Spectacle de l’Ecole de l’Opéra de Paris

Spectacle de l’École de l’Opéra de Paris

la-petite-danseuse-de-degas-dvd-livreUn rituel immuable : une fois par an au Palais Garnier,  on peut découvrir les futurs membres du corps de ballet. Louis XIV qui avait besoin de jeunes recrues pour ses ballets, va créer en 1661 l’Académie royale de danse. Deux siècles plus tard, sous les combles de l’Opéra, vingt-trois élèves apprennent les pas classiques sous les combles de l’édifice, d’où leur nom : petits rats.

En 1981, Claude Bessy, alors directrice  parlait ainsi des représentations de l’École: «Les élèves sont des privilégiés, par rapport à ceux d’autres écoles dans le monde. Le danger: qu’ils ne soient pas armés pour la lutte dans leur carrière. Alors, on les pousse à affronter des compétitions internationales. On les oblige à sortir de leur cocon, à se comparer aux autres. C’est la raison du spectacle de fin d’année avec de vrais ballets. Cela leur donne au moins une fois par an, la possibilité d’être en contact avec la scène et le public et c’est un stimulant». L’École qui a déménagé à Nanterre, il y a trente ans, est dirigée aujourd’hui par Elisabeth Platel.

En première partie, Suites de Danses sur une musique de Frédéric Chopin, chorégraphie d’Ivan Clustine réglée par Pierre Lacotte, permet aux élèves de développer arabesques, attitudes, échappés sur pointes et autres figures classiques. En tutu pour les filles et collant blanc pour les garçons. La troisième partie Spring and Fall de John Neumeier sur une musique d’Anton Dvořák jouée par l’orchestre de l’Opéra de Paris, entre au répertoire de l’école, comme la nouvelle deuxième partie, Un Ballo, interprété par Maïlène Katoch, Raphaël Duval, Lucie Devignes, Daniel Lozano Martin , Luna Peigné, Guillaume Diop, Maya Candeloro, Anicet Marandel, Inès McIntosh  et Enzo Cardix .sur une musique de Maurice Ravel,

Cette pièce de Jiří Kylián de douze minutes est d’une grande beauté plastique : sous des dizaines de bougies, cinq couples de jeunes danseurs-les plus âgés de l’Ecole-créent des figures homogènes et précises d’une grande sensualité. Ce tableau pourrait être dansé par le corps de ballet actuel, sans que l’on note de vraies différences techniques ou artistiques: un beau travail plein de promesses.

Jean Couturier

Opéra de Paris, Palais Garnier, Paris VIII ème, les 15, 17 et 18 avril.

 

 


Archive pour avril, 2018

Les Potiers et Western Dramedies par la 2b Company

Les Potiers et Western Dramedies  par la 2b Company

Nous avions rencontré l’an passé cette  compagnie helvétique aux Francophonies en Limousin venue avec La Conférence des choses, un spectacle qui ne cesse de tourner (voir Le Théâtre du Blog). Leurs nouvelles créations nous ont autant séduits. Réalisées collectivement autour d’improvisations mises en forme et en musique, elles  sont placées sous le signe de la fantaisie.

Les Potiers est un lever de rideau d’une demi-heure: deux femmes et un homme se retrouvent, à l’atelier de poterie hebdomadaire, en vue d’une prochaine exposition… Un pianiste les accompagne. «Je n’ai pas d’inspiration! », entonne la première, une phrase qu’elle répète comme un refrain, sur quelques notes de musique. «C’est pas de la gymnastique, la poterie, on l’apprend petit à petit, c’est un métier !» lui rétorque son voisin. Et la conversation se poursuit à bâtons rompus, faite  de réflexions, anecdotes,  confidences, et des tout petits riens du quotidien. Une sorte de comédie musicale minimaliste rondement menée par Tiphaine Bovay-Klameth, François Gremaud et Michèle Gurtner. Mais, derrière le burlesque de ces banalités échangées, il y a des personnages pleins d’humanité avec leurs cocasseries, fêlures et détresses. Le rire du public n’est jamais méprisant ou condescendant, et il n’y a aucune férocité ou vulgarité dans la forme comme dans le fond de ces Potiers.

Western Dramedies

 © Dorothée Thébert Filliger

© Dorothée Thébert Filliger

Pour construire ce spectacle d’une heure quinze,  les créateurs sont allés glaner du côté des grands espaces américains, le long de la route 66, entre Los Angeles et Oklahoma City. Un itinéraire mythique, naguère symbole de liberté, qui a inspiré bien des artistes, de la beat à la pop generation, de Jack Kerouac à Bob Dylan,  et nombre de road movies. «Au départ de Western dramedies, il y a eu une envie commune de nous aventurer, dans le double sens de «partir à l’inconnu» (aller librement sans savoir où) et de «nous hasarder» (nous exposer au péril). Dramedy, mot utilisé aux Etats-Unis pour désigner certaines séries télévisées, à la fois drames et comédies, nous a semblé être très exactement le genre de ce spectacle.»

