Mille francs de récompense de Victor Hugo, mise en scène de Kheireddine Lardjam

 

Mille francs de récompense de Victor Hugo, mise en scène de Kheireddine Lardjam

 7AF54ECF-5A34-4021-8176-56CB3C5E1B83Après avoir fondé sa compagnie à Oran, et mis en scène des dramaturges arabes comme Abdelkader Alloula, Naguib Mahfouz, Mahmoud Darwich, Kateb Yacine, et français comme Christophe Martin, Pauline Sales, Fabrice Melquiot… Kheireddine Lardjam participe actuellement au travail de la Comédie de Saint-Étienne.

Victor Hugo écrivit cette comédie pendant son exil à Guernesey, entre 1855 et 1870, quand Napoléon III dirigeait la France et avait le soutien du capitalisme et des capitaines des grandes industries. Un histoire simple au départ et finalement assez compliquée, avec de nombreux rebondissements. Dans un appartement sinistre, un vieil homme ruiné et malade, sa fille Etiennette, et sa petite-fille Cyprienne attendent que les huissiers arrivent pour saisir leurs pauvres meubles. Seule possibilité pour eux d’échapper à cette saisie: que la jeune et jolie Cyprienne accepte d’épouser Rousseline, c’est à dire accepte d’être vendue à ce banquier et hommes d’affaires sans scrupules et cynique qui selon lui, arrangera tout: «L’étrange chose que l’homme, et comme c’est peu connu ! On croit que je suis tout intérêt, je suis tout amour-propre. «J’aime l’argent ? Non, j’aime, moi. Je veux plaire ; je veux plaire aux femmes; de gré ou de force, j’entends plaire; malheur si je ne plais pas! »

Mais Cyprienne refuse le marché: elle  aime un commis de banque qui est trop pauvre pour l’épouser.  Surgit alors Glapieu,  un  repris de justice en cavale qui a bon cœur: «Je suis si essoufflé que je n’ai pas eu le temps de devenir vertueux. Chien de sort.» Traqué par la police, il trouve refuge dans une alcôve pendant la saisie. Il entend alors tout, et décide alors de rétablir la justice. On retrouve dans cette  comédie mineure et rarement jouée, l’écrivain qui veut combattre les graves injustices sociales et le pouvoir exorbitant des banquiers sur le pays, au moment de la Restauration et ensuite sous Napoléon III. La société actuelle a peu à voir avec celle du second Empire mais Kheireddine Lardjam voit dans Mille francs de récompense, la peinture d’une société fondée sur les malversations de la finance… et comparable à  la nôtre. «Théâtre engagé, elle est dit-il, une sorte de manifeste tour à tour drôle et glaçant.(…) «Je souhaite faire résonner son message dans et avec le monde d’aujourd’hui. Victor Hugo décrit une société très proche de celle d’aujourd’hui, à deux vitesses en panne d’ascenseur social.» Il refusa de voir jouer cette pièce de son vivant, « tant que la liberté ne serait pas de retour.

Selon Kheireddine Lardjam, « les scènes se succèdent comme des plans cinématographiques et Mille Francs de récompense s’avère étonnamment contemporain.” Oui, mais bon sur le plateau, et au-delà de ces bonnes intentions, cela donne quoi? Pas grand chose de fameux !  D’abord première erreur: une scénographie vraiment très laide et peu efficace, faite de châssis en tôle plastique ondulée sur roulettes qui serviront aussi d’écran à quelques projections d’oiseaux noirs… Et que les acteurs  manipulent sans arrêt… à vous donner le tournis. On veut bien que le metteur en scène “questionne le sujet de la transparence sur scène à travers une scénographie spécifique (…) le plexiglass qui nous permettra de jouer sur ce qui est vu et ce qui ne l’est pas. (sic!).

