Akaji Maro, Danser avec l’invisible, présentation et entretiens d’Aya Soejima
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Akaji Maro, Danser avec l’invisible, présentation et entretiens d’Aya Soejima, photos de Nobuyoshi Araki
Un beau titre pour un livre qui explore la vie et l’art d’Akaji Maro dont le travail a été présenté cet hiver à la Maison de la Culture du Japon. La photo de couverture et celles qui accompagnent ces entretiens sont du célèbre Nobuyoshi Araki, photographe officiel d’Akaji Maro et de sa compagnie Dairakudakan. Ils se sont rencontrés à la fin des années 1960 dans le studio de Tatsumi Hijikata, créateur de la danse butô, décédé en 1986.
A force d’accompagner le maître dans ses interviews parisiens depuis plusieurs années et de se rendre deux fois par an dans son studio à Tokyo, Aya Soejima a eu l’idée de ces entretiens. La première partie du livre révèle la vie d’Akaji Maro depuis sa naissance à Nara en 1943, jusqu’à son travail, ces dernières années avec sa compagnie. Un long parcours, riche en rencontres artistiques: Yuko Mishima, les danseurs Ushio Amagatsu et Carlotta Ikeda, les cinéastes Takeshi Kitano ou Quentin Tarantino… D’abord engagé dans les milieux culturels alternatifs de Tokyo, en marge d’une société japonaise strictement réglée, le chorégraphe s’intéresse au théâtre dès son adolescence et, en 1964, rencontre Jūrō Kara et participe à la création du Jôkyô Gekijô, compagnie-phare du théâtre underground. Le maître est devenu avec le temps, une institution mais mieux reconnue à l’étranger que chez lui.
La deuxième partie du livre, consacrée à sa vision de la danse et du monde, révèle les codes et orientations de ses créations et sa belle philosophie de l’existence. «Je joue au théâtre, je danse, dit-il. Mais je ne fais que mettre l’humain en scène.» Comment interpréter une existence, par le théâtre ou la danse? Jūrō Kara mettait en avant les errements de l’amour, ses fêlures et aberrations. Les textes, fondés sur le sens caché des mots et la polysémie, ont influencé le jeu des acteurs en qui il avait confiance. Il les questionnait beaucoup sur leur vie, puis insufflait une partie de leur vécu dans leur personnage. «J’ai changé de manières de m’exprimer, en passant du théâtre à la danse, mais je me dis que la danse représente aussi la vie de chacun. Le théâtre, pour moi, est un art raffiné. Ma danse, elle, relève plus du rituel. C’est plus primitif.».
Un livre passionnant et à découvrir.
Jean Couturier
Akaji Maro, Danser avec l’invisible, présentation et entretiens d’Aya Soejima. Riveneuve Archambaud éditeur.