Lors de ce périple, les voyageurs ont collecté quantité de matériaux (images, sons, films, textes…) et se sont imprégné de personnages rencontrés au hasard. Fidèles à leur méthode de travail, ils ont improvisé situations et dialogues, aboutissant à une série de séquences écrites dans un anglo-américain proche de la caricature. Une gestuelle éloquente accompagne les sonorités et rythmes de cet idiome, et les acteurs poussent bruyamment diphtongues et exclamations expressives.

Devant un « mobil home », à la fois décor d’ambiance et coulisses pour les changements de costume, s’élaborent des mini-drames où de vieux babas cool évoquent avec nostalgie les années soixante mythiques de leur jeunesse… On y consomme des substances illicites, et il est question de la liberté sexuelle: «A deux c’est bien, à trois c’est mieux. »  Des beautés fanées jouent les pin-up… A des dialogues minimalistes où l’accent est mis sur les sonorités, le rythme et les harmonies de l’anglo-américain, s’ajoutent des chansons, écrites par Samuel Pajand dans le style folk ou country. Les paroles, proches de l’écriture automatique, juxtaposent trivialité et poésie, cohabitation cocasse soulignée par un sur-titrage qui joue avec les mots. Chantée ce soir-là par Billie Bird à la guitare, la musique est à la fois vecteur de sensations et liant entre les scènes, pendant les changements de costume. Elle offre aussi une échappée romantique à la banalité des dialogues et à la trivialité des personnages.

Les trois compères proposent ici un western théâtral et musical d’une grande liberté de ton, mais architecturé avec une précision d’horloge selon une méthode éprouvée: «Nous nous plaçons devant un ordinateur muni d’une webcam et, sans thématique ni contrainte, nous enregistrons ce qui arrive, à savoir des improvisations parlées et/ou chantées: dialogues, chansons, contes, etc. Nous retranscrivons ensuite le fruit de ces improvisations (…). Ce procédé intuitif est à mi-chemin entre écriture automatique (puisque tout s’invente sur le moment) et «cadavre exquis» (parce que chacun poursuit et prolonge la proposition de l’autre). De ces structures bancales sur les plans sémantique et rythmique, semblent apparaître des agrégats de réalités diverses. Nous avons alors esquissé une dramaturgie».

Avec ces exercices d’idiotie d’une grande intelligence, ce trio d’acteurs réussit à créer un univers drolatique. Et ils nous emmènent toujours plus à l’Ouest !

 Mireille Davidovici

Spectacle vu au Centre Georges Pompidou,  Paris IVème,  le 12 avril.

Marathon Gremaud Gurtner Bovay Théâtre Vidy-Lausanne, (Suisse), le 9 juin.


Barokko de Marion Coutris, mise en scène de Serge Noyelle

© Cordula Treml

© Cordula Treml

Barokko, texte et livret de Marion Coutris, musique de Marco Quesada, mise en scène de Serge Noyelle

Un projet ambitieux dans un espace bi-frontal d’une trentaine de mètres, pour quelque quatre cent spectateurs. Rien ou presque sur la scène, sauf à une extrémité derrière un très grand cadre doré assez chargé: un batteur, un clarinettiste, et, à l’autre bout, assis sur une longue poutre en plexiglass, un homme immobile, comme une sculpture vivante, juste vêtu d’un slip noir, avant même que le spectacle ne commence. Référence christique, comme sortie tout droit de chez Jerzy Grotowski…

Cordula Treml

Cordula Treml

Le spectacle participe d’une sorte d’opéra-poème qui rappelle parfois dans la forme le célébrissime Einstein on the beach  (1976) de Phil Glass et Bob Wilson, et deux ans avant la création de La Classe morte, puis les autres très fameuses pièces de Tadeusz Kantor (1915-1990) et les spectacles baroques et délirants de l’américain John Vaccaro. Epoque bénie du théâtre
Bref, Serge Noyelle a placé la barre assez haut, avec un spectacle à la fois parlé et muet, dansé et/ou chanté en chœur en français comme en russe,  ou par seulement deux remarquables contre-ténors français et une superbe basse russe. Accompagné par un batteur, un clarinettiste et un accordéoniste en direct, et par une musique enregistrée du grand orchestre du Théâtre académique de Perm (Oural), une ville dont était issu le fameux Serge de Diaghilev (1872-1929). C’est un des coproducteurs importants de ce spectacle et les sept artistes russes de cette série de représentations ont été pris en charge par leur pays. Mais tous les musiciens étaient pris par leur répertoire,  car le théâtre de Perm doit fournir trente six spectacles par mois! Comme tout théâtre national  en Russie.

Barokko est donc, élémentaire mon cher Wilson, bien entendu baroque, avec des personnages qui se succèdent comme dans un rêve éveillé: il y a ici une imagerie simple mais très efficace pour traduire le dramatique de la condition humaine, comme l’ont fait les artistes européens de cette grande période artistique, architectes, compositeurs, peintres ou sculpteurs. Il y a ici  nombre de somptueuses références à la peinture baroque mais surtout aux clairs-obscurs du Caravage. Et la mort est omniprésente mais sublimée, et comme sous forme d’exorcisme. Avec une sorte de curieux  mouvement permanent, et un excès voulu. A charge pour le texte de dire mais aussi de renforcer quelque fois les images par hypotypose, mot savant pour signifier une description réaliste de la scène dont on veut donner une image. Si on a bien compris, le poème de Marion Coutris a aussi pour fonction scénique d’accompagner verbalement le langage gestuel, vocal et musical de l’ensemble des quelque trente participants, en accord avec sa sensibilité de comédienne.

