Du Sable et des playmobil, création menée par Sarah Mouline

Du Sable et des Playmobil,  création menée par Sarah Mouline

©Virginie Ranjalahy

©Virginie Ranjalahy

La guerre d’Algérie, un thème quasi tabou pendant des décennies surtout au cinéma mais aussi au théâtre: tous les gouvernements de droite comme de gauche, ayant préféré esquiver la question. Au nom de l’ordre et de la sécurité publique… Alors que les premiers « évènements » comme on disait alors hypocritement, ont commencé dans ce qui était encore la France, il y a déjà plus de soixante ans! On a aussi, par exemple, longtemps passé sous silence le fait que François Mitterrand, alors garde des Sceaux en 56, avait été solidaire de l’envoi des premiers contingents de soldats appelés en Algérie et avait refusé la grâce de militants du F.L.N. qui furent guillotinés.. et que Maurice Papon, ex-préfet en Algérie puis de Paris en 1958, a été impliqué dans la répression sanglante de la manifestation du F.L.N.,  comme de celle organisée par le Parti Communiste au métro Charonne.

Vous avez dit censure ?  Il y a quand même eu depuis, des spectacles récents sur ce thème, comme entre autres, Revenir ! Quand parlent les cendres, créé et mis en scène, il y a trois ans par Barbara Bouley-Franchitti. Une jeune femme française dialogue avec l’urne funéraire de son père, lequel a subi un grave traumatisme quand il était revenu d’Algérie. Dans La Guerre de mon père, mise en scène par Judith Depaule en 2016, le père, cette fois, est encore en vie. Le spectacle participait d’une évocation de cette guerre, à partir d’entretiens filmés d’anciens appelés français, mais aussi de familles algériennes.
En novembre dernier, Palestro retrace le pire épisode de cette guerre sans nom, quand, en 1956, vingt soldats français tombèrent dans une embuscade dressée par des maquisards algériens. Avec, ensuite une terrible répression sur la population et des centaines de morts. Ce spectacle a été écrit par Aziz Chouaki, auteur algérien et mis en scène par Bruno Boulzaguet, metteur en scène français. Ils  ont voulu dans une sorte de documentaire-fiction, se libérer des nombreux tabous et non-dits familiaux.

Bref, on l’aura compris parler de la guerre d’Algérie, c’est aussi parler de la figure du père, voire du grand-père, et cela n’a rien de simple ni de facile. Sarah Mouline -curieusement la troisième metteuse en scène qui ait traité de ce thème- elle aussi, s’est interrogée: « Pourquoi ne peut-on pas parler de la guerre d’Algérie, de manière apaisée ? Qu’est-ce qui brûle encore? A quel endroit ? » Du Sable et des playmobil ne répond pas vraiment à cette question insoluble et évoque l’histoire d’une jeune femme qui, après la mort de son père, découvre dans des  cartons de papiers qui lui appartenaient, tout son discret passé militant en France du F.L.N.  (Front de Libération Nationale).  Un passé qui n’en finit pas de travailler les esprits, alors que la plupart des protagonistes de cette guerre d’Indépendance ont disparu. «Là où le juge n’a pas fait son travail, dit Pierre Vidal-Naquet, c’est à l’historien de le faire.  » comme le rappelle Sarah Mouline. Et on ajoutera: en partie aussi, aux gens de théâtre…
Il y eut il y a déjà plus d’un demi-siècle une -petite- mobilisation en France des étudiants et surtout des Algériens, le putsch des généraux Salan et autres, le poids de l’extrême droite avec l’O.A.S. à Alger, l’essor du mouvement  indépendantiste et ses répercussions sur toute la société française, avec l’arrivée massive des Pieds noirs dont beaucoup n’avaient jamais vu la métropole, puis la prise du pouvoir du général de Gaulle. qui proclama enfin l’indépendance de l’Algérie en 1961. Tout cela n’a rien de très joli et semble bien lointain aux enfants de 2018, comme à la plupart des adultes français mais qui appartient à l’histoire de  notre pays et mérite toujours une piqûre de rappel… Ce qu’a bien compris Sarah Mouline.

Reste à savoir comment aborder ce thème au théâtre. Sur le petit plateau, un mur de cartons d’emballage empilés -ce qui réduit encore le petit espace scénique!- sont écrits à la bombe : guerre, indépendance, etc. Deux jeunes femmes et deux jeunes hommes reprennent le cours de cette histoire tragique dont les conséquences sont encore là: « La France a envoyé ses jeunes faire la guerre et l’Algérie, ses jeunes construire la France. »  Mais on ne fait pas de théâtre avec de bonnes intentions. Et Sarah Mouline a  bien du mal, quand il lui faut articuler un texte assez faiblard avec une mise en scène sans doute trop vite conçue. Cette suite de petits moments dialogués, sans véritable dramaturgie ni fil rouge, nous a laissé sur notre faim. Et le spectacle se termine, plutôt qu’il ne finit vraiment. Le tout ressemble encore trop à un travail en cours. A suivre donc mais il faudra que Sarah Mouline revoie absolument texte, mise en scène et scénographie… Pas impossible mais il y a du travail….

Philippe du Vignal

Spectacle vu le 11 mars, au Théâtre de l’Opprimé, rue du Charolais, Paris (XII ème).

