Cosmos 1969 – La bande originale de la mission Apollo 11, conception et direction de Thierry Balasse

©Thomas Leblanc

©Thomas Leblanc


Cosmos 1969-La bande originale de la mission Apollo 11
, conception et direction de Thierry Balasse

 

« Ici la salle de commande pour Appolo Saturn V. Le compte à rebours continue à T-1h 30 min 55 s. Tout est Go à  cette heure !.… » Des voix américaines indistinctes fusent dans les hauts parleurs du théâtre qui relayent le dispositif sophistiqué de Thierry Balasse aux commandes de plusieurs synthétiseurs, à l’instar des techniciens de la salle de contrôle de  Huston qui veillent au bon déroulement de la mission Apollo 11 : ils interrogent minute par minute les responsables des différents postes de surveillance, puis les trois astronautes en route pour la lune.

 

Le compte à rebours commence plusieurs jours en amont du décollage et inclut les procédures de vérification de la fusée.  Le spectacle suit les différentes étapes de la mission, des préparatifs à l’alunissage, jusqu’au retour sur terre des astronautes. A partir des bandes son de cette aventure spatiale, le compositeur a créé différentes pièces musicales électroaccoutiques. Pour nous remettre dans l’ambiance de cette époque marquée par la conquête de l’espace, il convoque à ses côtés un orchestre aux sons et au répertoire des années soixante, les mêmes musiciens entendus dans La face cachée de la lune d’après Pink Floyd, spectacle concert que nous avions vu et beaucoup apprécié dans cette salle en 2012  (voir le Théâtre du Blog). Fidèle au groupe anglais, chanteurs et instrumentistes commencent par Set the control at the Heart of the sun de Roger Waters (1968). Suivront des chansons de David Bowie et de Syd Barrett fondateur de Pink Floyd, entrelacés avec des partitions  de Thierry Balasse et les interventions nasillardes des  contrôleurs et des cosmonautes.

 

Quand enfin le fusée décolle, le 16 juillet 1969, pour arriver en orbite terrestre,

apparaît, en combinaison d’astronaute, une jeune femme qui se love le long d’une tige métallique hélicoïdale déployée jusqu’au faîte de la scène. Elle progresse lentement, comme en apesanteur, avec des gestes d’une incroyable précision pour rester en suspens tout au long de sa progression vertigineuse. La tête en bas, les pieds dans les nuages projetés sur l’écran en fond de scène, elle virevolte avec précaution autour de la structure tandis que retentit Quanta Canta de Thiery Balasse, inspiré par la physique quantique. Nous pénétrons dans une autre dimension, et l’acrobate se perche au plus haut de l’espace, bercée par O Solitude d’Henry Purcell ( 1684), hymne intemporel aux beautés des cieux :  « Lieux dédiés à la nuit/ Loin  des tumultes et du bruit ». Puis après avoir fait plusieurs tours de la lune, Neil Amstong et Edwin Aldrin vont descendre dans le module lunaire et poser les pieds sur l’astre mort tandis que Michael Collins les attend dans le module de commande : «  C’est un petit pas pour l’homme, un bond de géant pour l’humanité »  s’enthousiasme Niel Amstrong! L’orchestre entonne Echoes (Pink Floyd 1971) :  « Overhead the albatross hangs montionless upon the air (Là-haut l’albatros plane  dans les airs) . » Notre danseuse aérienne redescendra des cintres sur les notes d’Epitath de King Krimson : « Confusion sera mon épitaphe alors que je rampe le long d’un chemin crevassé (…) demain je pleurerai » Petite dépression post atterrissage … Nous voilà revenus de cette Odyssée de l’espace théâtrale.

 

Musique pop, sons électroniques et danse aérienne nous ont propulsés pendant une heure trente dans cet espace interstellaire et quand le spectacle prend fin, il nous faut un peu de temps pour remettre les pieds sur terre.

