Filiation de Gabriel Garran, conception et mise en espace Laurent Schuh et Liliana Soledad
Filiation de Gabriel Garran, conception et mise en espace Laurent Schuh et Liliana Soledad
Le metteur en scène donne vie cet émouvant journal de l’enfance de Gabriel Garran, enfant caché sous la répression nazie, protégé par sa mère qui l’avait envoyé loin d’elle, dans les montagnes. Laurent Schuh l’incarne pieds nus, parcourant les traces blanches d’un escargot dessiné au sol, au rythme d’un métronome, à côté d’une paire de chaussures. Le corps maquillé, il jette les feuillets après les avoir lus, en avançant sur les traces. « On raconte tout avec le théâtre, tous ces textes n’ont pas forcément été prémédités, écrire dans la clandestinité est une respiration seconde». Il se tortille autour du lampadaire, s’accroupit sur un tabouret à côté d’un petit cheval de bois.
«L’acteur est muet et le verbe prolixe, il n’y a que la folie qui m’aime ! Pour me quitter, je me suis dévêtu». Il se recroqueville le long de l’escargot. «Au cœur d’un holocauste, je lève au ciel mon poing à la miséricorde (…) le jeu de la vie, de la mort au paroxysme ». Il danse immobile, ouvre une valise et s’assied dedans : «Ne plus mourir est ma dernière ligne de fuite!» Il cite Aimé Césaire: «Ecrire comme une blessure… », psalmodie et danse le texte. «J’ai cru que l’amour, c’était se donner à l’autre…»
Laurent Schuh brame en tapant sur un poteau métallique: «Je pèle comme un oignon que l’on mange», il se peint le visage, met des lunettes en carton, tourne autour et essaye de l’escalader. «L’homme cherche à boire ce que la vie ne lui donne guère, j’ai fui la mort, comme elle me fuit, il faut la peau de l’autre pour être soi-même, je n’ai appris à mordre que tardivement. (…) Les survivantes ont été les géantes de ce temps ! »
Ce spectacle émouvant, élaboré en trois jours, nous livre des souvenirs de Gabriel Garran, enfant caché privé d’école pendant son enfance, qui ouvrit les portes d’une vraie décentralisation, en fondant le Théâtre de la Commune d’Aubervilliers avec son maire Jack Ralite, à la fin des années 60.
Edith Rappoport
Spectacle vu aux Lilas en Scène le 9 avril. Gabriel Garran dédicace à la sortie son beau livre de poèmes Esquisse pour une préhistoire publié par Archimbaud éditeur en 2013.