Agatha de Marguerite Duras, mise en scène de Bertrand Marcos
Agatha de Marguerite Duras, mise en scène de Bertrand Marcos
Pénétrer dans le studio du Théâtre de l’Épée de Bois, c’est déjà être dans l’écriture mélancolique de Marguerite Duras qui avait écrit cette pièce en 1981. La mise en scène sobre de Bertrand Marcos fait résonner le texte sur les murs en bois de ce petit espace vide, où seules deux chaises rappellent les corps absents. Les spectateurs, installés comme des acteurs passifs de cette histoire d’amour qui va au-delà des limites entre une sœur et un frère, forment comme le quatrième mur de la maison d’enfance, inhabitée depuis la mort de leur mère.
Pauline Deshons et Teddy Bogaert, tous deux vêtus de noir, dans ce face-à-face d’amour toujours/amour jamais, sont incandescents. Elle, Agatha, pieds nus, est venue dire qu’elle part, loin de lui… Définitivement? Toute de douleur et d’espoir contenus, l’actrice nous tient sans jamais basculer dans le pathos. Lui, son frère, essaie de l’en empêcher, sans un geste pourtant. « Ainsi, vous êtes venue pour m’avertir de ces décisions que vous avez prises loin de moi pour faire cette interdiction plus interdite encore. » Teddy Bogaert debout, le regard vers le souvenir, la sensibilité à fleur de peau, résiste, dans une attente de bête traquée. Nous passons de l’un à l’autre, sans pouvoir les lâcher : il y a une sorte d’alchimie entre eux qui nous happe en douceur.
Marguerite Duras nous entraîne dans des lieux de la mémoire, ceux de l’ailleurs, de l’enfance et l’exil, des possibles et les impossibles, des paradis perdus ou réinventés, sur une valse de Brahms. Pauline Deshons et Teddy Bogaert font vivre avec intensité, cette traversée à la fois nostalgique et violente.
Frédérique Pierson
Théâtre de l’Épée de Bois, Cartoucherie de Vincennes, jusqu’au 17 mai. T. : 01 48 08 08 39 74.