Let me try d’après le Journal de Virginia Woolf, adaptation et mise en scène d’Isabelle Lafon

Let me try d’après le Journal (1915-1941) de Virginia Woolf, adaptation et mise en scène d’Isabelle Lafon

 37296939-A95A-448F-BE1B-A6B2CB8D77B1Elles sont trois, sur cette scène qui ressemble à un vaste grenier, chacune sur son tabouret, à trier les piles de papier  du Journal de Virginia Woolf. Tâche urgente : il s’agit de mettre au jour, avec l’excitation de l’archéologue, les milliers de pépites qu’il contient. Une goutte de pluie, de l’amour, une robe qui ne va pas bien, l’incertitude de l’écriture, la peur grandissante, mais écrite avec pudeur, que la folie prenne le pouvoir en elle : disciplinée, au rythme d’une demi-heure par jour après le thé, Virginia Woolf écrit son plus grand roman. Ou plutôt explore «avant qu’ils ne se transforment en œuvre d’art» les milliers d’instants, de sensations, de pensées qui peuplent sa vie, source jaillissante d’autant de romans possibles. Mais non ici, c’est autre chose: le flux de la vie même, physique, sociale, mentale, la sienne, celle des autres, irréductible à aucun roman.

Johanna Korthals, Marie Piemontese et Isabelle Lafon se partagent le texte. Elle se le disputent presque, avide, chacune à son tour, d’en découvrir les étincelles. Elles s’entraident pour restituer la chronologie ou récupérer un feuillet égaré et bouillonnent d’intensité et d’énergie,  avec une belle émulation : ce Journal, elles n’ont pas voulu qu’il soit dit à une seule voix, tant cela risquerait d’en réduire la vitalité et peut-être même d’en fermer quelques portes et fenêtres.

Isabelle Lafon a inscrit Virginia Woolf dans sa trilogie des Insoumises, avec d’abord: Anna Akhmatova puis Monique Wittig. Créée en 2016 (voir Le Théâtre du blog), cette pièce est plus que jamais d’actualité. La parole libre de Virginia Woolf résonne de façon toujours aussi vive et discrète à la fois. Suffragiste, et non « suffragette », terme pour le moins condescendant, elle n’en fait pas toute une histoire, puisque cela devrait aller de soi. Pour toutes les femmes, elle a revendiqué Une Chambre à soi, et pour tous, une écriture libre avec La Chambre de Jacob, par exemple. Avec Let me try, on pense à Samuel Beckett avec, dans Cap au pire, son: «essayer encore, rater encore, rater mieux ». Il faut aller voir cet essai, palpitant de vie, d’humour d’angoisse cachée. La critique abuse souvent de l’adjectif : jubilatoire : ici, il est à sa place.

Christine Friedel

Théâtre Gérard Philipe, Saint-Denis (Seine Saint-Denis) T./ 01 48 13 70 00, jusqu’au 25 mars.

 

 

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