Il y a d’abord cette femme discrète mais très impressionnante, en grande robe noire. Très mince sur de hauts talons, bien jouée avec une grande discrétion et une belle présence par Marion Coutris, cette fois actrice, bien plus jeune mais parente si l’on peut dire du personnage de La Classe morte, une image muette mais très inquiétante de la Mort: “Les yeux du dedans Dessinent des formes Inexpliquées Qu’on poursuit Avec des tâtonnements De bienheureux. » Et elle s’adresse à l’Homme nu): “ Toi, quel maudit croisement De planètes A marqué  ton destin? La Rage et le Désir Sont nés de la même mère Avec la même nourriture Ils ont grandi Et toi Tu te souviens de la trace Brûlante De leur morsure Toi Tu traces Avec ton talon Blessé Un sillon Dans la poussière Un sillon déjà creusé Avant toi”.
DSC_0728On n’entend pas toujours bien, à cause sans doute d’une mauvaise acoustique et malgré un micro HF ce texte poétique, et c’est dommage. Mort, sexe, religion, amour  et parfum d’érotisme discret sont ici convoqués pour accompagner cette danse macabre avec, sublimes de beauté et d’efficacité scénique, de longues et lentes processions d’une quinzaine de danseuses (beaux costumes de Catherine Oliveira) habillées de  belles robes anciennes à dentelles blanches ou noires selon les moments. Elles marchent, avec quelques acteurs travestis, à pas rythmés sur la musique de Marco Quesada, aux thèmes parfois proches de celle d’Henry Purcell. Avec oui, par moments quelque chose qui fait penser au ballet de cour qui, a rappellé Philippe Beaussant, fera partie de l’opéra français que Mazarin l’Italien s’évertuera à imposer en France. On pense alors aux célèbres vers de L’Enfer de La Divine comédie de Dante : «Je vis alors une bannière qui claquait si vite en filant qu’elle refusait tout repos. Elle était suivie d’une file en nombre si grand que la mort ne me semblait pouvoir la prendre. Je reconnus certains d’entre eux. Surtout l’ombre de celui qui abandonna la papauté ».  Tous  les acteurs chanteurs-danseurs font entrer une longue table d’une dizaine de mètres nappée de blanc, là aussi tout à fait kantorienne,  où à un bout, la Mort foudroiera l’Homme seul du début, assis à l’autre bout. Fascinant…

Il y a ici une galerie insensée de personnages remarquablement mise en scène par Serge Noyelle : l’Ange noir, un Prophète, un Roi déchu, un Devin prophétique, une triade d’hommes vêtus de grands manteaux et par ailleurs excellents chanteurs, ou travestis en femmes avec escarpins et bas noirs, de vieux petits jumeaux, ridicules en pourpoint blanc avec fraise-comme de vieilles poupées venues des Ménines de Velasquez, et aussi bien entendu comme les jumeaux, ces faux frères Dupont en costume noir de Tadeusz Kantor où ils étaient de tous ses spectacles…
Soit donc une sorte de Requiem baroque, aussi insolite que  carnavalesque, mais dont les images appartiennent aussi bien au monde de la peinture classique et des arts plastiques,  qu’à celui  du théâtre. Mais avec le sens du temps mais aussi et surtout de l’espace baroque. Dans une mise en scène des plus rigoureuses qui soient, avec quelque trente personnes sur le plateau ! Ce qui n’a rien d’évident et exige de longues mises au point pour arriver à une telle maîtrise du temps et de l’espace. Au chapitre des bémols : un son qui demanderait à être revu, une identification de tous ces personnages parfois difficile, et une dramaturgie un peu chaotique sur la fin, avec deux inutiles rebondissements. Mais tout cela peut vite être remis d’équerre.

Que demande le peuple? Longue ovation debout, en particulier des lycéens marseillais qui, visiblement, n’ont pas boudé leur plaisir. On peut espérer qu’un théâtre de Paris ou de sa banlieue accueillera Barokko quelques jours au cours de la saison 2020-2021. Nombre de lieux comme les Ateliers Berthier-Odéon, Nanterre-Amandiers, Ivry, Créteil, ou les festivals d’Avignon ou d’Aurillac-oui, pourquoi pas?-ont des espaces suffisants pour accueillir cette création avec  sa scénographie bi-frontale, qui mériterait bien une tournée.

Philippe du Vignal

Spectacle vu le 10 avril au Théâtre Nono, 35 Traverse de Carthage,  Marseille VIIIème. T. : 04 91 75 64 59.

