Monsieur, d’après la véritable vie de Marcel Creton, écriture scénique et mise en scène de Claire Vienne
Monsieur, d’après la véritable vie de Marcel Creton, écriture scénique et mise en scène de Claire Vienne
Monsieur se réveille dans sa cabane, quitte son grabat: une pile de livres recouverte d’une natte! Il s’étire, tente de jouer sur son violoncelle quelques accords des Variations Goldberg de Jean-Sébastien Bach. Dans son abri rudimentaire, aménagé avec des meubles de récupération, il fait un brin de toilette, prend son petit déjeuner, en écoutant sur un transistor nasillard, un philosophe disserter sur Aristote et la notion de bonheur.
Ce rituel bien réglé se poursuit mais sans un mot. Il y a du Jacques Tati chez l’acteur et, sur scène, une poétique du quotidien: une rose rouge sur la table de fortune, des reliques et photos de famille exhumées d’un boîte à musique désuète et une guirlande de Noël déployée pour célébrer son anniversaire en solitaire. On sourit à la fantaisie qu’il apporte à une vie sans relief, mais cette belle mécanique va se dérégler pour laisser apparaître solitude et dénuement…
Le Théâtre de la Communauté de Seraing (Belgique) construit ses spectacles à partir de rencontres avec des gens, pour restituer la parole de ceux qui ne l’ont pas. Ses directeurs ont ainsi rencontré dans un centre d’accueil, Marcel Creton qui exprime le désir de faire du théâtre et de se raconter. Mais… il n’a pas de mémoire, et Claire Vienne alors écrit avec lui Marcel, un spectacle muet qu’il jouera dans les refuges, prisons… jusqu’à son décès en 2015. Un solo repris aujourd’hui par Luc Brumage. L’absence de paroles fait qu’on s’attache au moindre geste, mis en scène avec une minutie dans les détails: accessoires astucieusement bricolés, mimiques, démarche.
Le silence révèle la richesse intérieure du personnage, portée avec une grande sensibilité par le comédien. Passant de la résignation sereine, à une montée de désespoir, ce Monsieur nous touche et nous donne une leçon de vie: beauté et délicatesse ne sont pas affaire de riches et tout être humain recèle en lui une capacité de résister à la déchéance. Mais nous devons aussi entendre son appel au secours qu’il nous écrit, SOS muet adressé à notre conscience. Sans commentaires !
Ce solo, joué devant des enfants d’école élémentaire a su les amuser mais aussi les émouvoir et il a suscité chez eux beaucoup de questions. Un spectacle mettre entre toutes les mains et une belle leçon pour nous…
Mireille Davidovici
Spectacle vu le 26 mars au Centre Wallonie-Bruxelles 46 rue Quincampoix, Paris IVème
du 19 au 23 avril,La Cité 11, Jemeppe (Belgique),
du 6 au 29 juillet,Festival d’Avignon off La Factory, 4 rue Bertrand, T. : 02 43 36 23 32 ,