Le Maître et Marguerite, d’après le roman de Mikhaïl Boulgakov

 

Le Maître et Marguerite, d’après le roman de Mikhaïl Boulgakov, adaptation et mise en scène d’Igor Mendjisky

09052018-img_5242Mikhaïl Boulgakov (1891-1940), eu peu de ses œuvres publiées de son vivant  et son ultime texte, écrit et remanié de 1928 jusqu’à son dernier souffle, ne parut en Russie que trente-trois ans plus tard! Après lui avoir donné de nombreux titres, il le baptisa Le Maître et Marguerite quand il introduisit le personnage d’un écrivain (sorte d’alter ego), le Maître, la rencontre de ce dernier avec Marguerite, et le roman qu’il écrit : l’histoire «véridique» de Jésus et de Ponce Pilate.

Depuis, revanche posthume, le roman a connu nombre d’adaptations cinématographiques et théâtrales: l’œuvre semble inépuisable et mêle habilement fantastique et  réel, époques et lieux, de la Moscou des années trente, sous la dictature de Joseph Staline, à la Jérusalem sous  Ponce Pilate. Mikhaïl Boulgakov revisite, à la russe, le mythe de Faust et, en dramaturge accompli, injecte dans son roman une théâtralité implicite : de quoi tenter bien des metteurs en scène, dont Simon McBurney, en 2012, au Festival d’Avignon (Voir Le Théâtre du Blog).

Igor Mendjiski s’empare avec gourmandise de ce roman en le tirant vers une fête farcesque autour du personnage du diable, sous les traits de Woland, fauteur de pagaille et empêcheur de tourner en rond, plus sympathique que satanique. Il a choisi d’installer les spectateurs sur les trois côtés de l’aire de jeu, afin de les inclure dans sa mise en scène et de faire circuler les huit comédiens(ne)s parmi eux. Cela commence à l’asile psychiatrique où l’on soigne le dramaturge Ivan, parce qu’il accuse un certain professeur Woland d’avoir tué son ami Berlioz et prétend avoir vu à l’œuvre cet homme et sa clique dont un chat noir fort bavard. Là, Ivan se lie d’amitié avec le patient de la chambre voisine, Le Maître qui lui raconte sa rencontre amoureuse avec Marguerite en une série de séquences imbriquées avec les scènes de son roman : la relation entre Jésus -Yeshoua Ha-Nozri- et Ponce Pilate.

Le spectacle, après bien des péripéties qui embarquent le public dans un voyage onirique, se conclura dans ce lieu, sur la même phrase qu’au début : «Tout cela est bientôt terminé». Le metteur en scène, sous les traits d’Ivan, tient ainsi sa pièce par les deux bouts, construite en une série de retours en arrière et en assure la cohérence.

Romain Cottard, offre sa haute stature à Woland dans un numéro impressionnant. Il est aussi le docteur de l’asile et passe sans problème d’un personnage à l’autre, comme le font aussi ses partenaires, grâce à la fluidité de la pièce. Alexandre Soulier l’accompagne partout, en gros matou avide de câlins. Le personnage du Maître (Marc Arnaud) est moins bien dessiné comme celui de Marguerite, notamment dans sa relation avec son amant. Mais Esther Van den Driessche se révèle dans la dernière partie du spectacle quand, invitée par Satan à mener le bal, Marguerite se transforme en sorcière et demande au diable de sauver le Maître : les deux amants suivent Woland, loin de Moscou, morts mais libres. Afin de faire participer le public et  au risque de paraître un peu racoleuses, les scènes de magie noire ont été ici réécrites comme des numéros de cabaret, avec chansons pop…

 On peut se demander pourquoi les scènes bibliques sont jouées en grec ancien, et la crucifixion, en hébreu, coquetterie inutile; les quelques passages en russe, traduits en direct, se justifient davantage. A vouloir transposer le roman dans un contexte contemporain un peu kitsch, on perd de la force de l’œuvre et de sa virulence politique. Le Maître a recours à Satan pour continuer son roman, évincer les censeurs et exiler à Yalta le directeur du théâtre : une vengeance littéraire de Mikhaïl Boulgakov qui a vu ses pièces interdites par la censure et, qui, comme son héros, a brûlé Le Maître et Marguerite pendant la crise de 1930 avant de le réécrire.
Reste l’esprit fantastique du roman, la folie qui s’empare de cette Moscou stalinienne, avec l’irruption du diable. En une heure cinquante, ce plaisant voyage du côté de chez Mikhaïl Boulgakov nous met en appétit pour aller dévorer toute l’œuvre de ce grand écrivain.  

Mireille Davidovici

 Jusqu’au 10 juin Théâtre de la Tempête, Cartoucherie de Vincennes, route du Champ-de-Manœuvre. T. : 01 43 28 36 36,

 Et du 6 au 27 juillet, Gilgamesh Belleville -Festival off d’Avignon.