 

Rodin et la danse

Rodin et la danse

s.5831_numjm001La danse, et plus largement le mouvement, ont depuis toujours fasciné les sculpteurs, rien n’est plus évident : de Myron et son Discobole (Vème siècle avant J.C.),  à Antoine Bourdelle, à Edgar Degas ou Emile Carpeaux, nombreux sont  les  artistes qui ont cherché à saisir le corps en mouvement. L’exposition qui vient de s’ouvrir au musée Rodin,  s’attache au cas particulier de ce sculpteur qui a fait des recherches sur l’équilibre dynamique entre des forces contraires Et le danseur aura été son meilleur modèle.

Mais plutôt qu’à la danse elle-même, Auguste Rodin s’intéresse surtout à ce qu’elle implique d’effort, de rythme, d’engagement et maîtrise physiques. Et les interprètes de ballet classique lui serviront rarement de modèle. Sa recherche obstinée des possibilités expressives du corps l’amène en revanche à fréquenter artistes et acrobates mais aussi les personnalités les plus extraordinaires du monde de la danse moderne ou exotique, pour qui la gravité, loin d’être camouflée comme dans le ballet, devient au contraire un partenaire.Il connaîtra et fréquentera ainsi Loïe Fuller, la danseuse japonaise Hanako qui était proche d’elle, et Isadora Duncan. Et il assistera aussi  aux représentations des Ballets Russes où il y admirera Vaslav Nijinsky dans L’Après-midi d’un faune. Selon Romola Nijinska,  son épouse, Serge Diaghilev, l’autoritaire directeur des Ballets Russes, aurait surpris Auguste Rodin auprès de Vaslav Nijinsky nu, tous deux endormis dans l’atelier du sculpteur. Anecdote qui s’est avérée  inventée…

Selon l’historien Philippe de Lustrac qui a consulté les archives de l’époque et cite le Journal du comte Kessler, grand ami d’Auguste Rodin, Vaslav Nijinsky n’aurait posé qu’une seule fois pour lui, et ce fut un fiasco. En effet, après un copieux déjeuner très arrosé en compagnie du sculpteur, la séance de pose s’interrompt rapidement : il s’était presque aussitôt endormi. C’était en 1902, et  il avait déjà soixante-deux ans.

 Il trouve une nouvelle inspiration peu de temps après, grâce au Ballet royal du Cambodge venu à Paris en 1906 avec le roi Sisowath en visite officielle, et il fait de nombreux croquis des danseuses chez qui il admire particulièrement la souplesse des bras, des poignets et la courbure des doigts. A leur départ, il dira qu’ «elles emportèrent avec elles, la beauté du monde».

 Sont exposées ici les Mouvements de danse-ce nom avait été donné par une conservatrice du Musée dans les années 1950 à treize statuettes en terre cuite de l’atelier d’Auguste Rodin-et dont le seul modèle fut l’acrobate et danseuse Alda Moreno. Elles avaient été montrées en 2016 à la Courtauld Gallery de Londres.
 Il y a aussi dans cette exposition, une centaine de dessins dont le fameux corpus des danseuses cambodgiennes, des photos appartenant à la collection privée du sculpteur et des fiches biographiques sur la plupart des danseurs avec lesquels il a travaillé, parcourant ainsi l’ensemble des recherches et expériences d’Auguste Rodin avec ces artistes du geste.

Sonia Schoonejans

Musée Rodin, 79 rue de Varenne, Paris VII ème, T. : 01.44.18.61.10, jusqu’au 22 juillet.

Voici mon Cœur, c’est un bon cœur, d’après Vent sacré, spectacle d’Anne Alvaro, Nicolas Daussy, et Thierry Thieû Niang

Voici mon Cœur, c’est un bon cœur, d’après Vent sacré, anthologie de la poésie féminine contemporaine amérindienne, spectacle d’Anne Alvaro, Nicolas Daussy, et Thierry Thieû Niang

© © Pascal Victor

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© Pascal Victor

Des lumières chaudes, tout paraît calme, en attente… Pour unique décor, un banc, quelques instruments de musique et un tissu violet jeté au sol. Côté jardin, Anne Alvaro s’avance lentement puis s’arrête face public, et de sa voix singulière, lance:«Bien sûr, vous pouvez me poser une question personnelle! »  Question personnelle en prologue comme une adresse directe, légèrement teintée d’ironie, au public. Un texte de Diane Burns ouvre le bal ! Et,  nous sommes conviés à une cérémonie avec une grâce sans pareille, une simplicité et une intensité dans les thèmes abordés, pleine de poésie, et politique, en l’honneur des femmes amérindiennes d’hier et d’aujourd’hui.

