Les Potiers et Western Dramedies par la 2b Company

Les Potiers et Western Dramedies  par la 2b Company

Nous avions rencontré l’an passé cette  compagnie helvétique aux Francophonies en Limousin venue avec La Conférence des choses, un spectacle qui ne cesse de tourner (voir Le Théâtre du Blog). Leurs nouvelles créations nous ont autant séduits. Réalisées collectivement autour d’improvisations mises en forme et en musique, elles  sont placées sous le signe de la fantaisie.

Les Potiers est un lever de rideau d’une demi-heure: deux femmes et un homme se retrouvent, à l’atelier de poterie hebdomadaire, en vue d’une prochaine exposition… Un pianiste les accompagne. «Je n’ai pas d’inspiration! », entonne la première, une phrase qu’elle répète comme un refrain, sur quelques notes de musique. «C’est pas de la gymnastique, la poterie, on l’apprend petit à petit, c’est un métier !» lui rétorque son voisin. Et la conversation se poursuit à bâtons rompus, faite  de réflexions, anecdotes,  confidences, et des tout petits riens du quotidien. Une sorte de comédie musicale minimaliste rondement menée par Tiphaine Bovay-Klameth, François Gremaud et Michèle Gurtner. Mais, derrière le burlesque de ces banalités échangées, il y a des personnages pleins d’humanité avec leurs cocasseries, fêlures et détresses. Le rire du public n’est jamais méprisant ou condescendant, et il n’y a aucune férocité ou vulgarité dans la forme comme dans le fond de ces Potiers.

Western Dramedies

 © Dorothée Thébert Filliger

© Dorothée Thébert Filliger

Pour construire ce spectacle d’une heure quinze,  les créateurs sont allés glaner du côté des grands espaces américains, le long de la route 66, entre Los Angeles et Oklahoma City. Un itinéraire mythique, naguère symbole de liberté, qui a inspiré bien des artistes, de la beat à la pop generation, de Jack Kerouac à Bob Dylan,  et nombre de road movies. «Au départ de Western dramedies, il y a eu une envie commune de nous aventurer, dans le double sens de «partir à l’inconnu» (aller librement sans savoir où) et de «nous hasarder» (nous exposer au péril). Dramedy, mot utilisé aux Etats-Unis pour désigner certaines séries télévisées, à la fois drames et comédies, nous a semblé être très exactement le genre de ce spectacle.»

Lors de ce périple, les voyageurs ont collecté quantité de matériaux (images, sons, films, textes…) et se sont imprégné de personnages rencontrés au hasard. Fidèles à leur méthode de travail, ils ont improvisé situations et dialogues, aboutissant à une série de séquences écrites dans un anglo-américain proche de la caricature. Une gestuelle éloquente accompagne les sonorités et rythmes de cet idiome, et les acteurs poussent bruyamment diphtongues et exclamations expressives.

Devant un « mobil home », à la fois décor d’ambiance et coulisses pour les changements de costume, s’élaborent des mini-drames où de vieux babas cool évoquent avec nostalgie les années soixante mythiques de leur jeunesse… On y consomme des substances illicites, et il est question de la liberté sexuelle: «A deux c’est bien, à trois c’est mieux. »  Des beautés fanées jouent les pin-up… A des dialogues minimalistes où l’accent est mis sur les sonorités, le rythme et les harmonies de l’anglo-américain, s’ajoutent des chansons, écrites par Samuel Pajand dans le style folk ou country. Les paroles, proches de l’écriture automatique, juxtaposent trivialité et poésie, cohabitation cocasse soulignée par un sur-titrage qui joue avec les mots. Chantée ce soir-là par Billie Bird à la guitare, la musique est à la fois vecteur de sensations et liant entre les scènes, pendant les changements de costume. Elle offre aussi une échappée romantique à la banalité des dialogues et à la trivialité des personnages.

Les trois compères proposent ici un western théâtral et musical d’une grande liberté de ton, mais architecturé avec une précision d’horloge selon une méthode éprouvée: «Nous nous plaçons devant un ordinateur muni d’une webcam et, sans thématique ni contrainte, nous enregistrons ce qui arrive, à savoir des improvisations parlées et/ou chantées: dialogues, chansons, contes, etc. Nous retranscrivons ensuite le fruit de ces improvisations (…). Ce procédé intuitif est à mi-chemin entre écriture automatique (puisque tout s’invente sur le moment) et «cadavre exquis» (parce que chacun poursuit et prolonge la proposition de l’autre). De ces structures bancales sur les plans sémantique et rythmique, semblent apparaître des agrégats de réalités diverses. Nous avons alors esquissé une dramaturgie».

Avec ces exercices d’idiotie d’une grande intelligence, ce trio d’acteurs réussit à créer un univers drolatique. Et ils nous emmènent toujours plus à l’Ouest !

 Mireille Davidovici

Spectacle vu au Centre Georges Pompidou,  Paris IVème,  le 12 avril.

Marathon Gremaud Gurtner Bovay Théâtre Vidy-Lausanne, (Suisse), le 9 juin.



