The Prisoner, texte et mise en scène de Peter Brook et Marie-Hélène Estienne
The Prisoner, texte et mise en scène de Peter Brook et Marie-Hélène Estienne
Un homme est assis, seul, devant une immense prison dans un paysage désertique. Sur le plateau nu, au sol comme laissé à l’abandon, et aux murs brunis et fissurés par le temps, révélés par les lumières de Philippe Vialatte, des branches sèches, par terre ou posées contre un mur. Un dénuement aussitôt identifiable à l’art de Peter Brook. Côté jardin, une porte qui mène dans le noir incertain et perdu des cellules de cette prison qui, à la fin, sera détruite. Et un banc en bois, un sac, une écuelle, une boîte d’allumettes. Cette zone pauvre d’Afrique en proie à la sécheresse, marque la fin du long cheminement personnel de ce prisonnier que guide son oncle.
Avant d’en arriver là, il aura dû passer par maints paysages dont la forêt vivante avec ses chants d’oiseaux et ses animaux. Mais maintenant éloigné des bois et de leurs feuillages, il ne pourra plus jamais la voir ni l’entendre! Il a en effet été arrêté puis jugé, et condamné à la prison pour avoir plein de colère, tué son père qui couchait avec sa douce sœur… comme lui! En représailles, l’oncle de ce garçon, un sage, lui brisera les jambes et meurtrira à vie ce garçon maintenant emprisonné depuis des années. Mais il sera secouru par ce même oncle qui demandera aux autorités d’alléger sa peine, en l’extrayant de sa cellule : libéré physiquement, il purgera alors une peine morale, plus lancinante et plus douloureuse
Mais de cette souffrance, il fait un avantage: il agrandit d’autant sa pensée intérieure et consentira finalement à ce qui lui semblait intolérable. N’est-il pas coupable autant que son père, d’avoir aimé sa sœur qui a laissé son enfant né de ses amours incestueuses, à leur oncle, afin de pouvoir aller étudier à l’étranger ? Cette sœur, elle aussi, est venue rendre visite à son frère mais refuse encore son amour. Un voisin qui habite près de la prison ira voir celui qui construit sa paix intérieure, et son oncle viendra aussi parler sagement avec son étrange neveu.
Peter Brook a conçu une mise en scène à la fois sobre et admirablement éloquente avec le jeu, à la fois intense et plein de réserve, d’Hiran Abeysekera, Ery Nzaramba, Sean O’Callaghan, Omar Silva et Kalieaswari Srinivasan, venus d’Afrique, du Sud de l’Inde, du Sri-Lanka, Belgique, et des Iles britanniques. Un spectacle envoûtant sur l’art de parler avec soi-même.
Véronique Hotte
Théâtre des Bouffes du Nord, 37 bis boulevard de la Chapelle Paris Xème, jusqu’au 24 mars. T. : 01 46 07 34 50