Le spectacle participe d’un bouquet de poèmes chorégraphié et d’une parole dramatique proférée par Anne Alvaro, dansés par Thierry Thieû Niang et mis en musique par Nicolas Daussy.  Ecrits pour la plupart par des autrices amérindiennes, ces poèmes nous bouleversent, et nous emmènent  au pays des lointains: «Quand nous faisons l’amour dans le monde-fleur, mon cœur est suffisamment près pour chanter au tien dans une langue qui n’a pas cours chez les mots humains maladroits ». (Joy Harjo). Et, à cette profonde émotion, s’ajoute une dimension esthétique et éthique. C’est là aussi la force et la beauté de ce spectacle : au moment où cette parole venue d’une autre culture, évoque de plein fouet et met en résonance le monde des traditions et des savoirs archaïques ou/et ancestraux,  avec notre monde, celui de la consommation, du simulacre, et du capitalisme qui a sauvagement tout uniformisé : «Helen ne peut pas croire qu’elle est belle.
 (…) Que ses cheveux épais dansent comme la rivière.
 Que son corps épais parle une langue qu’on lui a volée. (…) Elle n’embrasse pas. Parle peu. Se prend en photo pour s’assurer qu’elle existe. Se prend en photo pour se prouver qu’elle est vivante. Helen se prend en photo.» (Beth Brant).

Intelligence et délicatesse dans le choix des textes et mise en scène sobre: le public écoute avec attention cette écriture diversifiée. Sont ici évoquées des traditions poétiques féministes et de justice sociale, comme la lutte d’Annette Arkeketa pour les droits des autochtones  selon laquelle «La poésie et la beauté de la vie sur terre tout simplement sont ce qui guide mes pas vers un monde meilleur». Ou selon Joy Harjo: «Je crois fermement que j’ai une responsabilité envers toutes les sources que je suis: à tous les ancêtres passés et futurs, à mon pays d’origine, à tous les endroits où je m’aborde et à moi-même, à toutes les voix ».

 Le spectacle de ces artistes et poètes que sont Anne Alvaro, Nicolas Daussy, et Thierry Thieû Niang, est aussi un hymne à la puissance et à la beauté du langage. Une création, riche sur les plans artistique et socio-politique, qui nous fait rêver, réfléchir et nous libère, et qui rappelle aussi notre besoin de mémoire, de transcendance et de mystère…

Elisabeth Naud

Spectacle vu le 8 avril, au Théâtre Gérard Philipe, 59 boulevard Jules Guesde, Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). T. : 01 48 13 70 00.

Festival d’Avignon du 9 au 20 juillet à La Parenthèse, dans le cadre de la Belle Scène Saint-Denis.

 

 

Nosferatu, écriture, mise en scène de Julien Mellano et Denis Althimon

 
Nosferatu, écriture et mise en scène de Julien Mellano et Denis Althimon, à partir de huit ans

Bob-théâtreAprès Ersatz et Fulmine que la compagnie du Bob Théâtre avait présentés au Mouffetard et au Dunois, ce théâtre d’objets à faire peur, atteint ici son objectif avec une salle de jeunes enfants qui sont fascinés. Cela se passe au XIX ème siècle dans un château des Carpates, où est appelé pour affaires un jeune clerc de notaire. Sur son chemin, s’accumulent rencontres menaçantes et mauvais présages. Il arrivera quand même au château où l’accueille le sinistre comte Orlock. On pense bien sûr,  entre autres au roman de Bram Stocker et au film-culte de Murnau.
Tonnerre, obscurité due à des pannes de courant, musique dramatique et effets de suspense: Julien Mellano et Denis Althimon, en croque-morts impassibles au visage livide, reprennent aujourd’hui ce théâtre d’objets, petit bijou du répertoire du Bob Théâtre qui  avait été nommé aux Molières Jeune public en 2008.
Ce Nosferatu se joue sur une table avec un chaudron et juste deux acteurs qui manipulent des objets: «Vivants, vivantes, sachez que la plus grande force du vampire est que personne ne croit à son existence!» On a droit à des projections de voyages en Transylvanie et rien ne nous est épargné pour nous glacer de terreur en un clin d’œil…
Comment prendre du plaisir à avoir peur à un spectacle de théâtre  ou au cinéma? Un paradoxe … depuis les vieilles légendes horribles où le sang coule jusqu’à la reconstitution de faits divers bien sanglants? En tout cas, ici le contrat est ici remarquablement rempli et avec beaucoup d’humour.

Edith Rappoport

Spectacle vu le 8 avril au Mouffetard-Théâtre de la Marionnette, rue Mouffetard Paris Vème  jusqu’au 13 avril. T. :  01 84 79 44 44.

Le Sacrifice d’Abraham, œuvre anonyme, mise en scène de Damianos Konstantinidis

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Le Sacrifice d’Abraham, œuvre anonyme, mise en scène de Damianos Konstantinidis