Autre erreur: une dramaturgie mal fondée. Pourquoi monter cette pièce aujourd’hui? Là est bien la question et de cette façon? Libre à Kheireddine Lardjam de voir un manifeste anticapitaliste drôle et glaçant dans cette comédie gentillette avec, comme personnages principaux,  Glapieu  et  Rousseline qui tire les ficelles. Mais trop bavarde, elle n’a sans doute pas cette ambition et aurait mérité quelques coups de ciseaux. “Je souhaiterais, dit-il, travailler sur cet humour, tout en mettant en avant la violence exercée par une classe économiquement dominante sur une autre classe ». Rousseline, à la fois  séduisant et assez louche, s’adresse au public mais indirectement, en usant d’un monologue intérieur. Pourquoi pas? Mais ici, l’action fait souvent du surplace, les acteurs semblent parfois perdus sur ce grand plateau, et surtout, il n’y a pas de véritable échange avec le public, même si Glapieu va se balader dans la salle, vieux truc des années cinquante usé jusqu’à la corde! Bref, le temps paraît bien long…

 On se demande vraiment pourquoi Kheireddine Lardjam qui a su choisir ses acteurs-c’est déjà cela-les fait crier sans arrêt, même au micro? Cela dit, et heureusement, tous les acteurs Maxime Atmani, Azeddine Benamara, Romaric Bourgeois, Samuel Churin, Étienne Durot, Cédric Veschambre et surtout Linda Chaïb, drôle et tout à fait remarquable dans le rôle de la mère, en particulier dans les scènes avec sa fille (Aïda Hamri), sont de très bon niveau et méritent mieux que cette mise en scène des plus approximatives et sans beaucoup de rythme. On pense à ce qu’aurait pu faire de cette pièce Jean Bellorini, lui qui avait monté avec intelligence Les Misérables! Mais il n’y a ici pas d’unité de jeu et rien  ne fonctionne vraiment: que ce soit la direction d’acteurs, la scénographie, les éclairages, la musique et les effets sonores … autant en emporte le vent! Et conseil aux enseignants: si vous êtes, malgré tout, tentés d’y aller, évitez d’y emmener vos élèves!

Philippe du Vignal

Théâtre de l’Aquarium, Cartoucherie de Vincennes, jusqu’au 8 avril.
Théâtre Dijon-Bourgogne, du 27 au 29 mai.

 

 


Archive pour 25 mars, 2018

Mille francs de récompense de Victor Hugo, mise en scène de Kheireddine Lardjam

 

Mille francs de récompense de Victor Hugo, mise en scène de Kheireddine Lardjam

 7AF54ECF-5A34-4021-8176-56CB3C5E1B83Après avoir fondé sa compagnie à Oran, et mis en scène des dramaturges arabes comme Abdelkader Alloula, Naguib Mahfouz, Mahmoud Darwich, Kateb Yacine, et français comme Christophe Martin, Pauline Sales, Fabrice Melquiot… Kheireddine Lardjam participe actuellement au travail de la Comédie de Saint-Étienne.

Victor Hugo écrivit cette comédie pendant son exil à Guernesey, entre 1855 et 1870, quand Napoléon III dirigeait la France et avait le soutien du capitalisme et des capitaines des grandes industries. Un histoire simple au départ et finalement assez compliquée, avec de nombreux rebondissements. Dans un appartement sinistre, un vieil homme ruiné et malade, sa fille Etiennette, et sa petite-fille Cyprienne attendent que les huissiers arrivent pour saisir leurs pauvres meubles. Seule possibilité pour eux d’échapper à cette saisie: que la jeune et jolie Cyprienne accepte d’épouser Rousseline, c’est à dire accepte d’être vendue à ce banquier et hommes d’affaires sans scrupules et cynique qui selon lui, arrangera tout: «L’étrange chose que l’homme, et comme c’est peu connu ! On croit que je suis tout intérêt, je suis tout amour-propre. «J’aime l’argent ? Non, j’aime, moi. Je veux plaire ; je veux plaire aux femmes; de gré ou de force, j’entends plaire; malheur si je ne plais pas! »

