Les Os noirs, mise en scène de Phia Ménard

 

Les Os noirs, mise en scène de Phia Ménard

 

© Jean-Luc Beaujault

© Jean-Luc Beaujault

Une voix parle d’un oiseau, la nuit, réveillé par un rayon de lune maléfique : «Il se perd dans le noir (…),  se noie ou se déchire aux épines d’un  rosier.» (… ) Le noir, dans tous ses éclats et ses nuances, va dominer pendant une heure cette pièce  avec trois «passages à l’acte »,  sous le signe de l’air, de l’eau et du feu, Les Os noirs invite au voyage onirique d’un corps aux prises avec les éléments. Englouti puis ressurgi, métamorphosé.

 Le jongleur Philippe Ménard, devenu Phia Ménard, se tourne depuis 2008 vers la danse et la performance théâtrale «avec pour objet l’étude des imaginaires de la transformation et de l’érosion au travers de matériaux naturels».  Après l’eau et la glace (PPP, Belles d’hier), elle va explorer l’élément aérien, avec deux «pièces du vent».  L’Après-midi d’un foehn s’adresse aux spectateurs de tout âge et Vortex, uniquement aux adultes. Dans Les Os noirs (entendre aussi: eaux noires), elle convoque la mer et la bourrasque pour une tempête, dresse une sombre futaie ventée, soulève le sol, anime un amas de cendres…

 Pour cette leçon des ténèbres, elle se réfère à l’Ophélie d’Hamlet, Camille Claudel, Léopoldine Hugo, Virginia Woolf, Charles Baudelaire, Edward Munch, comme autant de sources d’inspiration. «Un accompagnement au dernier souffle. Je l’ai imaginée comme un poème sombre, une écriture incarnée dans un corps et des éléments. »  Ce corps, celui de Chloée Sanchez, sera tout d’abord assailli, balloté puis avalé par une mer déchaînée : une immense bâche en plastique noir gonflée par une puissante soufflerie. Dans une forêt calcinée, la performeuse erre, s’affole, vocifère, comme une sauvageonne fuyant une nature hostile.

Au deuxième passage à l’acte, prise dans la matière d’une vaste toile anthracite, elle se débat, fouit, rampe et émerge, marionnette endimanchée, pour esquisser une valse rageuse.
Le troisième et dernier passage à l’acte opère un retour vers la lumière qui ne s’est jamais vraiment absentée : points lumineux des min-torches des techniciens pendant les changements de décor, brasillement d’un feu… Et une obscure clarté émane des nuances du noir, comme l’outre-noir de Pierre Soulages. On pense à la chambre noire où s’impressionne une «série d’épreuves photographiques et sensorielles», comme Phia Ménard définit elle-même son travail.

 Des images fortes et prégnantes se créent sous nos yeux, en particulier celle des premier et dernier tableaux. La composition sonore d’Ivan Roussel distille avec subtilité une inquiétante étrangeté couvrant le vrombissement de la soufflerie. Pourtant, les séquences semblent parfois s’éterniser. Volonté de montrer que le corps est un piège et peine à se métamorphoser et à quitter la prison de son genre, pour Phia Ménard qui a vécu cette transformation? Les  changements de décor, un peu laborieux à cause d’une machinerie sophistiquée, cassent aussi l’ambiance cauchemardesque où nous divaguons avec plaisir. «La saturation est un des axes de mon expérimentation», reconnaît la metteuse en scène.

 Mais on gardera surtout en mémoire le tableau final, quand, dans un fondu au blanc, Chloée Sanchez, en tenue immaculée, étreint un corps calciné (son double ?) et murmure, d’une voix douce qui tranche avec ses cris précédents : «La mort viendra et elle aura tes yeux,  titre du dernier recueil de Cesare Pavese, écrit peu avant son suicide, en 1950.

Mireille Davidovici

Le Monfort, 106 rue Brancion, Paris XIVème, en partenariat avec le Théâtre de la Ville, jusqu’au 14 avril.

Le Quai, Angers, du 19 au 21 avril ; Théâtre des Treize Arches, Brive-La-Gaillarde les 26 et 27 avril.
Le Théâtre, Scène nationale d’Orléans, le 24 mai.

 

 

 

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