Ce drame d’inspiration biblique, chef d’œuvre du théâtre crétois (XVIème et XVIIème siècles), met en scène Abraham auquel l’Ange demande de sacrifier son fils unique Isaac pour l’offrir au Seigneur. On retrouve cet aspect psychologique chez Giorgos Hortatzis qui, dans sa tragédie Erophile, aurait pris comme modèle Iphigénie en Aulide d’Euripide. D’autres chercheurs attribuent cette pièce à Vitzentzos Kornaros, auteur du poème épique Erotokritos.
Damianos Konstantinidis crée un spectacle très intéressant, en cela qu’il respecte un langage poétique en vers rimés et sa nature religieuse, tout en proposant une mis en scène contemporaine. Il développe une dialectique entre l’homme et la foi  en ce Dieu qui porte plusieurs noms selon  les religions. La figure de l’Ange interprété ici par le comédien noir Michel Afolayan, souligne le caractère universel de la divinité et les divers traits du culte. Etre fidèle aux règles parfois strictes d’une religion est souvent une dure épreuve et constitue un modus vivendi qui fait souffrir les gens.
Damianos Konstantinidis propose une sorte de méta-texte, et vers la fin du spectacle, les comédiens prononcent les fameuses  phrases qui mettent en cause la croyance et les obsessions qu’elle entraîne. Les décors et costumes d’Antonis Daglidis, simples et clairs, remplissent bien leur fonction symbolique.
Iossif Iossifidis (Abraham), Despina Sarafidou (Shara), Stergiana Tzegka (Tamar), Tassos Tsoukalis-Dimitriadis (Siban), Dimitris Fourlis (Isaak) et Michel Afolayan (Ange) gardent une distance critique. Aucun cri, aucune exagération mais des émotions que le spectateur peut facilement ressentir. Ce spectacle provoque, au-delà de la sympathie, la fameuse « purgation des passions » mais aussi  un scepticisme envers les personnages tragiques.
 
Nektarios-Georgios Konstantinidis
 
Théâtre Stathmos, 55 rue Victor Hugo, Athènes, T. : 0030 211 40 36 322

Roméo Castellucci : à propos de Sul concetto di volto nel Figlio di Dio

 

Roméo Castellucci : à propos de Sul concetto di volto nel Figlio di Dio 

Les 10 et 11 avril, la scène finale des  représentations de Sul concetto di volto nel Figlio di Dio  où des enfants jettent des grenades sur le Portrait du Christ d’Antonello di Messina a dû être supprimée en effet le spectacle  programmé par Les Quinconces-L’Espal au Mans, a en effet été censuré  par le préfet de  la Sarthe-fait rarissime en France et le public n’aura donc pas pu voir vu l’intégralité de la pièce. Ce qui est grave, quoi qu’on pense du spectacle…

Décidément l’histoire bégaie ! Il y a presque sept ans, Jean Couturier  avait dans ces colonnes,  fait le compte-rendu de ce même spectacle lequel, on s’en souvient, avait provoqué de lamentables réactions de milieux intégristes. Emmanuel Demarcy-Motta, directeur du Théâtre de la Ville à Paris, avait su garder son sang-froid et avait fait le maximum pour que ce metteur en scène étranger puisse quand même voir son spectacle joué en France, dans des conditions normales d’exploitation. Et l’on ne pouvait que l’en remercier.

Mais déjà à l’époque, de tels faits montraient que l’intolérance  politique et religieuse concernant, entre autres, un spectacle vivant, tendait à gagner du terrain. «Je veux pardonner, disait Roméo Castellucci, à ceux qui ont essayé par la violence d’empêcher le public d’avoir accès au Théâtre de la Ville à Paris. Je leur pardonne, car ils ne savent pas ce qu’ils font. Ils n’ont jamais vu le spectacle; ils ne savent pas qu’il est spirituel et christique, c’est-à-dire porteur de l’image du Christ. Je ne cherche pas de raccourcis et je déteste la provocation. Pour cette raison, je ne peux accepter la caricature et l’effrayante simplification effectuées par ces personnes. (…) En même temps-et je dois le dire avec clarté-il est complètement faux qu’on salisse le visage du Christ avec les excréments dans le spectacle. Ceux qui ont assisté à la représentation ont pu voir la coulée finale d’un voile d’encre noire, descendant sur le tableau, tel un suaire nocturne.

Il y a quelques jours, suite à des plaintes venant sans doute de milieux intégristes locaux, un avis défavorable a été émis par la Direction départementale de la cohésion sociale, et le préfet de la Sarthe s’est donc empressé de refuser la participation d’enfants à la scène finale du spectacle.  François Berreur, directeur des éditions des Solitaires Intempestifs qui en ont publié le texte, a interpellé la Ministre de la Culture: «Est-ce une nouvelle forme de censure républicaine? Ce préfet a-t-il appliqué des consignes de la Présidence? Peut-être souhaitez-vous aussi relire les écrits de Romeo Castellucci pour vérifier s’ils ne menacent pas notre jeunesse?» François Berreur a parfaitement raison, et sauf erreur de notre part, Madame Nyssen n’a pas encore cru bon de s’exprimer…

 

Chers spectateurs du Mans,

Je ne vous montrerai pas ce soir la pièce  Sur le concept du visage du fils de Dieu dans son intégralité. Il y manquera une scène importante dans laquelle interviennent des enfants. Suite à l’avis défavorable émis par la Direction départementale de la cohésion sociale, le Préfet de la Sarthe a refusé la participation des enfants à l’une des scènes de la pièce à laquelle vous allez assister ce soir. Il s’agit d’une séquence d’environ douze minutes, pendant laquelle un groupe d’enfants entre en scène avec des sacs à dos et vide leur contenu composé de jouets en forme de grenade, tout comme le garçon dans la photo de Diane Arbus qui a inspiré cette scène. Ils lancent ces fausses grenades sur le grand portrait du Salvator Mundi d’Antonello de Messine au fond de la scène. Il s’agit d’un passage complexe dont je ne peux que synthétiser le sens : c’est une forme de prière, un geste porté par l’innocence de l’enfance qui symbolise ici l’humanité entière, un geste qui fait référence à la passion du Christ. Pour monter cette scène, dans chaque ville nous organisons régulièrement des rencontres préparatoires avec les enfants, afin de leur faire comprendre «l’homéopathie» de ce geste violent qui appelle des sentiments inverses.

