Au Bois, d‘après le texte de Claudine Galéa, mise en scène de Benoît Bradel

Au Bois, d‘après le texte de Claudine Galéa, mise en scène de Benoît Bradel

 © Jean-Louis Fernandez

© Jean-Louis Fernandez

 Le bois, près d’une ville, n’est plus qu’un résidu de forêt. Plus d’enchanteurs, plus de magie, plus de bandits de grands chemins, mais des restes de pique-nique, avec au mieux quelques canettes et papiers gras, voire tout un dépôt sauvage. Des jeux pour les enfants mais aussi des loups solitaires à forme humaine en quête de proie, et des «Petites sublimes» qui voudraient bien courir ou faire du vélo sans crainte. Le bois de Claudine Galéa et Benoît bradel est de ceux-là : familier et un peu sale, un peu dangereux.
Leur Petite sublime n’ira porter ni galette ni petit pot de crème à sa grand-mère : « Non, dit-elle, à sa mère, vas-y toi-même.» Elle rencontrera quand même un Loup «normal et beau», mais il ne se passera rien, pas plus qu’avec sa mère qui, elle, aurait bien vu ce loup-là… Elle croisera un chasseur doucereux qui lui proposera de la protéger: cela suffit pour faire  sonner toutes les alarmes et le vocabulaire énergique de la Petite. Elle sera en liberté, en danger, en errance, sous les yeux d’un personnage un peu mélancolique, le Bois, un Bois normal et moche, joliment joué par Emmanuelle Lafon, vêtue d’une sorte de tulle de lichens…

Il y aura plusieurs fins, sauf celle qu’attendait La Rumeur Publique, personnage collectif présent uniquement en vidéo, par une sorte de retournement du spectacle télévisé : un drame atroce, un fait-divers, l’assassinat d’une joggeuse… Bref, un vrai conte, même si le récit traditionnel (avec ses différentes variantes), pas mal chahuté, cruel et ludique est joué  avec les moyens les  plus simples du théâtre. La scénographie évoque ces aires de jeu en bois, maltraitées par les enfants et peu entretenues, les palissades derrières lesquelles on se cache, une végétation rachitique et obstinée. En liberté, chacun chargé est d’être soi-même, pleinement : Raoul Fernandez (Un Chasseur normal et hideux) plus étrange et familier à la fois qu’on ne pourrait s’y attendre, la mère (Émilie Incerti-Formentini) chante, danse, bouge, avec une grâce rondelette qui n’appartient qu’à elle, Seb Martel (le Loup normal et beau) égrène ses notes de guitare mélancolique… Mais surtout la jeune Séphora Pondi donne à la Petite, sa force et une robustesse qui peut se laisse traverser par le trouble et la peur, revendiquant sa peau noire et sa coiffure ethnique « blond vénitien“ : c’est comme cela qu’on se fabrique une identité, à l’adolescence…

Ce beau conte se fait et se défait devant nous, explorant les fluctuations des zones limites : qu’est-ce qu’être une « Petite », une femme ? Qu’est-ce qu’une ville, un bois  et le danger? Des bouffées d’imaginaire soufflent dans le réel, mais un réel pris au sérieux : les contes ont une fonction d’initiation et non d’illusion ou de rêverie. Au Bois: du théâtre au présent, qui joue sur l’hétéroclite: de quoi nous donner à imaginer et à penser dans les interstices. Entre les arbres ?

Christine Friedel

Théâtre National de la Colline, rue Malte-Brun, Paris XXème. T. : 01 44 62 52 52,  jusqu’au 19 mai.

 

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