Archive pour 17 avril, 2018

Les Potiers et Western Dramedies par la 2b Company

Les Potiers et Western Dramedies  par la 2b Company

Nous avions rencontré l’an passé cette  compagnie helvétique aux Francophonies en Limousin venue avec La Conférence des choses, un spectacle qui ne cesse de tourner (voir Le Théâtre du Blog). Leurs nouvelles créations nous ont autant séduits. Réalisées collectivement autour d’improvisations mises en forme et en musique, elles  sont placées sous le signe de la fantaisie.

Les Potiers est un lever de rideau d’une demi-heure: deux femmes et un homme se retrouvent, à l’atelier de poterie hebdomadaire, en vue d’une prochaine exposition… Un pianiste les accompagne. «Je n’ai pas d’inspiration! », entonne la première, une phrase qu’elle répète comme un refrain, sur quelques notes de musique. «C’est pas de la gymnastique, la poterie, on l’apprend petit à petit, c’est un métier !» lui rétorque son voisin. Et la conversation se poursuit à bâtons rompus, faite  de réflexions, anecdotes,  confidences, et des tout petits riens du quotidien. Une sorte de comédie musicale minimaliste rondement menée par Tiphaine Bovay-Klameth, François Gremaud et Michèle Gurtner. Mais, derrière le burlesque de ces banalités échangées, il y a des personnages pleins d’humanité avec leurs cocasseries, fêlures et détresses. Le rire du public n’est jamais méprisant ou condescendant, et il n’y a aucune férocité ou vulgarité dans la forme comme dans le fond de ces Potiers.

Western Dramedies

 © Dorothée Thébert Filliger

© Dorothée Thébert Filliger

Pour construire ce spectacle d’une heure quinze,  les créateurs sont allés glaner du côté des grands espaces américains, le long de la route 66, entre Los Angeles et Oklahoma City. Un itinéraire mythique, naguère symbole de liberté, qui a inspiré bien des artistes, de la beat à la pop generation, de Jack Kerouac à Bob Dylan,  et nombre de road movies. «Au départ de Western dramedies, il y a eu une envie commune de nous aventurer, dans le double sens de «partir à l’inconnu» (aller librement sans savoir où) et de «nous hasarder» (nous exposer au péril). Dramedy, mot utilisé aux Etats-Unis pour désigner certaines séries télévisées, à la fois drames et comédies, nous a semblé être très exactement le genre de ce spectacle.»

Lors de ce périple, les voyageurs ont collecté quantité de matériaux (images, sons, films, textes…) et se sont imprégné de personnages rencontrés au hasard. Fidèles à leur méthode de travail, ils ont improvisé situations et dialogues, aboutissant à une série de séquences écrites dans un anglo-américain proche de la caricature. Une gestuelle éloquente accompagne les sonorités et rythmes de cet idiome, et les acteurs poussent bruyamment diphtongues et exclamations expressives.

Devant un « mobil home », à la fois décor d’ambiance et coulisses pour les changements de costume, s’élaborent des mini-drames où de vieux babas cool évoquent avec nostalgie les années soixante mythiques de leur jeunesse… On y consomme des substances illicites, et il est question de la liberté sexuelle: «A deux c’est bien, à trois c’est mieux. »  Des beautés fanées jouent les pin-up… A des dialogues minimalistes où l’accent est mis sur les sonorités, le rythme et les harmonies de l’anglo-américain, s’ajoutent des chansons, écrites par Samuel Pajand dans le style folk ou country. Les paroles, proches de l’écriture automatique, juxtaposent trivialité et poésie, cohabitation cocasse soulignée par un sur-titrage qui joue avec les mots. Chantée ce soir-là par Billie Bird à la guitare, la musique est à la fois vecteur de sensations et liant entre les scènes, pendant les changements de costume. Elle offre aussi une échappée romantique à la banalité des dialogues et à la trivialité des personnages.

Les trois compères proposent ici un western théâtral et musical d’une grande liberté de ton, mais architecturé avec une précision d’horloge selon une méthode éprouvée: «Nous nous plaçons devant un ordinateur muni d’une webcam et, sans thématique ni contrainte, nous enregistrons ce qui arrive, à savoir des improvisations parlées et/ou chantées: dialogues, chansons, contes, etc. Nous retranscrivons ensuite le fruit de ces improvisations (…). Ce procédé intuitif est à mi-chemin entre écriture automatique (puisque tout s’invente sur le moment) et «cadavre exquis» (parce que chacun poursuit et prolonge la proposition de l’autre). De ces structures bancales sur les plans sémantique et rythmique, semblent apparaître des agrégats de réalités diverses. Nous avons alors esquissé une dramaturgie».

Avec ces exercices d’idiotie d’une grande intelligence, ce trio d’acteurs réussit à créer un univers drolatique. Et ils nous emmènent toujours plus à l’Ouest !

 Mireille Davidovici

Spectacle vu au Centre Georges Pompidou,  Paris IVème,  le 12 avril.

Marathon Gremaud Gurtner Bovay Théâtre Vidy-Lausanne, (Suisse), le 9 juin.


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