Depuis la première représentation de ce spectacle en 2010, ces rencontres sont  conduites avec beaucoup de soin et délicatesse par mon assistant Silvano Voltolina qui a une longue expérience dans la pédagogie théâtrale, spécifiquement auprès des enfants. Ce moment est l’un des aspects les plus riches et les plus beaux de ce travail : s’offrir le temps de discuter d’enjeux importants avec les enfants, écouter enfin leur voix, critiquer la violence par l’usage paradoxal de sa fiction et partager avec eux un discours sur l’art, la culture et la fragilité humaine. Parler d’éthique, finalement. Je ne partage donc pas du tout les raisons invoquées par la Direction départementale, raisons qui parlent de défense de la moralité et mise en danger de la santé des enfants.

La moralité ici évoquée est un mot vidé de son sens, un stéréotype douloureux et déplacé, qui ne surgit pas de la conscience profonde de l’individu mais plutôt d’une anesthésie de la conscience individuelle. La moralité évoquée ici est ce qu’on appelle le sens commun : une caricature de la véritable éthique, une offense à l’intelligence critique des adultes et des enfants. L’art est une éthique contenue dans une esthétique et cela n’a rien à voir avec le moralisme. La Préfecture a certes le devoir d’œuvrer pour le bien de la société et de la préserver des dangers mais, dans le cas présent, ce type de réponse me semble mieux convenir à un régime théocratique qu’à une république fondée sur la liberté d’expression. Cependant, je suis contraint d’accepter la décision de la Direction départementale et après un premier moment de consternation et d’incrédulité, j’ai pris la décision, avec ma compagnie, de jouer quand même le spectacle dans une version amputée de la scène en question. Je tiens beaucoup à m’en excuser auprès des enfants, de leurs parents et de vous-mêmes, chers spectateurs, car vous êtes venus ici ce soir en vous attendant à voir le spectacle dans son intégralité. Merci de votre compréhension, merci de votre attention.

Romeo Castellucci

 Rappelons-gentiment-au préfet de la Sarthe, qu’en 1968, un de ses collègues, alors préfet du Gard, avait cru bon d’interdire à Villeneuve-lès-Avignon, un spectacle d’un jeune metteur en scène Gérard Gélas, La Paillasse aux seins nus. Mais pas de chance, et mal lui en avait pris! En effet la célèbre troupe du Living Theatre dirigé par Julian Beck et Judith Malina avait protesté contre cette mesure idiote… et cela avait vite mis le feu aux poudres du festival d’Avignon! Le Mans n’est pas Avignon et comparaison n’est pas raison, comme disaient nos grand-mères. Mais on aimerait bien savoir ce qui a motivé pareille connerie et qui, finalement, a pris la décision. « Le lien entre l’Église et l’État s’est abîmé, il nous incombe de le réparer“, a bizarrement dit Emmanuel Macron ce lundi devant la Conférence des évêques. Les paris sont ouverts: vous pouvez nous écrire…

Philippe du Vignal

 

 

Trois Ruptures de Rémi de Voos, mise en scène d’Ivan Herbez et Eurydice El-Etr

Trois Ruptures de Rémi de Voos, mise en scène d’Ivan Herbez et Eurydice El-Etr

 safe_image.phpL’auteur est maintenant bien connu (voir Le Théâtre du blog) notamment avec ces trois pièces très courtes sur le thème de la rupture amoureuse. Jouées par  deux  acteurs qui en sont sont ici les metteurs en scène. D’abord, un dîner où le jeune couple est à table. Lui  dans l’admiration béate de ce qu’elle lui a préparé : «Une expérience gustative absolue. Un avant-goût du paradis.» Les phrases qu’ils échangent sont au degré zéro de l’amour, voire de la simple affection, et les silences deviennent de plus en plus insupportables. En fait, le ver est déjà dans le fruit et, même s’ils vivent encore ensemble, ils n’ont plus grand-chose à se dire. Et tout d’un coup, elle lui annonce la couleur : «Je te quitte». Lui refuse. Feu d’artifices de violentes insultes, à un rythme soutenu. Le texte léger comme une bulle de savon est plutôt bien joué, avec un avantage certain à Eurydice El-Etr qui a une belle gestuelle; Ivan Herbez a un jeu parfois un peu convenu.

