Stewart et Marlene Dietrich qui, en Feenchy, une chanteuse de saloon, se bat rageusement avec une rivale, sous le regard des hommes hilares. Le spectacle a ce grain si particulier des visions de l’enfance, entre musique et poésie, voix et images de violence : autrefois, le sang de l’homme et des bêtes ne faisait souvent qu’un, signe d’une existence aléatoire mais aussi du goût prononcé pour la vie.
Véronique Hotte
Spectacle créé au Théâtre de la Croix-Rousse du 6 au 8 mars, et joué au Théâtre de la Renaissance d’Oullins, les 9 et 10 mars. Chambéry-Espace Malraux, Théâtre Charles Dullin, les 13 et 14 mars. Belfort, Le Granit, le 16 mars. Maison de la Culture de Bourges, les 20 et 21 mars. Echirolles, La Rampe, le 23 mars. Théâtre du Parc à Andrézieux-Bouthéon, le 24 mars. Forum Meyrin Genève, le 27 mars. Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines, le 30 mars. Concertgebouw à Bruges, le 28 avril. Operadagen Rotterdam, le 25 mai. Armel Opera Festival de Budapest, le 5 juillet.