False Colored Eyes chorégraphie de Chris Haring
False Colored Eyes chorégraphie de Chris Haring
Souvent utilisée avec excès dans le spectacle actuel, la vidéo accompagne ici de façon remarquable les deux danseurs et quatre danseuses de la compagnie Liquid Loft. Chacun filmant ses partenaires. Les images projetées, mouvantes ou fixes, prennent alors des couleurs différentes suivant l’ordre établi par Cris Haring. Les voix en play-back extraites de bandes sonores de films des années soixante nous plongent dans ces années-là, rappelant Blow-up de Michelangelo Antonioni(1966), ou les Screen Tests d’Andy Warhol (1964-1966).
False Colored Eyes plonge le public dans un érotisme chic, teinté d’un peu de machisme, que ne renieraient pas Richard Avedon ou Jean-Loup Sieff. Les danseurs, très impliqués dans le processus de création en direct, ont tous une remarquables précision des gestes et positions imaginés par le chorégraphe. L’image-vidéo a un tel pouvoir d’attraction que l’on oublierait presque de regarder la performance dansée.
«Dans False Colored Eyes, explique Chris Haring, deux caméras en direct agrandissent certaines perspectives particulières, visibles des artistes mais habituellement cachées au public. Ces caméras dansent avec les artistes». La mise en abyme des images projetées transforme ainsi le public en voyeur. Et on vit pendant une heure dans l’intimité des danseurs, au plus près des liens de leurs corps, et certaines scènes sont dérangeantes, car la vue du corps réel dérange toujours. Nous préférons aujourd’hui peut-être le virtuel au réel. Ce que dénonce sans doute ici le chorégraphe qui, peu à peu, fait de nous, ses complices…
Jean Couturier
Théâtre National de la Danse de Chaillot, 1 Place du Trocadéro, Paris XVI ème, jusqu’au 5 mai.