Mais Cyprienne refuse le marché: elle  aime un commis de banque qui est trop pauvre pour l’épouser.  Surgit alors Glapieu,  un  repris de justice en cavale qui a bon cœur: «Je suis si essoufflé que je n’ai pas eu le temps de devenir vertueux. Chien de sort.» Traqué par la police, il trouve refuge dans une alcôve pendant la saisie. Il entend alors tout, et décide alors de rétablir la justice. On retrouve dans cette  comédie mineure et rarement jouée, l’écrivain qui veut combattre les graves injustices sociales et le pouvoir exorbitant des banquiers sur le pays, au moment de la Restauration et ensuite sous Napoléon III. La société actuelle a peu à voir avec celle du second Empire mais Kheireddine Lardjam voit dans Mille francs de récompense, la peinture d’une société fondée sur les malversations de la finance… et comparable à  la nôtre. «Théâtre engagé, elle est dit-il, une sorte de manifeste tour à tour drôle et glaçant.(…) «Je souhaite faire résonner son message dans et avec le monde d’aujourd’hui. Victor Hugo décrit une société très proche de celle d’aujourd’hui, à deux vitesses en panne d’ascenseur social.» Il refusa de voir jouer cette pièce de son vivant, « tant que la liberté ne serait pas de retour.

Selon Kheireddine Lardjam, « les scènes se succèdent comme des plans cinématographiques et Mille Francs de récompense s’avère étonnamment contemporain.” Oui, mais bon sur le plateau, et au-delà de ces bonnes intentions, cela donne quoi? Pas grand chose de fameux !  D’abord première erreur: une scénographie vraiment très laide et peu efficace, faite de châssis en tôle plastique ondulée sur roulettes qui serviront aussi d’écran à quelques projections d’oiseaux noirs… Et que les acteurs  manipulent sans arrêt… à vous donner le tournis. On veut bien que le metteur en scène “questionne le sujet de la transparence sur scène à travers une scénographie spécifique (…) le plexiglass qui nous permettra de jouer sur ce qui est vu et ce qui ne l’est pas. (sic!).

Autre erreur: une dramaturgie mal fondée. Pourquoi monter cette pièce aujourd’hui? Là est bien la question et de cette façon? Libre à Kheireddine Lardjam de voir un manifeste anticapitaliste drôle et glaçant dans cette comédie gentillette avec, comme personnages principaux,  Glapieu  et  Rousseline qui tire les ficelles. Mais trop bavarde, elle n’a sans doute pas cette ambition et aurait mérité quelques coups de ciseaux. “Je souhaiterais, dit-il, travailler sur cet humour, tout en mettant en avant la violence exercée par une classe économiquement dominante sur une autre classe ». Rousseline, à la fois  séduisant et assez louche, s’adresse au public mais indirectement, en usant d’un monologue intérieur. Pourquoi pas? Mais ici, l’action fait souvent du surplace, les acteurs semblent parfois perdus sur ce grand plateau, et surtout, il n’y a pas de véritable échange avec le public, même si Glapieu va se balader dans la salle, vieux truc des années cinquante usé jusqu’à la corde! Bref, le temps paraît bien long…

 On se demande vraiment pourquoi Kheireddine Lardjam qui a su choisir ses acteurs-c’est déjà cela-les fait crier sans arrêt, même au micro? Cela dit, et heureusement, tous les acteurs Maxime Atmani, Azeddine Benamara, Romaric Bourgeois, Samuel Churin, Étienne Durot, Cédric Veschambre et surtout Linda Chaïb, drôle et tout à fait remarquable dans le rôle de la mère, en particulier dans les scènes avec sa fille (Aïda Hamri), sont de très bon niveau et méritent mieux que cette mise en scène des plus approximatives et sans beaucoup de rythme. On pense à ce qu’aurait pu faire de cette pièce Jean Bellorini, lui qui avait monté avec intelligence Les Misérables! Mais il n’y a ici pas d’unité de jeu et rien  ne fonctionne vraiment: que ce soit la direction d’acteurs, la scénographie, les éclairages, la musique et les effets sonores … autant en emporte le vent! Et conseil aux enseignants: si vous êtes, malgré tout, tentés d’y aller, évitez d’y emmener vos élèves!

Philippe du Vignal

Théâtre de l’Aquarium, Cartoucherie de Vincennes, jusqu’au 8 avril.
Théâtre Dijon-Bourgogne, du 27 au 29 mai.

 

 

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