Notre Innocence, texte et mise en scène de Wajdi Mouawad

 Notre Innocence, texte et mise en scène de Wajdi Mouawad

©Simon Gosselin

©Simon Gosselin

Une histoire de saison : le printemps, c’est la jeunesse, et le directeur du Théâtre de la Colline l’a voulu ainsi avec comme parti-pris : suivre les saisons de l’année. Naguère, au printemps 68, il y eut sous les pavés, la plage, et une jeunesse en couleurs surgie de l’après-guerre. Aujourd’hui,  ce vieux printemps est devenu suspect, ou au moins problématique : laissons-le donc aux débats en cours.

Notre Innocence est aussi une histoire de rencontre : Wajdi Mouawad travaillait avec des élèves du Conservatoire National d’Art Dramatique en novembre 2015, et s’est trouvé consigné avec eux dans leur salle de répétitions. Nous aussi, sortant d’un théâtre,  nous avions appris la nouvelle des attentats, ne sachant que faire, atterrés et prenant finalement le dernier métro… désert.
 Et cet événement est devenu fondateur pour ce groupe d’élèves. Plus tard, le travail a évolué avec des échanges, entre autres, de jeunes comédiens québecois. Créer Notre innocence sur le grand plateau du Théâtre National de La Colline doit être pour eux une énorme responsabilité et une immense joie…

 Ces vingt garçons et filles ont à témoigner, à travers une histoire tragique, des attentes, frustrations et révoltes de leur génération, mais aussi des reproches qu’ils font à leurs parents. Pour cela, ils ont inventé ensemble une histoire où un appartement peut être hanté. Autrefois, avant que les bâtiments deviennent des salles de spectacle, on abattait les bêtes à la Villette et l’un des tueurs habitait là… Victoire, l’héroïne envolée par la fenêtre, n’a sans doute pas pu supporter tout ce sang fantôme. Et ses amis, qui n’ont rien vu venir et qui n’ont rien fait pour l’aider ? Et pour sa fille ? Après un chœur parlé, en quatre chapitres inégaux : La Viande, La Chair, Le Corps, L’Esprit où s’invitent les grands mythes de dévoration (Chronos, Thyeste…), on assiste à un grand vidage de sac, chacun parlant de sa relation avec la morte, ou avec sa mort. Racontée ou fantasmée, personne n’est coupable ni innocent.

Donc, nous voilà face à ces vingt jeunes comédiens qui mettent tout leur talent à s’enfermer dans une fonction relative à ce suicide supposé : Celle qui n’arrive pas à croire au suicide, Celui qui n’a pas pitié, Celui qui dort tout le temps… Pas ou guère de rencontres entre eux, et chacun cherche à poser un geste (mais n’est-ce pas déjà prendre la pose ?) et tente de bien faire, dans un collectif parfaitement réglé.

Sans doute l’auteur et metteur en scène attendait-il beaucoup de son équipe, peut-être restée trop admirative devant le maître, qu’il ait souhaité l’être ou pas. Raidis dans une mise en place impeccable, ils ont perdu ce qu’ils avaient pu apporter de vivant, d’authentique et venu d’eux-mêmes : peut-être la chose la plus difficile qu’un jeune comédien puisse faire à ses débuts ! Bref, une rencontre manquée, un malentendu…

Malgré des fulgurances poétiques, le texte reste lourd et traité en imprécation collective contre nous, les soixante-huitards à cheveux gris qui peuplent les salles (on peut s’en aller si on gêne !). On ne va pas entrer dans le débat sur les commémorations plus ou moins âcres de mai 68, ni dans l’évaluation de cet épisode historique. Mais, cette colère qu’on nous envoie en pleine figure, nous l’aurions voulue grave, splendide, théâtrale. En fait, nous n’avons que le mime d’une colère qui doute d’elle-même.

Et la scénographie contribue à la raideur du spectacle, avec un fond de scène qui s’approche ou s’éloigne, exerçant ainsi une pression sur l’espace ; comme à la parade, impeccables, les chaises s’alignent ou se désordonnent, et puis ? Pas grand-chose, sinon l’apparition parfaite d’une petite fille, à la fin: n’ayant rien à prouver, elle est présente, simplement, incarnant la génération suivante qui renvoie à l’inutile, celle qui s’est évertuée sur le plateau. Aïe ! Si c’était ça, le message…

La jeunesse aura une vraie chance de s’exprimer à l’occasion du colloque À quoi jouez- le 14 avril au Théâtre National de la Colline. « Presque paritaire, le groupe organisateur de la première édition du Colloque Jeunesse est composé de huit membres d’une moyenne d’âge d’un peu plus de 22 ans »  dit le dossier de presse : nous irons donc  écouter ces garçons et ces filles qui ont déjà investi à leur façon ce théâtre: photos, ateliers, débats, reportages… À eux la parole.

Christine Friedel

Théâtre National de la Colline, 1 rue Malte Brun, Paris XXème jusqu’au 11 avril. T. 01 44 62 52 52.
Puis en tournée

Victoires de Wajdi Mouawad qui a inspiré en partie Notre Innocence, est publié aux éditions Actes Sud, (2017).

 

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