Vera de Petr Zelenka, mise en scène d’Elise Vigier et Marcial di Fonzo Bo
Vera de Petr Zelenka, traduction d’Alena Sluneckova, mise en scène d’Elise Vigier et Marcial di Fonzo Bo
Reprise de cette comédie féroce d’une réelle actualité, créée en France en 2016 (voir Le Théâtre du Blog). Petr Zelenka, un auteur tchèque caustique, avec ses rêves, son amour de la littérature et de l’art, ses excès et sa propension à rire, égratigne à la fois bourreaux et victimes d’une société libérale qui va mal et où chacun essaye ici de tirer à soi les marrons du feu.
Karin Viard joue Vera une redoutable et flamboyante directrice de casting grisée par sa réussite, a le sentiment de dominer le monde et les autres. Petr Zelenka manie avec verve l’humour noir, le tragique comme le burlesque, pour raconter la chute d’une femme que rien ne semblait pouvoir arrêter sur la route du succès… Argent, pouvoir, médiatisation, statut social: tout, dit-il, peut s’acquérir si l’on joue le jeu. Mais Vera, aveuglée par ses gains, devient une marionnette aux mains de ceux à qui elle s’est vendue. Et la petite fille qui voit ses jouets se casser subitement, perdra tout ce qu’elle croyait avoir gagné ! Karine Viard investit avec fracas le plateau du début jusqu’à la fin, avec tout l’instinct et les réflexes d’une femme à la prétendue réussite sociale et financière. Même quand elle essaye sincèrement de préserver son affection pour un père malade et capricieux. L’actrice qui joue très bien cette audacieuse Vera, jamais sûre de sa tranquillité ni de la moindre victoire, veut toujours dominer les autres… comme ils l’ont autrefois dominée…
Une danse macabre et drôle qui raconte la violence de l’ultralibéralisme, la perte des repères et l’aveuglement. Grâce à la scénographie de Marc Lainé et Stephan Zimmerli, le public est convié à prendre un ascenseur ultra-moderne, avec les relations affairistes et peu fréquentables de Vera. Ces gens que l’on voit filmés, jamais libres de leurs gestes, ont des tenues loufoques et caricaturales et sortent de l’ascenseur pour pénétrer directement dans le vaste Bureau de la Communication dirigé par Vera. Chacun croyant vivre un épanouissement personnel grâce aux jeux miroitants de l’argent !
Elise Vigier et Marcial di Fonzo Bo, directeur du Centre Dramatique National de Normandie s’en donnent à cœur joie pour se moquer des plus faibles. Pierre Maillet s’amuse à mimer les victimes avec brio. Rodolfo de Souza incarne un ex-cador avec une belle patience agacée. Lou Valentini offre un exemple du tonique des jeunes générations.
Satire efficace mais aussi leçon de vie, Vera est racontée par six acteurs jouant à un rythme soutenu plus de vingt personnages, accompagnés, du sourire au tragique, par des chansons de Pierre Notte.
Véronique Hotte
Théâtre de Paris, 15 rue Blanche, Paris (IX ème), jusqu’au 12 mai. T. : 01 48 74 25 37.