Du 6 au 9 mars 2019 Grand T. Nantes ; Du 12 au 13 mars 2019 Théâtre Firmin-Gémier Châtenay-Malabry

Le texte est publié à l’Avant-Scène Théâtre


Archive pour 14 mai, 2018

Le Maître et Marguerite, d’après le roman de Mikhaïl Boulgakov

 

Le Maître et Marguerite, d’après le roman de Mikhaïl Boulgakov, adaptation et mise en scène d’Igor Mendjisky

09052018-img_5242Mikhaïl Boulgakov (1891-1940), eu peu de ses œuvres publiées de son vivant  et son ultime texte, écrit et remanié de 1928 jusqu’à son dernier souffle, ne parut en Russie que trente-trois ans plus tard! Après lui avoir donné de nombreux titres, il le baptisa Le Maître et Marguerite quand il introduisit le personnage d’un écrivain (sorte d’alter ego), le Maître, la rencontre de ce dernier avec Marguerite, et le roman qu’il écrit : l’histoire «véridique» de Jésus et de Ponce Pilate.

Depuis, revanche posthume, le roman a connu nombre d’adaptations cinématographiques et théâtrales: l’œuvre semble inépuisable et mêle habilement fantastique et  réel, époques et lieux, de la Moscou des années trente, sous la dictature de Joseph Staline, à la Jérusalem sous  Ponce Pilate. Mikhaïl Boulgakov revisite, à la russe, le mythe de Faust et, en dramaturge accompli, injecte dans son roman une théâtralité implicite : de quoi tenter bien des metteurs en scène, dont Simon McBurney, en 2012, au Festival d’Avignon (Voir Le Théâtre du Blog).

Igor Mendjiski s’empare avec gourmandise de ce roman en le tirant vers une fête farcesque autour du personnage du diable, sous les traits de Woland, fauteur de pagaille et empêcheur de tourner en rond, plus sympathique que satanique. Il a choisi d’installer les spectateurs sur les trois côtés de l’aire de jeu, afin de les inclure dans sa mise en scène et de faire circuler les huit comédiens(ne)s parmi eux. Cela commence à l’asile psychiatrique où l’on soigne le dramaturge Ivan, parce qu’il accuse un certain professeur Woland d’avoir tué son ami Berlioz et prétend avoir vu à l’œuvre cet homme et sa clique dont un chat noir fort bavard. Là, Ivan se lie d’amitié avec le patient de la chambre voisine, Le Maître qui lui raconte sa rencontre amoureuse avec Marguerite en une série de séquences imbriquées avec les scènes de son roman : la relation entre Jésus -Yeshoua Ha-Nozri- et Ponce Pilate.

Le spectacle, après bien des péripéties qui embarquent le public dans un voyage onirique, se conclura dans ce lieu, sur la même phrase qu’au début : «Tout cela est bientôt terminé». Le metteur en scène, sous les traits d’Ivan, tient ainsi sa pièce par les deux bouts, construite en une série de retours en arrière et en assure la cohérence.

Romain Cottard, offre sa haute stature à Woland dans un numéro impressionnant. Il est aussi le docteur de l’asile et passe sans problème d’un personnage à l’autre, comme le font aussi ses partenaires, grâce à la fluidité de la pièce. Alexandre Soulier l’accompagne partout, en gros matou avide de câlins. Le personnage du Maître (Marc Arnaud) est moins bien dessiné comme celui de Marguerite, notamment dans sa relation avec son amant. Mais Esther Van den Driessche se révèle dans la dernière partie du spectacle quand, invitée par Satan à mener le bal, Marguerite se transforme en sorcière et demande au diable de sauver le Maître : les deux amants suivent Woland, loin de Moscou, morts mais libres. Afin de faire participer le public et  au risque de paraître un peu racoleuses, les scènes de magie noire ont été ici réécrites comme des numéros de cabaret, avec chansons pop…

 On peut se demander pourquoi les scènes bibliques sont jouées en grec ancien, et la crucifixion, en hébreu, coquetterie inutile; les quelques passages en russe, traduits en direct, se justifient davantage. A vouloir transposer le roman dans un contexte contemporain un peu kitsch, on perd de la force de l’œuvre et de sa virulence politique. Le Maître a recours à Satan pour continuer son roman, évincer les censeurs et exiler à Yalta le directeur du théâtre : une vengeance littéraire de Mikhaïl Boulgakov qui a vu ses pièces interdites par la censure et, qui, comme son héros, a brûlé Le Maître et Marguerite pendant la crise de 1930 avant de le réécrire.
Reste l’esprit fantastique du roman, la folie qui s’empare de cette Moscou stalinienne, avec l’irruption du diable. En une heure cinquante, ce plaisant voyage du côté de chez Mikhaïl Boulgakov nous met en appétit pour aller dévorer toute l’œuvre de ce grand écrivain.  

Mireille Davidovici

 Jusqu’au 10 juin Théâtre de la Tempête, Cartoucherie de Vincennes, route du Champ-de-Manœuvre. T. : 01 43 28 36 36,

 Et du 6 au 27 juillet, Gilgamesh Belleville -Festival off d’Avignon.

Du 6 au 9 mars 2019 Grand T. Nantes ; Du 12 au 13 mars 2019 Théâtre Firmin-Gémier Châtenay-Malabry

Le texte est publié à l’Avant-Scène Théâtre

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