Entre mise en scène de Vincent Berhault
Entre mise en scène de Vincent Berhault
Un aéroport figuré par quelques sièges, des rubans rouges «guide files d’attente» montés sur des poteaux et des parois de plastique translucides pour délimiter les couloirs. Dans le brouhaha, des annonces fusent, plus ou moins fantaisistes. Des passagers vont et viennent, avec des parcours erratiques… Parmi eux, un homme sans bagages semble perdu, la tête dans les nuages: on le retrouvera ensuite épisodiquement. Dans cet espace emblématique du voyage, de la migration, le metteur en scène construit un spectacle autour du thème de la frontière, avec deux comédiens, un danseur, un circassien et un musicien.
Il se passe toujours quelque chose sur le plateau. De courtes séquences, souvent comiques, se succèdent, prétextes à gags: fouille de valises à la douane, brutalité des préposés à la circulation des voyageurs, démonstration de force des services de sécurité… Peu de texte mais beaucoup d’action. La scène, un espace mobile, se modifie rapidement, avec un décor léger et amovible et des variations d’éclairage: les parois du fond murs-frontières infranchissables, deviennent ainsi une table de conférence. Les guide-files, manipulés avec dextérité par les acteurs, se transforment en guichet d’accueil, douane, centre de détention… Les saynètes sont parfois dansées ou jouées avec une gestuelle acrobatique.
Ce lieu de transit est aussi, pour certains, un lieu de vie: Vincent Berhault s’est inspiré de l’histoire insolite de Merhan Karimi Nasseri, resté seize ans à l’aéroport Charles de Gaule, en attente d’une solution administrative! Aventure relatée dans son livre The Terminal Man, et reprise par Steven Spielberg dans Le Terminal et par Philippe Lioret avec Tombés du ciel. Le petit homme, muet au début de la pièce, va nous livrer par bribes cette étrange épopée entre son Téhéran natal, Paris, la Belgique et l’Allemagne, à la recherche de sa vraie mère, une infirmière anglaise. Il connaîtra le fait d’être rejeté par sa famille iranienne, puis l’université de Bradford en Angleterre, et quand il reviendra en Iran, les geôles du Shah, et de nouveau, l’exil …
Autour de ce récit émouvant et parmi le flux perpétuel des voyageurs, naissent de nombreuses anecdotes concernant des passagers dans des aéroports, brièvement dialoguées, dansées ou chantées. Derrière ces facéties, Entre évoque des questions aussi graves que l’entrave politique et administrative à la libre circulation, en ces temps de migrations licites et clandestines. Un anthropologue, Cédric Parizot, spécialiste de la mutation des frontières au XXI ème siècle, a guidé la troupe dans sa réflexion. Mais il s’agit avant tout ici d’un objet artistique, riche d’invention et d’humour, mêlant les différentes disciplines du spectacle actuel. Mention spéciale à Benjamin Colin qui crée des sons d’ambiance et des musiques de tout style, en parfaite complicité avec ses partenaires, Barthélémy Goutet, Gregory Kamoun, Xavier Kim, et Toma Roche.
La compagnie Les Singuliers s’est illustrée avec La Veste, lauréat Jeunes Talents de cirque en 2002. Elle associe théâtre, danse et cirque dans une dramaturgie à la fois textuelle et corporelle... Vincent Berhault joue aussi dans une performance Chroniques de la Frontière, qu’il a écrite en collaboration avec Cédric Parizot.
Entre créé au Théâtre d’Arles en novembre dernier, réjouissant spectacle d’une heure dix, a reçu un accueil chaleureux du public et mériterait une longue vie.
Mireille Davidovici
Jusqu’au 19 mars. Le Monfort, 106 rue Brancion, Paris XV ème. T. : 01 56 08 33 88,
Programmé dans le Festival des Illusions qui continue au Monfort, jusqu’au 25 mars.