 


Archive pour 13 mars, 2018

Un Mois à la campagne d’Ivan Tourgueniev, mise en scène d’Alain Françon

Un Mois à la campagne d’Ivan Tourgueniev, nouvelle traduction et adaptation de Michel Vinaver, mise en scène d’Alain Françon

 

©Michel Corbou

©Michel Corbou

La pièce, écrite en 1850, fut créée en 1879 seulement, à cause des censeurs qui n’appréciaient pas que l’auteur parle des états amoureux de cette jeune bourgeoise, mariée et mère d’un petit garçon de dix ans. Le texte avec des monologues intérieurs, déjà très moderne, est d’une grande richesse, Et Constantin Stanislavki qui l’avait mis en scène, appréciait beaucoup cette pièce, la plus connue de son auteur et fondée, disait-il, « sur les méandres les plus subtils de l’expérience amoureuse». Ivan Tourgueniev avait déjà eu des ennuis avec cette même censure pour Le Pain d’autrui (1848), à cause d’une critique virulente des bourgeois russes.

Natalia Petrovna, bientôt trente ans- elle en aurait  quarante maintenant-s’ennuie auprès de son mari Arkadi, un riche propriétaire qui ne s’occupe pas beaucoup d’elle. Surveillée par sa belle-mère autoritaire et prête, mais sans le savoir elle-même, à connaître une histoire d’amour…Situation théâtrale classique: un inconnu, nouveau venu dans un milieu qui n’est pas le sien, rebat les cartes du jeu et les relations familiales s’en trouvent vite bouleversées… Aleskseï, un  bel étudiant de vingt-et-un ans engagé comme précepteur de Kolia, le fils d’Arkadi et de Natalia, ne parle pas le français, ce qui est pourtant fréquent en Russie à l’époque dans les bonnes familles mais il a de quoi séduire. Aimable, cultivé et poli, il sait aussi chasser, fabriquer des cerfs-volants et des feux d’artifice. Bref, il a tous les atouts en main pour être aimé par le petit Kolia mais aussi provoquer le désir de Vera, une orpheline de dix-sept ans qui verra vite une rivale en Natalia, la séduisante bourgeoise, qui, elle aussi, est attirée sans se l’avouer, par ce beau jeune homme qui n’a rien des hommes qui l’entourent.

Sans doute pas très consciente de ce qui lui arrive-Natalia va pousser la jeune et pauvre Véra à épouser Afanasi, un ami de son mari, plus très jeune pour l’époque soit quarante-huit ans, mais riche, ce qui mettrait Vera à l’abri du besoin. Natalia a quelques remords mais elle l’avouera à Alekseï, séduit par sa sincérité. Vera voit qu’elle n’intéresse pas Alekseï, et dit qu’elle épouserait bien finalement le vieil ami d’Arkadi qui, lui, croit à tort-enfin, on ne sait pas trop !-que Rakitine la trentaine, (remarquable Micha Lescot), un ami de la famille cherche à séduire Natalia. Alekseï prend alors conscience de la situation ; un peu dépassé par  tout cela, il se décidera alors à partir… Bref, la villégiature de ce mois à la campagne touche à sa fin  mais Alexei aura réussi à semer une belle pagaille amoureuse dans cette petite communauté.
  Ici, peu d’événements, pas de coup de théâtre. Mais des dialogues ciselés et une fine analyse des émotions amoureuses qui annonce bien sûr, les pièces d’Anton Tchekhov. La pièce, peu souvent jouée à cause d’une importante distribution, est pourtant passionnante malgré un début un peu lent, et a pour pivot, le personnage de Natalia qui a tout pour séduire une actrice  comme Jeanne Moreau, Isabelle Huppert qui l’avait jouée en 89 dans une mise en scène de Bernard Murat, Clotilde de Bayser,  ou Delphine Seyrig  ou encore Emmanuelle Riva, au cinéma.

Alain Françon a, comme toujours, réuni une solide distribution: Jean-Claude Bolle Reddat, Laurence Cote, Catherine Ferran, Philippe Fretun, India Hair, Micha Lescot, Guillaume Lévêque, et Anouk Grimberg qui fait le boulot-mais sans avoir vraiment l’âge du rôle de Natalia-et ne nous a pas toujours paru crédible. Parfois même un peu en force avec sa voix si particulière pour imposer ce personnage de femme autoritaire qui se découvre amoureuse.
 Mais bon, ce soir de première n’était visiblement pas le bon jour, et les comédiens étaient déstabilisés par une colonne centrale mal arrimée et que les régisseurs ont eu le plus grand mal à faire remonter dans les cintres! Pathétique! Il faudra aller revoir ce spectacle mais ailleurs que dans cette salle médiocre où on entend mal-sans doute un peu à cause de châssis fermant en partie la scène-curieuse et bien peu efficace scénographie!-et où on voit mal ce qui se passe sur le plateau, en particulier quand les personnages sont assis au sol…Ici, tout ou presque nous parait lointain et comme presque extérieur!

Alain Françon, ancien directeur du Théâtre de la Colline et remarquable metteur en scène, mérite mieux que ces conditions médiocres et on comprend qu’il ne soit pas venu saluer avec ses comédiens! On comprend mal aussi qu’un théâtre national n’ait pas accueilli la mise en scène de cette pièce écrite il y a deux siècles et demi, qui a de si belles fulgurances, et qui sonne de façon si actuelle…

Philippe du Vignal


Théâtre Dejazet, 41 boulevard du Temple,  Paris IIIème. T: 01 48 87 52 55, jusqu’au 28 avril.

Le texte est édité chez  L’Arche Editeur

 

 

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