Entrée libre, l’Odéon est ouvert, atelier dirigé par Julie Bertin et Jade Herbulot

Entrée libre, l’Odéon est ouvert écriture collective, atelier de travail de troisième année du Conservatoire National, dirigé par Julie Bertin et Jade Herbulot

 le_birgit_ensemble-compBonne idée de commémorer théâtralement les cinquante ans de mai 1968 en mettant en scène l’occupation du Théâtre de l’Odéon. Deux jours après la grève générale, le soir du 15 mai,  il est pris d’assaut par un Comité d’Action révolutionnaire et pendant un mois, étudiants, artistes, travailleurs de tout bord ouvriront une tribune permanente dans les murs de ce vieux théâtre.

Ça cause, ça chante, ça flirte, ça organise des comités en tous genres : gestion, éducation sexuelle, sports et loisirs, théâtre de rue  et un indispensable service d’ordre , dirigé par un policier en grève. La jeunesse s’exprime par tous ses pores pour secouer le vieux monde de l’après-guerre et inventer un monde nouveau, en s’inventant soi-même… Ce à quoi jouent les apprentis-comédiens, en retrouvant l’énergie de ce printemps-là.

Ils se sont plongés dans les archives, ont lu des livres, compulsé des images et  recueilli des témoignages d’anciens combattants. Donc armés pour mettre en acte ces pages d’histoire qui concentrent et résument l’ensemble des événements. «Il est cinq heures le nouveau monde s’éveille/ Il est cinq heures nous n’aurons jamais sommeil », dit une chanson, parodiant celle de Jacques Dutronc. Ou encore Sheila «Donne moi ta main et prends la mienne/ Pour les Enragés ça signifie/ La rue est à nous que la joie vienne/ Mais oui, mais oui, de Gaulle est fini. »

La salle du Conservatoire se trouve deux heures et demi durant transformée en un mini-Odéon, où résonnent les discours des jeunes gens, fleurissent les slogans, et se déploient des banderoles accrochées aux balcons. Le public est appelé à participer, et on fait la quête pour préparer une soupe qui sera distribuée à la sortie. Tout cela commence comme une fête… Bientôt se poseront les questions d’organisation, surgiront les désaccords. Et quand les ouvriers reprennent le  travail après un mois de blocage du pays , et que des élections s’annoncent,  cette fête sera finie. Que restera-t-il de mai 1968 et des chaudes heures de l’Odéon ?

 Le Birgit Ensemble, compagnie à deux têtes, sortie depuis peu du même Conservatoire national, a déjà plusieurs spectacles à son actif : Memories of Sarajevo et Dans les ruines d’Athènes concluent une tétralogie  commencée avec un atelier de fin de cursus Berliner Mauer, suivi de Pour un prélude sur le passage à l’an 2000 (voir Le Théâtre du Blog). Les metteuses en scène ont dirigé un atelier de six semaines avec les seize comédiens pour élaborer cette fresque. Beaucoup de travail à la table pour structurer le texte, et des improvisations, pour que chacun trouve son personnage parmi les matériaux en abondance.  

 La pièce s’articule en trois parties : prise, occupation et expulsion de l’Odéon. L’enthousiasme porte le mouvement : « La révolution est possible !  » Faut-il prendre l’Odéon, un théâtre de gauche, mais un théâtre d’Etat? Malgré l’opposition de certains, Jean –Louis Barrault et Madeleine Renaud sont chassés impitoyablement : une scène jouée par  Caroline Marcadé et Gilles David, tous deux enseignants au Conservatoire. Et  déjà, à ce propos,  s’affrontent radicaux et réformistes. De la horde initiale, déferlant sur le plateau, émergent des personnages  dont chacun a construit, dans cette histoire, un parcours cohérent d’un bout à l’autre : Madeleine, la radicale, ouvrière chez Renault, la timide Nicole qui peine à prendre la parole et consigne les débats, Pierre, fils de bourgeois jusqu’auboutiste et beau parleur, Jacques, le réformiste qui votera Valéry Giscard d’Estaing aux élections présidentielles… La pensée politique s’élabore au fil des jours: pour la révolution culturelle, pour la fin du consumérisme, contre le révisionnisme communiste, le capitalisme et la guerre du Viet nam. On croit à la convergence des luttes: ouvriers, artistes, paysans, étudiants, tous ensemble ! Utopie? La question des femmes, de l’avortement, du machisme annonce le féminisme des années suivantes. Les chrétiens de gauche tentent une percée avec une comédienne issue de la  compagnie Renaud-Barrault. La scène est une tribune pour  les débats, les assemblées générales, et le public qui participe volontiers, est invité à voter des résolutions. Ce sera aussi l’occasion de faire entendre une parodie de Tête d’Or une pièce de Paul Claudel qui fut jouée dans ce même Odéon …

En coulisse, se déroulent réunions préparatoires ou de bilan, ateliers de sérigraphie ou séances de cuisine, filmés en noir et blanc par une caméra pour donner un petit air rétro à ces images, à l’instar des costumes dégotés dans les boutiques vintage. Tout ici est très bien agencé. Avec un petit passage à vide en fin de parcours, quand la parole et les personnages se mettent à tourner en rond, peu avant la défaite. Un petit creux  rapidement comblé car on revit avec plaisir ces moments relatés par des acteurs énergiques et généreux : souvenirs pour les uns, pages d’histoire pour les autres. Mais on s’y retrouve, toutes générations confondues, car bien des sujets sont encore d’actualité et l’on voit que si les mœurs ont été transformés, la société, elle, demeure la même.  Il faut féliciter les comédiens, tous excellents et inventifs, sous la houlette de Julie Bertin et Jade Heburlot.

Mireille Davidovici

Spectacle joué au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique 2 bis rue du Conservatoire, Paris IX ème. T. : 01 41 42 46 12 91

 

 

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