La seconde rupture est celle qui survient entre une femme et un homme tout d’un coup ! Mais cette fois, c’est lui qui la quitte pour vivre avec un pompier. Dialogue surréaliste et absurde où le verbe quitter est décliné une trentaine de fois sur fond d’accusations insidieuses de part et d’autre… Comme dans une sorte d’exorcisme quand tout, d’un ancien amour, se met à basculer, s’en va à la dérive…. Et la troisième enfin : sans doute la plus consistante de ces trois piécettes. Ici, un père et une mère tyrannisés par leur enfant de cinq ans, n’en peuvent plus et vont décider de se séparer pour essayer de se sauver chacun de leur côté au lieu de sombrer à deux dans la folie.  Rémi de Voos là aussi analyse cette mort sans doute programmée de l’amour dans un couple, avec en fond de sauce, l’impossibilité pour chacun de conserver la même identité quand le Temps en sape les fondations. « Un amour véritable, dit Alain Badiou dans son Eloge de l’amour, est celui qui triomphe durablement, parfois durement, des obstacles que l’espace, le monde et le temps lui proposent. »

Du dîner d’anthologie, prétexte à une violente rupture, à la scène de jalousie sur fond d’amour homosexuel, puis au cauchemar subi par des parents quand la cause en est leur enfant, résultat concret de leurs amours, le couple ici a quelque chose de maudit. Dès le départ, on sait que, mariage, PACS, concubinage notoire ou pas, liaison durable ou pas, les choses vont, un jour ou l’autre, mal tourner. Constat amer de Rémi de Voos : la mort d’un amour fait toujours au moins deux victimes. Ces petits textes -inégaux- se laissent entendre.
Côté mise en scène, c’est un peu juste et pas très bien dirigé. Ivan Herbez et Eurydice El-Etr auraient pu ainsi nous épargner ces petites courses dans la salle aussi sottes que grenues, et ces intermèdes dansés qui n’apportent rien et cassent le rythme. Le public rit souvent des malheurs de ce couple qui, bien sûr, n’arrivent qu’aux autres et semble y trouver son compte. Désolé mais quelque soixante minutes après, on reste un peu sur sa faim…

 Philippe du Vignal

Le spectacle s’est joué du 26 mars au 2 avril, au Théâtre de Belleville, 94 rue du Faubourg du Temple, Paris (XI ème). T : 01 48 06 72 34.

Sphincterography-La politique du trou du cul de Steven Cohen

 

Sphincterography-La Politique du trou du cul, performance de Steven Cohen, avec la complicité d’Agathe Berman

©Valerie le Guen

©Valerie le Guen

Artiste et performeur, juif gay né en Afrique du Sud, l’auteur vit maintenant en France. Il interroge ses performances filmées que l’on nous projette, dans un township en destruction, dans un concours canin à Johannesburg… Il répond aux questions du public aidé par Agathe Berman. Sa tenue drag queen et les vidéos diffèrent chaque soir. Il entre,  hérissé d’antennes sur son crâne chauve, maquillé en clown étincelant, chaussé d’invraisemblables cothurnes, long sexe dressé… En fond de scène, des robes étonnantes sur des mannequins. «C‘est intéressant d’avoir les pieds contraints, mais avec les mains, c’est plus difficile!»

Il ironise sur la durée du spectacle: «Je travaille seulement avec mon propre corps. » On voit six minutes de projection: face à une vieille femme noire aux seins nus, en tutu, il a le sexe à l’air, étrangement costumé. « Le film est reçu différemment en Europe,  par rapport à l’Afrique du Sud. Il n’y a pas de contrat avec le public, c’est excitant. Je suis attaché depuis l’enfance, je déteste être touché. Mais être touché par l’amour d’une mère est une bénédiction. Vous voyez le monde tel que vous êtes!»
On voit aussi un film de 1998 sur ses débuts, quand il vient de découvrir les Drag Queen en Afrique du Sud. Tout y est politique. « Avoir une caméra là-bas, c’est dangereux!» Ou dans un concours de miss à Durban, pendant un concours hippique : «Je suis intéressé par l’inconfort dans la vie. Je suis la personne la plus ennuyeuse du monde. J’ai peur de ce que je fais; après trente ans, je commence à manquer d’énergie. J’ai quitté l’Afrique du Sud à trente-neuf ans. »
Dans un film au Japon en 2016, deux paires de jambes sans corps s’agitent. «Ce travail le plus simple, c’est en l’honneur de mon frère qui s’est suicidé et qui a demandé à être incinéré. » (… ) J »e suis coupable de l’apartheid pour toute personne blanche ! »  (…) « Je me sers de toutes les parties de mon corps et dans tous les sens que je veux !»
On voit un extrait de L’Abattoir, un  film de 2016. «Quand mon compagnon a perdu tout son sang dans une baignoire. j’ai du nettoyer. Que cette soirée soit dédiée à l’amour!»
 Cette invraisemblable performance se regarde avec plaisir.

Edith Rappoport

Théâtre du Rond-Point, 2 bis avenue Franklin D. Roosevelt, Paris VIII ème T. : l 01 44 95 98 21,   jusqu’au 15 avril.

 

 

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