Still Life d’Emily Mann, adaptation et mise en scène de Pierre Laville
Still Life d’Emily Mann, adaptation et mise en scène de Pierre Laville
La version initiale d’une des premières pièces de l’auteure qui dirige le Mc Carter Theater de Princeton, avait trait à l’après Viet nam et date de 1981. Nous l’avions vue trois ans plus tard dans la mise en scène de Jean-Claude Fall au festival d’Avignon… Mais bon, cette fois, les Etats-Unis ayant toujours une guerre quelque part, Emily Mann a resitué l’action lors de la guerre en Afghanistan, autre terre de combat pour le pays de Mark, un ancien marine qui revient chez lui après de terribles années. Cette guerre très coûteuse s’inscrit dans la lutte armée déclarée par Bush contre le terrorisme après les attentats du 11 septembre à New York et Washington et avait aussi pour but de capturer Oussama ben Laden, détruire l’organisation Al-Quaïda et mettre fin au pouvoir des talibans. Elle perdurera jusqu’en 2014, avec de très nombreuses pertes chez les Américains et leurs alliés, comme chez les civils afghans .
Marc a juste vingt-et-un ans! Physiquement intact mais, comme tous ses camarades-enfin ceux revenus vivants!-il est détruit, et resté encore là-bas dans sa tête; il a tué nombre d’ennemis mais aussi une famille entièr-père, mère et deux enfant-qui ne voulait pas dénoncer un parent proche… Mark, dépressif et traumatisé à vie, a bien du mal à se réadapter. Il retrouve Chéryl, son petit garçon et sa femme enceinte qu’exaspéré, il tabasse parfois. Elle n’a aucune illusion quant au comportement de son mari: «J’accepte, sans le condamner, tout ce qu’il a fait.» Mais elle est comme indifférente aux obsessions de violence qui l’atteignent. Il y a aussi-mais Cheryll ne connait pas son existence-Nadine, la maîtresse de Mark, divorcée avec trois enfants, très indépendante et féministe, qui a eu le coup de foudre pour lui, et qui, elle aussi, accepte tout aussi de l’ancien marine.
Pour Pierre Laville, dans cette pièce: «Tout sonne vrai et l’on entre directement en rapport avec les personnages. Le contexte et les événements que la pièce recompose nous parviennent en pointe sèche, ce qui par sa vérité même, exclut mélo et pathos. Sans ignorer le tragique des choses de la vie et de la guerre, Still Life y prend par fulgurances un air de comédie. »
On veut bien! Mais désolé, malgré de bonnes intentions, le petit tricotage d’Emily Mann de ces trois témoignages avec une bonne dose de théâtre-documentaire qui ne s’assume pas vraiment + une cuiller de de boulevard (le mari, la femme et l’amante avec gentille analyse psychologique)+ une lichette de remise en question des valeurs des Etats-Unis, ne fonctionne pas vraiment. Ces personnages tiennent beaucoup plus de silhouettes…
Côté mise en scène, cela n’est guère plus convaincant, il y a du Stanislas Nordey dans l’air, avec trois acteurs assis face public, sans bouger, du moins au début, et à qui on demande d’incarner ces personnages pour lesquels on a peu d’empathie. Antoine Courtray se donne bien du mal pour rendre son personnage crédible mais y arrive quand même un peu vers la fin, Ambre Pietri essaye en vain d’être la jeune épouse de Mark. Manon Clavel est, elle, plus convaincante, malgré un personnage assez conventionnel de femme américaine libérée…
Tout cela fait vieux théâtre, avec un semblant de modernité comme cet entrelacement des paroles des trois personnages. Mais ce patchwork de vies amoureuses et de récits de combats meurtriers, avec projections d’images de guerre pléonastiques vues et revues, n’apporte pas grand-chose, comme ces chants de muezzin ponctuant le texte. Pour dire l’Orient? Et il n’y a guère d’émotion dans ce spectacle. Vous l’aurez compris, il n’y a donc aucune urgence à aller voir cet ovni recyclé au goût du jour. Le public peu nombreux a applaudi mollement, et on le comprend….
Philippe du Vignal
Théâtre des Déchargeurs, 3 rue des Déchargeurs, Paris Ier jusqu’au 19 mai.