 

Mireille Davidovici

Entre 1958 et 1975, cette aventure humaine et technologique a mobilise plusieurs  dizaines de milliers de personnes pour aboutir à son point culminant en juillet 1969 avec l’exploration  à physique de la lune Tenant en haleine des millions d’auditeurs et spectateurs pendant les quelques jours de la mission. Neil Amstrong, Edwin Aldrin et Michael Collins, sont les trois astronautes de cette étape centrale du programme permettant  au deux premiers de se poser sur la lune, d’y  faire des expériences et d’y prélever des échantillons de sol. Michael Collins lui les attendait dans le module en orbite autour de la lune.
 A Houston (Texas) dans la salle de contrôle, se relayaient quatre équipes, dont une ( Flight) en charge du décollage dirigée par Gene Kranz. On demande aux responsables des postes de surveillance de la mission la confirmation de l’étape suivante à déclencher : « go » ! ou « no go » ! Se font entendre alors , comme venues de loin des voix en américain, toujours aussi audibles, celles de chacun des chargés de communication avec le mobile de navigation et avec le module lunaire, du médecin, de la navigation du module lunaire,  du contrôle des trajectoires, de l’ordinateur de bord,   et du dialogue avec les astronautes. Une équipe technique et scientifique nombreuse et efficace.

 Les regards du public sont captés par les synthétiseurs et appareils électro-acoustiques de Thierry Balasse, en pantalon sombre et chemise blanche. La machine infernale et musicale clignote de ses petites lumières colorées, avec Eric Groleau à la batterie et Eric Lohrer à la guitare, musiciens-chanteurs, vêtus de leur combinaison spatiale et de chaussures de sécurité. Au lointain, sont projetées des images d’archives, dont le départ de la navette spatiale aux moteurs vrombissants et laissant surgir des volumes impressionnants de fumée.

Dans les airs, l’équilibriste et trapéziste Fanny Austry joue comme avec l’apesanteur, se tourne et se retourne, avec sauts arrière et avant, dans une lenteur étudiée. Un spectacle aérien de grande maîtrise, accompagné de chansons contemporaines à l’événement et interprétées par Elisabeth Gilly, Cécile Maisonhaute et Elise Blanchard: Set the control for the heart of the sun et Echoes des Pink Floyd, Space Oddity de David Bowie, Epitaph de King Crimson, Ilyana et Armstrong de Thierry Balasse, Because des Beatles. Et O Solitude d’Henry Purcell (1684).

Une plongée vertigineuse dans une machine musicale à remonter le temps. «C’est, a dit alors Neil Armstrong, un petit pas pour un homme, un bond de géant pour l’humanité. »

Véronique Hotte

Spectacle vu le 23 mars au Théâtre de la Cité internationale, 17 boulevard Jourdan Paris XIVème.

 


Archive pour 26 mars, 2018

Longueur d’ondes, mise en scène de Bérangère Vantusso, inspiré du documentaire radiophonique Un Morceau de chiffon rouge

©JM Lobbe

©JM Lobbe

 

Longueur d’ondes, mise en scène de Bérangère Vantusso, inspiré du documentaire radiophonique Un Morceau de chiffon rouge de Pierre Barron, Raphaël Mouterde et Frédéric Rouziès

En mars 1979, au cœur du bassin sidérurgique, Radio-Lorraine-Coeur d’Acier, l’une des premières radios libres, a été fondée par la C.G.T. à Longwy (Meurthe-et-Moselle) pour lutter contre les fermetures d’usines sidérurgiques et suppressions d’emploi en rafales prévues sans état d’âme par le gouvernement Raymond Barre, sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing. Elle commence à émettre, animée par deux journalistes professionnels, Marcel Trillat et Jacques Dupont.
Radio-Lorraine-Coeur d’Acier diffusait quelques heures par jour mais illégalement, à partir de la mairie de Longwy-Haut, à parti d’un émetteur placé sur le clocher de l’église… À chaque tentative d’évacuation par les CRS, on sonnait le tocsin, et des milliers de personnes venaient alors protéger le studio dont la chanson Le Chiffon rouge de Michel Fugain et Maurice Vidalin était l’emblème. Mais, à l’été 80, les nouveaux dirigeants de la CGT évincent les deux journalistes et modifient le contenu de cette station qui perd de son influence et qui sera évacuée début 1981 par les C.R.S. François Mitterrand, nouveau Président de la République, va enfin à Longwy en octobre de la même année pour soutenir les ouvriers sidérurgistes mais il les trahit ensuite, préférant suivre une décision européenne! Après six mois de luttes intenses, les ouvriers ont pu partir à cinquante ans avec 90% de leur salaire.

