Rodin et la danse
Rodin et la danse
La danse, et plus largement le mouvement, ont depuis toujours fasciné les sculpteurs, rien n’est plus évident : de Myron et son Discobole (Vème siècle avant J.C.), à Antoine Bourdelle, à Edgar Degas ou Emile Carpeaux, nombreux sont les artistes qui ont cherché à saisir le corps en mouvement. L’exposition qui vient de s’ouvrir au musée Rodin, s’attache au cas particulier de ce sculpteur qui a fait des recherches sur l’équilibre dynamique entre des forces contraires Et le danseur aura été son meilleur modèle.
Mais plutôt qu’à la danse elle-même, Auguste Rodin s’intéresse surtout à ce qu’elle implique d’effort, de rythme, d’engagement et maîtrise physiques. Et les interprètes de ballet classique lui serviront rarement de modèle. Sa recherche obstinée des possibilités expressives du corps l’amène en revanche à fréquenter artistes et acrobates mais aussi les personnalités les plus extraordinaires du monde de la danse moderne ou exotique, pour qui la gravité, loin d’être camouflée comme dans le ballet, devient au contraire un partenaire.Il connaîtra et fréquentera ainsi Loïe Fuller, la danseuse japonaise Hanako qui était proche d’elle, et Isadora Duncan. Et il assistera aussi aux représentations des Ballets Russes où il y admirera Vaslav Nijinsky dans L’Après-midi d’un faune. Selon Romola Nijinska, son épouse, Serge Diaghilev, l’autoritaire directeur des Ballets Russes, aurait surpris Auguste Rodin auprès de Vaslav Nijinsky nu, tous deux endormis dans l’atelier du sculpteur. Anecdote qui s’est avérée inventée…
Selon l’historien Philippe de Lustrac qui a consulté les archives de l’époque et cite le Journal du comte Kessler, grand ami d’Auguste Rodin, Vaslav Nijinsky n’aurait posé qu’une seule fois pour lui, et ce fut un fiasco. En effet, après un copieux déjeuner très arrosé en compagnie du sculpteur, la séance de pose s’interrompt rapidement : il s’était presque aussitôt endormi. C’était en 1902, et il avait déjà soixante-deux ans.
Il trouve une nouvelle inspiration peu de temps après, grâce au Ballet royal du Cambodge venu à Paris en 1906 avec le roi Sisowath en visite officielle, et il fait de nombreux croquis des danseuses chez qui il admire particulièrement la souplesse des bras, des poignets et la courbure des doigts. A leur départ, il dira qu’ «elles emportèrent avec elles, la beauté du monde».
Sont exposées ici les Mouvements de danse-ce nom avait été donné par une conservatrice du Musée dans les années 1950 à treize statuettes en terre cuite de l’atelier d’Auguste Rodin-et dont le seul modèle fut l’acrobate et danseuse Alda Moreno. Elles avaient été montrées en 2016 à la Courtauld Gallery de Londres.
Il y a aussi dans cette exposition, une centaine de dessins dont le fameux corpus des danseuses cambodgiennes, des photos appartenant à la collection privée du sculpteur et des fiches biographiques sur la plupart des danseurs avec lesquels il a travaillé, parcourant ainsi l’ensemble des recherches et expériences d’Auguste Rodin avec ces artistes du geste.
Sonia Schoonejans
Musée Rodin, 79 rue de Varenne, Paris VII ème, T. : 01.44.18.61.10, jusqu’au 22 juillet.