Il y a deux ans, la biennale Odyssées en Yvelines passait commande à Bérangère Vantusso, comédienne et marionnettiste, d’une pièce pour adolescents. Et elle choisit alors de faire dire une histoire remontant à son  enfance dans le bassin minier lorrain, en s’inspirant de la tradition du kamishibai japonais, une pièce de théâtre sur papier, ici mise en images par Paul Cox. Un narrateur conte une histoire en faisant défiler de grands dessins dans un cadre en bois, sorte de roman graphique que l’on effeuille, tout en parlant.On voit ici des paysages de ruines, on entend l’interview d’un orphelin de guerre…
Hugues de la Salle et Marie-France Roland jouent avec des châssis aux beaux dessins «naïfs » évoquant les luttes ouvrières, la naissance des premières radios libres, dites pirates.Le spectacle retrace le parcours de cette formidable station ouverte  à tous sans distinction, sauf à l’extrême-droite, qui était une  source d’espoir, avec mots d’ordre, photos, dessins. On y découvrait la force de la solidarité, la libération de la parole des femmes: on parlait sexualité, travail  mais aussi déjà nécessité de protéger les immigrés.

Trois radios associatives ont travaillé sur les archives et on a fêté en 2011, les trente ans des radios libres. Au débat qui suivit la représentation, Marcel Trillat a rappelé que les usines sidérurgiques était aussi un enfer pour les ouvriers…
Un spectacle bien servi par Bérangère Vantusso, et à à ne pas rater, quand il sera repris.

Edith Rappoport

Le spectacle s’est joué au Studio-Théâtre de Vitry,  du 23 au 25 mars. T. : 01 46 81 75 50.

-Un Morceau de chiffon rouge, documentaire audio réalisé par Pierre Barron, Raphaël Mouterde et Frédéric Rouziès,  Editions Vie Ouvrière, 2012.

-Lorraine cœur d’acier,  film de David Charrasse, Rodolphe Di Sabatino, et Denis Pierron.

-Une radio dans la ville, film  d’Alban Poirier et Jean Serres.

 

Congés payés de Jean-Baptiste Maillet et Romain Bermond

Festival (Des) Illusions 

 Congés payés de Jean-Baptiste Maillet et Romain Bermond

photos: JM Besenval / dessins: STEREOPTIK

photos: JM Besenval / dessins: STEREOPTIK

Comme au temps du cinéma muet, ce spectacle s’accompagne de musique improvisée, et d’images projetées sur écran géant. A partir de films d’amateurs, récoltés auprès d’habitants de la Région-Centre, Jean-Baptiste Maillet et Romain Bermond, dessinateurs, bruiteurs, hommes-orchestre et projectionnistes, fabriquent Congés payés en direct, bricolant dans un ingénieux mini-laboratoire à cour,  ou jouant de leurs instruments, à jardin. 

 Ici, les souvenirs de vacances tournés en super 8, deviennent dessins, les personnages  en noir et blanc se teintent de couleurs et s’animent sous le pinceau rapide des artistes. Les découpes en carton permettent de recadrer les images projetées, comme le pare-brise d’une voiture positionné sur une route où défilent des véhicules d’antan. Sur la mer, s’esquissent, en surimpression, un petit bateau ou un poisson qui saute, pendant qu’une famille s’ébat dans les vagues. Et les tableaux s’enchaînent: on suit parfois quelques personnages, comme ce trio qui s’en va danser, petites marionnettes de papiers prélevées sur une photo de plage, ou ce pauvre gars en panne de mobylette, qui, de temps à autre, revient à l’écran. Sons et images se croisent et se répondent.

Romain Bermond et Jean-Baptiste Maillet, tous deux artistes, et musiciens créent leur compagnie Stéréoptik en 2008,  avec la création d’un spectacle  homonyme, À partir d’une partition écrite et construite à quatre mains, chacune de leurs pièces prend forme sous le regard du public et ils redonnent vie à des scènes d’un autre âge, avec tendresse, et beaucoup d’humour.

Ce spectacle sans parole de trente minutes est un petit bijou où l’on prend plaisir tant à voir le processus technique qui conduit à la naissance des images qu’aux images elles-mêmes. Pour à tout âge, et à vraiment ne pas manquer.

 Mireille Davidovici

Spectacle vu au Théâtre Monfort, 106 rue Brancion, Paris XV ème, et présenté jusqu’au 25 mars. T. : 01 56 08 33 88

 

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